
L’obésité constitue un problème de santé publique majeur.
L’épidémie d’obésité parait coïncider avec des modifications
d’habitudes de sommeil, observées ces dernières décennies dans nos
sociétés. A titre d’exemple, un tiers de la population aux USA dort
moins de 7 à 9 heures par nuit, comme cela est recommandé. Il
existe de nombreuses preuves suggérant qu’un sommeil de moins de 7
heures par nuit est nocif en matière de santé et constitue un
facteur de risque important d’obésité.
Au niveau populationnel, il existe une association entre flux
d’énergie et prise de poids. L’apport énergétique est le facteur
essentiel d’un éventuel surpoids dans nos sociétés modernes. Toute
augmentation d’environ 100 kcal/j de la prise énergétique
conduirait à un gain de poids de 4,5 kg sur 3 ans. Un des facteurs
causaux pourrait être une durée insuffisante de sommeil. De fait,
des études expérimentales de courte durée, menées en laboratoire
ont fait la preuve qu’une restriction de sommeil, chez des sujets
normaux, était associée à une augmentation de l’apport énergétique
d’environ 250 à 300 kcal/j, sans hausse ou avec une variation très
minime de la dépense énergétique. A ce jour, toutefois, on ignore
si une intervention visant à augmenter la durée de sommeil peut,
dans des conditions de vie réelles, affecter la balance énergétique
et, par conséquent, modifier le poids corporel.
Des effets sur la balance énergétique
Sur 210 adultes éligibles, 80 personnes d’âge moyen 29,8 (9,1)
ans ont été randomisées dans un groupe contrôle et un groupe «
actif ». On comptait 41 hommes et 39 femmes. Aucun ne
prenait de médicaments anti hypertenseur ou hypolipémiant pouvant
affecter le sommeil ou le métabolisme. Mesurée par actographie, la
durée supplémentaire de sommeil dans le groupe actif a été de 1,2
heure (intervalle de confiance à 95 % IC : 1,0- 1,4 ; p <
0,001), comparativement au groupe témoin, cela tant pour les jours
ouvrés que les jours de repos. On ne note, par contre, aucune
différence entre les 2 bras, dans la période passée au lit sans
dormir (-0,6 heure ; IC : -2,1 à 1,0 heure ; p= 0,48).
L’apport énergétique a diminué significativement dans le
groupe actif (- 270 kcal/j ; IC : - 393 à – 147 ; p< 0,001).
Comparativement, durant la même période, une hausse notable de
l’apport énergétique a été notée dans le groupe contrôle (114,9
kcal/j ; IC :29,6 à 200,2) et une diminution tout aussi
significative dans le groupe avec sommeil prolongé (- 155 kcal/j ;
CI : -244, 1 à – 66,9). La durée totale de sommeil est apparue
inversement corrélée avec les variations de l’apport énergétique (r
= - 0,41 ; IC : - 0,53 à – 0,20 ; p < 0,001). Chaque
augmentation de 1 heure de la durée de sommeil a été associée à une
réduction de la prise énergétique de 162 kcal/j (IC : - 248 à -77 ;
p< 0,001). On ne note, par contre, aucune variation de la
dépense énergétique globale. En conséquence, les participants du
groupe actif ont présenté une réduction pondérale significative de
– 0,87 kg ; (IC : - 1,39 à - 0,35 ; p = 0,001) par rapport au
groupe contrôle. De façon plus précise, on enregistre un gain de
poids de 0,39 kg (0,002 à 0, 76) dans ce dernier versus une
baisse de – 0,48 kg (- 0,85 à – 0,11) dans le groupe avec
prolongation de la durée du sommeil. Ni le sexe, ni la période du
cycle menstruel ne modifient les résultats globaux.
Ainsi, chez des individus en surpoids dont la durée de sommeil
est habituellement courte, une prolongation du sommeil réduit la
prise énergétique et amène à un bilan énergétique négatif en
conditions de vie réelles. Ce travail démontre donc les effets
bénéfiques d’un sommeil plus prolongé sur la prise énergétique et
le poids corporel chez des individus en surpoids mais conservant
par ailleurs un même environnement et un même style de vie. Bien
que cette étude n’ait pas porté sur le long terme, il est possible
d’extrapoler, en cas d’effet durable, une perte de poids de 12 kg
sur 3 ans. Ces résultats sont à rapprocher de ceux menés en
laboratoire, sur de courtes périodes, qui avaient démontré qu’une
réduction de la durée de sommeil majorait une prise de poids. Ils
sont aussi concordants avec ceux d’études observationnelles qui
avaient établi une association entre sommeil et obésité, le risque
de poids excessif pouvant croitre, selon certaines, de 9 % par
heure de sommeil en moins.
Ce travail a plusieurs qualités : il a été randomisé et a
comporté une évaluation détaillée des apports énergétiques. Il a
été réalisé dans des conditions réelles et non en laboratoire. A
l’inverse, il n’a inclus que des individus en surpoids, limitant
ainsi la généralisation de ses résultats. En outre Il n’a pas porté
sur une longue période et les méthodes de marquage utilisées
offraient une précision de seulement 5 %.
Dr Pierre Margent