
Lille, le samedi 2 avril 2022 – A 17 ans, Arsène Sabanieev s’est fait tatouer sur le bras droit le Tryzub, un trident symbole officiel de l’Ukraine, afin de ne jamais oublier le pays qu’il a quitté à 12 ans avec sa mère. 15 ans plus tard, Arsène est devenu anesthésiste-réanimateur à l’hôpital catholique de Lille et est plus que jamais fier de ses origines ukrainiennes. Depuis le début de l’invasion de son pays de naissance par l’armée russe le 24 février dernier, il multiplie les aller-retours pour acheminer de l’aide médicale en Ukraine.
Il ne pouvait pas rester en France
Lorsque les troupes de Vladimir Poutine ont commencé à bombarder l’Ukraine, le Dr Sabanieev se trouvait en vacances chez sa famille à Ivano-Frankivsk, dans l’est du pays. Après 40 heures de périple à travers l’Europe, il a pu retrouver sa compagne à Lille. Mais le médecin franco-ukrainien a immédiatement pris la décision de repartir vers l’est pour apporter son aide à ses compatriotes. « Rester là alors qu’on massacre un peuple et que la médecine d’urgence est le cœur de mon métier, je ne peux pas, moralement, c’est impossible » expliquait le jeune médecin aux journalistes du Parisien début mars. « Si j’étais seul, j’irais directement en Ukraine et je m’engagerais dans l’armée ukrainienne » explique celui qui vient tout juste d’acheter une maison avec sa compagne.
Pendant deux semaines, le Dr Sabanieev a tenté de rassembler le plus de matériel médical possibles, donnés ou vendus par les hôpitaux de la région. Il a ainsi pu collecter 150 civières, trois respirateurs de réanimation, des défibrillateurs, des seringues autopulsées etc. Le réanimateur a également tenté de convaincre des collègues de partir avec lui. Mais la plupart des volontaires se sont rapidement désistés lorsqu’ils ont appris que l’initiative du Dr Sabanieev ne s’appuyait sur une aucune association. « Je pars de ma propre initiative, sans organisation derrière moi » assurait-t-il au Parisien. Les ONG n’envoient pour le moment aucune équipe médicale sur place, la situation étant jugée trop dangereuse. Finalement, un confrère lillois acceptera de partir avec le Dr Sabanieev.
Jusqu’à la victoire
Le médecin franco-ukrainien n’a finalement passé qu’une dizaine de jours à Kiev, le temps de distribuer le matériel collecté dans différents hôpitaux de la région. Comme il l’explique à nos confrères de What’s Up Doc, il a pu constater que les hôpitaux ukrainiens manquaient de matériel nécessaire à la réanimation, tout en débordant de compresses et de couches déversées par une aide humanitaire pas toujours très bien organisée. Il a également salué le courage de ses confrères ukrainiens, qui travaillent parfois à moins de 3 km de la ligne de front.
Lors de son séjour, le réanimateur lillois n’a finalement pas eu à prendre en charge des patients. Mais une fois de retour à Lille, il a reçu un appel de ses confrères ukrainiens, lui indiquant qu’on avait besoin de lui. Le temps de rassembler à nouveau du matériel médical et de remplir les deux ambulances que le CHU de Lille vient de lui offrir et le Dr Sabanieev repartira au front. Lorsqu’on lui demande pendant encore combien de temps il compte faire ces allers-retours humanitaires, la réponse du jeune homme est clair : « jusqu’à la victoire ».
Nicolas Barbet