
Une résidente de 95 ans d’un Ehpad évoque son envie de se
suicider, mais le médecin du SAMU refuse de l’hospitaliser et
prescrit un sédatif. Le lendemain, la patiente est retrouvée morte
: elle s’est défenestrée du 2ème étage. Un drame, relatée par la
Haute Autorité de Santé (HAS) dans son rapport sur les suicides de
patients, qui illustre les différentes failles dans la prise en
charge qui peuvent permettre le passage à l’acte.
Dans son analyse publiée jeudi dernier, la HAS s’appuie sur
795 cas de suicides et tentatives de suicides en milieu hospitalier
ou médico-social (ce qui inclut les Ehpad) signalés entre mars 2017
et juin 2021 pour émettre quelques recommandations.
53 % des suicides de patients se font par pendaison
Sans surprise, parmi les 795 cas de passage à l’acte analysés
par la HAS, une grande part concerne les services de psychiatrie,
où 451 suicides et tentative de suicides ont été recensés, soit 57
% des dossiers analysés. Ces faits ont été signalés dans le cadre
du dispositif national de déclaration des évènements indésirables
graves en associations aux soins (EIGS) et ne représentent donc pas
la totalité des tentatives de suicide de patients.
Comme leur nom l’indique, ces évènements graves ont des
conséquences très sérieuses : dans deux tiers des cas analysés, le
patient est décédé. Comme dans la population générale, le risque
que la tentative de suicide aboutisse au décès augmente nettement
avec l’âge. Par ailleurs, 41 % des cas de suicides et de tentatives
de suicide concernent des patients de plus de 60 ans.
Parmi les causes facilitant le suicide des patients, la HAS
insiste notamment sur le manque de sécurisation de l’environnement
et de vigilance du personnel soignant. Ainsi, alors que 53 % des
suicides se font par pendaison ou auto-strangulation, la HAS
appelle les établissements de santé à contrôler l’accès à des
points de fixation.
Mais le rapport évoque également des méthodes de suicide plus
inattendus, comme ce patient admis en hôpital psychiatrique s’étant
donné la mort par arme à feu, après que l’équipe soignante n’a pas
jugé nécessaire de contrôler ses bagages à l’entrée de
l’établissement.
Un risque de suicide souvent mal identifié
La HAS appelle à mieux former les soignants, notamment ceux
qui ne sont pas spécialisés en psychiatrie, à l’identification des
risques d’autolyse. Les auteurs du rapport s’étonnent ainsi de
plusieurs cas où aucun facteur de risque n’avait été identifié. Le
suicide d’un patient mélancolique et suicidaire a ainsi été
considérée comme inattendu par les psychiatres qui le prenaient en
charge.
Idem pour le cas d’un homme paraplégique souffrant d’un cancer
et risquant l’amputation et dont les envies suicidaires n’avaient
suscité l’inquiétude d’aucun médecin. Dans de nombreuses
déclarations, les soignants se réfugient derrière l’idée de «
raptus suicidaire » sans chercher les causes du passage à
l’acte. Ils semblent par ailleurs encore nombreux à penser que
parler de suicide avec un patient peut l’inciter à se donner la
mort.
Parmi ses autres préconisations, la HAS incite à développer
une culture de la sécurité au sein des hôpitaux, via la mise en
place de protocoles de prévention dans chaque établissement. Les
experts préconisent également de créer un plan de prévention du
suicide personnalisé pour chaque patient, en fonction de ses
antécédents et de son diagnostic.
Enfin, la HAS rappelle qu’il ne faut pas négliger la sortie
d’hospitalisation d’un patient ayant réalisé une tentative de
suicide et préconise l’utilisation du système VigilanS, un
dispositif de surveillance et de maintien du contact avec le
patient.
*Cette formulation inattendue est utilisée par la HAS
elle-même
Quentin Haroche