
Dans le domaine de la prévention secondaire relevant de la maladie coronaire, les statines ont fait la preuve d’une efficacité réelle qui n’a jamais été démentie. Cependant, les vertus thérapeutiques de cette classe pharmacologique ne se résumeraient aux conséquences de la baisse du cholestérol total et du LDL-cholestérol. Les statines auraient aussi des effets pléiotropes variés, mais il faut reconnaître que le niveau de preuve actuel, sur ce point, n’est pas très élevé, en tout cas pas assez pour leur valoir des indications nouvelles officielles. A titre d’exemple, les effets sur la carcinogenèse sont l’objet d’une polémique, liée aux résultats contradictoires des études publiées. Les données ne manquent pas, mais aucun consensus ne peut être atteint, d’autant que les causes de divergences sont nombreuses : 1) durée du traitement et doses utilisées ; 2) type de statine ; 3) type et stade évolutif du cancer …pour ne citer que quelques exemples. Une étude d’observation, réalisée dans la province du Québec (Canada), ne saurait trancher, mais ses résultats méritent néanmoins d’être rapportés pour alimenter le débat. Ce travail repose sur l’analyse des bases de données administratives recueillies entre 1998 et 2004.
Les malades inclus étaient âgés d’au moins 45 ans et tous avaient survécu à un infarctus du myocarde (IDM). La prise de statines a été qualifiée de faible ou élevée à partir de l’ordonnance rédigée à la sortie du milieu hospitalier. Au total, l’analyse statistique a porté sur une vaste population soit 30 078 patients, composée a posteriori de trois groupes, en fonction de l’exposition aux statines : 1) élevée (n=6 015) ; 2) basse (n=5 323) ; 3) nulle (n=18 738).
Le suivi a été au total de 7 années. Une analyse multivariée selon le modèle de Cox a été appliquée aux données afin, de rechercher une association entre la prise de statines et la fréquence des admissions en milieu hospitalier avec le diagnostic de cancer, exprimée pour 1000 sujets-années, soit respectivement 13,9, 17, 2 et 26,0 dans les trois groupes précédemment définis. Les risques relatifs ajustés correspondants ont été estimés à 0,75 dans le groupe 1 et 0,80 dans le groupe 2. A l’évidence, cette étude de cohorte non contrôlée et rétrospective ne saurait faire la lumière dans la pénombre actuelle. Elle est à verser au dossier des statines dans ce contexte particulier. Des études longitudinales méritent d’être envisagées, car seule cette approche prospective peut permettre de répondre aux hypothèses et aux questions actuelles.
Dr Philippe Tellier