Séquelles des abus sexuels dans l’enfance

Les abus sexuels dans l’enfance n’affectent pas seulement les victimes, mais peuvent aussi retentir sur leur entourage. Parfois, le dysfonctionnement familial n’est d’ailleurs pas seulement une conséquence de ce traumatisme, mais un facteur de risque préexistant : violence domestique, reproduction trans-générationnelle, contexte d’addiction, de maladie mentale, ou d’antécédents judiciaires…

Citée par l’éditorialiste de l’American Journal of Psychiatry, une étude de 1996 sur les facteurs de risque en matière de surmortalité à Harlem [1] montre que les taux d’abus sexuels dans l’enfance y sont plus élevés que dans la population générale : 3 fois plus élevés chez les hommes, et 2,75 fois plus chez les femmes. Mais cette surmortalité (par maladie, suicide ou accident) ne résume pas les conséquences différées des abus sexuels, car ce vécu dramatique ne semble pas déclencher un préjudice unique bien identifié, mais plutôt « un ensemble de troubles à la fois psychiques et physiques, source d’une vaste symptomatologie somatique et mentale », même à grande distance de l’événement traumatisant.

Comme le résume l’auteur, « les abus sexuels durant l’enfance déclenchent des perturbations ubiquitaires » dans l’organisme.

Une étude (Talbot & col., 2009) a même montré que des antécédents d’abus sexuel dans l’enfance sont équivalents, en termes de sur-morbidité et d’incidence psychosomatique pour l’intéressé, à un vieillissement prématuré de 8 ans, voire de 20 ans en matière de vécu quotidien et de perception de douleurs corporelles (for activities of daily living and body pain). L’auteur s’appuie sur ces données pour inciter la société à « de nouveaux efforts » afin d’atténuer l’impact négatif et prolongé des abus sexuels dans l’enfance. Ces efforts impliquent une meilleure prise en charge des victimes et « la nécessité de campagnes de santé publique s’attaquant à leur stigmatisation ». Dans l’espoir qu’après une agression sexuelle dans l’enfance, la persistance de séquelles à l’âge adulte ne demeure plus une fatalité.

[1] District de Manhattan, à New-York (États-Unis)

Dr Alain Cohen

Référence
Fullilove MT : Toxic sequelae of childhood sexual abuse. Am J Psychiatry (2009) 166-10 : 1090–1092.

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  • Une altéreration de l’ADN

    Le 02 décembre 2009

    Des chercheurs de l’Université McGill et de l'Institut Douglas (Patrick O McGowan et collaborateurs) ont découvert que les traumatismes de l’enfance pouvaient altérer l’ADN et influencer de façon permanente le fonctionnement des gènes et du cerveau.
    L’équipe de Patrick McGowan a utilisé une cohorte de 36 échantillons de cerveaux mâles. Un tiers provenait de suicidés victimes de maltraitance pendant l’enfance, un tiers de suicidés non victimes de maltraitance et un tiers de sujets témoins. Les chercheurs ont découvert que les suicidés ayant subi des sévices présentaient des marques spécifiques de méthylation épigénétique, absentes sur les sites d’ADN chez les sujets des deux autres groupes. Les chercheurs ont pu démontrer que ces marques influençaient le fonctionnement de l’axe hypothalamo-pituitaire-surrénalien (HPS).
    L'étude, publiée dans le numéro du 22 février 2009 de Nature Neuroscience, démontre que la présence ou l'absence de sévices à un âge précoce agit sur le fonctionnement des gènes, lesquels auront un impact sur le comportement de l'enfant et sa capacité de résistance au stress.
    Source: Patrick O McGowan, Aya Sasaki, Ana C D'Alessio, Sergiy Dymov, Benoit Labonté, Moshe Szyf, Gustavo Turecki & Michael J Meaney. Epigenetic regulation of the glucocorticoid receptor in human brain associates with childhood abuse, Nature Neuroscience, mars 2009; 3 (12):342 - 348

    Dr Philippe Arvers, Grenoble

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