
La β-thalassémie est une anémie hémolytique constitutionnelle
liée à la survenue de mutations au niveau du gène (HBB)
codant pour les chaînes β de la globine entraînant soit une
réduction (en cas de génotype β+)
soit une absence de synthèse (en cas de génotype
β0) de chaîne β
fonctionnelle. Il existe de ce fait un excès de chaînes de globine
α qui entrave le développement et la survie des érythrocytes
conduisant à une érythropoïèse ineffective, une hémolyse, une
anémie chronique et finalement à une forte dégradation de la
qualité de vie. Les patients porteurs de β-thalassémie avec
une anémie sévère doivent recevoir des transfusions de culots
globulaires tout au long de leur vie et un traitement chélateur du
fer pour prévenir la surcharge ferrique.
Des essais de thérapie génique récents ont utilisé
betibeglogene autotemcel (beti-cel ; Bluebird Bio) chez des
patients atteints de β-thalassémie dépendants des transfusions.
Beti-cel permet d’ajouter au niveau des cellules souches
hématopoïétiques des copies fonctionnelles de HBB -
contenant une substitution en acides aminés (T→Q) en position 87
(afin d'augmenter le rendement des copies du vecteur viral) et des
éléments régulateurs de la chaîne β- grâce
à la perfusion de cellules autologues CD34+
transduites par un vecteur lentiviral BB 305 auto-inactivé et ne
pouvant se répliquer. Les premiers essais de phase 1-2 ont été
encourageants et un essai de phase 3 HGB-207 (Northstar-2) a été
entrepris dont les résultats sont rapportés dans le New England
Journal of Medecine.
Il s'agit d'une étude d'efficacité et de sûreté débutée en
2016 et poursuivie jusqu'en 2020 et ayant concerné 9 centres
répartis en Europe (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni), en
Thaïlande et aux États-Unis. Elle a concerné des patients atteints
de β-thalassémie (de génotype non -
β0/β0)
dépendants des transfusions (ayant reçu au moins 8 transfusions de
concentrés globulaires au cours des 2 ans précédant l'étude), sans
surcharge ferrique massive et ne disposant pas de donneur de moelle
osseuse allogénique HLA-compatible.
Les patients recevaient un conditionnement médullaire par
busulfan (les doses étant ajustées après étude pharmacocinétique)
puis le beti-cel par voie intraveineuse.
Le critère principal de jugement était l'obtention d'une
indépendance transfusionnelle définie comme la persistance d'un
taux d'hémoglobine supérieur ou égal à 9 g/100mL au moins pendant
12 mois.
Obtention d’une indépendance aux transfusions dans plus de 90 % des cas
Une indépendance aux transfusions a pu être obtenue chez 20/22 patients qui ont pu être évalués (91 %), dont 6/7 patients de moins de 12 ans. Le taux d'hémoglobine moyen durant cette période était de 11,7g/100mL (de 9,5 à 12,8 g/100mL). Un an après la perfusion de beti-cel, le taux médian d'hémoglobine A provenant du transfert génique (portant donc la mutation T87Q soit HbAT87Q) était de 8,7 g/100mL (de 5,2 à 10,6 g/100 mL) chez les patients ayant une indépendance transfusionnelle. Notons également que les études de la moelle osseuse et la mesure de certains marqueurs sanguins montraient une amélioration de l'érythropoïèse et une diminution de la surcharge en fer. Chez les 2 patients qui n'ont pas obtenu d'indépendance transfusionnelle, il n'a pas été possible de mettre en évidence de différence clinique ou biologique préalable au traitement. Le beti-cel perfusé présentait les mêmes critères que chez les autres patients concernant le nombre de copies de vecteur viral ou le nombre de cellules CD34+ positives pour le vecteur viral. Par contre, au fil du temps le nombre de copies du vecteur viral retrouvé dans les cellules sanguines circulantes était nettement inférieur à celui des autres patients, reflétant probablement une transduction virale insuffisante au niveau des cellules souches hématopoïétiques de longue durée.Peu d’effets secondaires et pas à ce jour d’insertion mutagénique
Les effets secondaires notés dans ce protocole étaient en
accord avec l'utilisation du busulfan. Chez 4 patients il a été
observé au moins un effet secondaire que les auteurs ont rattaché
au beticel mais non sérieux, hormis la survenue d'une thrombopénie
chez un patient. Sur ce délai d'observation, aucun cancer n'a été
mentionné.
Ainsi si cette étude montre qu'une thérapie génique par une seule injection de beti-cell est capable de maintenir sur plus d'un an chez la plupart des patients (20/22) atteints de β-thalassémie (de génotype non β0/β0) un taux d'hémoglobine dans des valeurs normales, permettant aux patients de devenir indépendants des transfusions, il faut remarquer que la cohorte des patients ainsi traités est petite soulignant la difficulté de porter l'indication de ce type de traitement. Une surveillance sur le long terme s'impose s'agissant de l'étude de l'efficacité comme de la sécurité et c'est l'objet de l'étude suivante à laquelle sont soumis les patients de cette cohorte.
Dr Sylvia Bellucci