Signification du rapport CD4/CD8 pour les patients VIH+ virologiquement contrôlés

Une augmentation des lymphocytes T CD8+ et un rapport CD4/CD8 bas sous traitement antirétroviral (ART) sont aujourd’hui corrélés avec une immunosénescence. Mais la question demeure de savoir si ces paramètres sont prédictifs de la survenue d’événements cliniques pertinents, liés ou non au sida. Selon cette nouvelle étude, les patients les plus à risque sont ceux qui présentent un taux de CD8+ ≥ 1.500 cellules/µL à 2 ans de traitement.

Les personnes vivant avec le VIH avec une charge virale indétectable sous ART sont à haut risque de complications non reliées au sida comparé aux personnes séronégatives. Ce surrisque peut en partie être prédit par le taux de lymphocytes T CD4+. En parallèle, les complications liées au sida sont la conséquence finale de l'infection par le VIH. Mais ces dernières années, le taux de lymphocytes T CD8+ et le rapport CD4/CD8 ont été reconnus comme des marqueurs de survenues de co-morbidités liées au sida ou non liées au sida, dues à la toxicité des ARV, à l'immunosénescence, aux co-infections (HCV), à une inflammation persistante etc. Ces 2 marqueurs ont également été associés à un risque de mortalité de toute cause.

Mais tout le monde n'est pas convaincu de l'utilité réelle de ces paramètres en pratique clinique. La raison invoquée est le fait que les données sont issues d'études de cohortes rétrospectives qui ne renseignent pas toujours sur le taux de CD8+, sur le type d'événements cliniques ou sur les durées de suivi sans compter un nombre significatif de patients perdus de vue. Dans cette nouvelle étude, les auteurs ont voulu être plus précis en analysant séparément la valeur prédictive des taux de CD4, de CD8 et du rapport CD4/CD8.

Un risque doublé en cas de T CD8+ élevés

L'étude1 a inclus 5.133 participants naïfs de traitement, enrôlés dans les études ACTG384, 388A, 5095A, 5142A, 5202A et 5257 et virologiquement contrôlés après 2 ans de ART. Les patients avaient un âge médian de 38 ans, 19% étaient des femmes, les taux médians de CD4 avant traitement étaient de 249 cellules/µL avec 37% présentant une charge virale > 100.000 copies/mL. Les événements cliniques pertinents ont été recensés pendant 7 ans et corrélés à un taux de CD8+ < 500, compris entre 500 et 1.499 ou ≥ 1.500 cellules /µL et un rapport CD4/CD8 < 0,4, compris entre 0,4 et 1 et > 1 à 2 ans de traitement.

La distinction était faite entre les événements liés au sida ou non reliés au sida (maladies cardiovasculaires, rénales, hépatiques, néoplasies etc.). Au total, 379 événements cliniques pertinents ont été enregistrés entre la deuxième et la septième année dont 8,4% de maladies cardiovasculaires, 23,2% d'insuffisances rénales, 29% de diabètes et 10% de cancers non reliés au sida et 6,9% d'événements classés sida. A 2 ans, 16% des patients ont un taux de CD8+ < 500 cellules /µL, 79% entre 500 et 1499 et 6% ≥ 1500 cellules /µL.

Chez les 284 patients avec un taux élevé de CD8+ (≥ 1.500 cellules/µL), la probabilité d'un événement clinique durant les années 3 à 7 est plus élevée comparé aux patients avec des taux compris entre 500 et 1.499 cellules/µL (OR non ajusté = 1,93, ajusté selon les CD4 = 1,91). Des taux de CD8 ≥ 1.500 cellules/µL sont prédictifs d'événements cliniques reliés au sida (OR ajusté pour les CD4 = 3,49) et d'événements non reliés au sida (OR ajusté pour les CD4 = 2,18). Le rapport CD4/CD8 n'est pas lié à la survenue d'événements cliniques.

Seul un taux de CD8 > 1.500 cellules/µL est prédictif

Dans cette large étude prospective, les participants avec des taux élevés de CD8 mesurés à 2 ans après l'instauration du ART, développent plus souvent un événement clinique que ceux avec des taux plus faibles. L'effet est indépendant du taux de CD4. Face à des taux de CD8 élevés et un rapport CD4/CD8 abaissé, seul un taux de CD8 > 1.500 cellules/µL est prédictif à la fois d'événements sida et non sida non infectieux. Pour les auteurs, ces données doivent attirer l'attention sur la nécessité de surveiller le taux de CD8 chez ces patients indépendamment du taux de CD4+.

Cet article a d'abord été publié sur MediQuality le 20/01/2023

Dr Claude Biéva

Référence
Serrano-Villar S, Wu K, Hunt PW, et coll. : Predictive value of CD8+ T cell and CD4/CD8 ratio at two years of successful ART in the risk of AIDS and non-AIDS events. EBioMedicine. 2022 Jun;80:104072. doi: 10.1016/j.ebiom.2022.104072. Epub 2022 May 26. PMID: 35644125; PMCID: PMC9156990.

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Vos réactions (1)

  • VIH et le taux CD8+ absolu

    Le 03 février 2023

    D'après mes expériences cliniques depuis les années 8O jusqu'à maintenant le taux élevé de CD8+ absolu, malgré la diminution de CD4+ parallèle, signifie mieux le pronostic total contrairement à la chute des lymphocytes CD8+ chez les malades avec le SIDA. Il faut sans cesse chez les malades souffrants du SIDA contrôler non seulement le taux absolu de CD4+, mais aussi le taux absolu de CD8+.

    Dr Jaroslav Svoboda, Université Charles, 1. Fac. de médecine, Prague. / Paris.

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