Suppression de l’obligation vaccinale : un vote sans intérêt ?

Paris, le vendredi 5 mai 2023 – Les députés ont voté l’abrogation de l’obligation vaccinale des soignants contre la Covid-19, dix jours avant la suspension de cette obligation.

L’Assemblée Nationale s’est offert ce jeudi un énième psychodrame sur la question des vaccins contre la Covid-19, sans doute le dernier. Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe communiste, les députés ont adopté, par 157 voix pour et 137 voix contre, la proposition de loi du député communiste de la Guyane Jean-Victor Castor « portant abrogation de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus ». La Nupes et le Rassemblement National, qui demandent la suppression de cette obligation vaccinale depuis plus d’un an, ont crié victoire, tandis que le gouvernement et la majorité ont dénoncé un vote confortant le complotisme et les antivaccins… chacun feignant d’oublier que cette obligation vaccinale allait de toute façon être levée dans dix jours.

Cette proposition de loi a été déposée le 21 mars dernier, alors que la Haute Autorité de Santé (HAS) avait déjà rendu un avis non définitif favorable à la levée de l’obligation vaccinale. Dix jours plus tard, la HAS rendait son avis définitif préconisant la fin de l’obligation vaccinale, 20 mois après sa mise en place en septembre 2021. Le ministre de la Santé François Braun avait immédiatement annoncé qu’il se rangerait à cet avis et pas plus tard que ce mardi, une instruction ministérielle précisait que la réintégration des quelques milliers de soignants non-suspendus (0,3 % des agents de la fonction publique hospitalière seulement selon le ministère de la Santé) se ferait par décret le 15 mai prochain.

Quand les députés macronistes surjouent l’indignation

On aurait pu croire que l’annonce de cette réintégration des non-vaccinés par décret aurait entrainé le retrait de cette proposition de loi (François Braun l’avait d’ailleurs appelé de ses vœux) mais les députés communistes ont finalement tenu à la conserver à l’ordre du jour, notamment car son contenu ne correspond pas exactement à la position de l’exécutif. Contrairement au futur décret, qui ne fera que suspendre l’obligation vaccinale, la proposition de loi prévoit en effet que cette obligation sera purement et simplement supprimée, empêchant le gouvernement de la rétablir sans vote du Parlement. En outre, le texte prévoit que les soignants seront réintégrés en conservant leur état d’avancement précédant la suspension.

C’est donc un texte presque sans objet que les députés ont examiné, d’abord en commission le 12 avril dernier (où il a été rejeté) puis dans l’hémicycle ce jeudi. Si les débats auront été bien plus courtois que lors de la séance du 24 novembre dernier au cours de laquelle, en usant de méthodes d’obstruction parlementaire, la majorité avait fait échouer une proposition de loi similaire, on n’a malheureusement pas pu éviter certaines outrances. Le député LFI Jean-Philippe Nilor a ainsi qualifié l’obligation vaccinale de « loi infâme qui a provoqué tant de souffrances ». Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a immédiatement tenu à se démarquer de ces propos, réaffirmant « le respect que nous avons pour les scientifiques et la vaccination ».

A l’issue du vote, le camp macroniste, mis en minorité par une alliance contre nature entre la Nupes, le RN et une partie des députés Les Républicains, a quelque peu surjoué l’importance de ce vote, dénonçant une victoire du complotisme et des discours pseudoscientifiques. « Le complotisme l’a emporté sur la science lors des débats à l’Assemblée, la vaccination est une arme de protection massive, mais les oppositions ont décidé d’envoyer un message regrettable aux soignants » a ainsi déclaré François Braun… alors même qu’il s’apprête à lever l’obligation vaccinale par décret. Une position un brin hypocrite que n’a pas manqué de souligner Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). « Quand le ministre annonce hier la réintégration des soignants non vaccinés et déplore aujourd’hui l’abrogation de l’obligation vaccinale, il y a un problème de cohérence » souligne l’infirmier.

Malaise à l’Assemblée

Au final, ce vote aura surtout eu pour effet de raviver la colère des nombreux médecins qui, depuis un mois, affichent publiquement leur refus de voir les soignants non vaccinés être réintégrés. « Merci LFI, ce sont les plus pauvres, ceux qui vivent dans la promiscuité qui ont le plus subi, ce sont les aides-soignantes, brancardiers, infirmières qui étaient au plus près des patients, en piétinant l’obligation vaccinale, vous faites le lit des prochaines épidémies » a ainsi commenté le Dr Mathias Wargon, chef du service des urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis.

La proposition de loi doit désormais être examinée au Sénat, où elle a vraisemblablement peu de chances d’aboutir. D’ici là, les soignants non vaccinés auront été réintégrés, rendant le texte plus symbolique qu’autre chose. A noter que la séance s’est terminée de manière particulièrement dramatique ce jeudi à l’Assemblée, puisqu’une fonctionnaire du Palais Bourbon a fait un malaise cardiaque vers 23 heures. Elle a rapidement été prise en charge par deux députés, Julien Rancoule, pompier volontaire et le Dr Stéphanie Rist, rhumatologue, puis emmenée à l’hôpital par les secours. Son état s’est depuis stabilisé assure l’Assemblée Nationale.

Quentin Haroche

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Vos réactions (2)

  • Un pet dans la baignoire !

    Le 07 mai 2023

    Le genre de pet qui peut être aussi malodorant qu'inutile. Rien ici de bien glorieux pour ce que j'aurais tendance à appeler des "pseudo députés", des "irresponsables politiques" qui, pour se livrer à leurs désormais puériles jeux favoris, oublient résolument qu'ils sont là pour faire les lois et doivent, à ce titre, en connaître les tenants et les aboutissants pour mesurer la lourde responsabilité qui leur incombe.
    Ces mêmes irresponsables, égarés dans leurs jeux stupides comme des ados dans les "war games" de leurs smartphones ou de leurs ordis, ignorent sans doute que dans le même temps où ils font la coute échelle aux complotistes et Trumpistes de tout poil, les pédiatres s'arrachent les cheveux de constater la chute vertigineuse des vaccinations obligatoires et la réapparition de maladies que l'on croyait éradiquées (la Polio entre autres). Seront-ils toujours derrière les "Antivaccs", par démagogie nauséabonde quand, au nom de ces lois de protection sanitaire qui n'ont pas été abrogées (le Covid n'est qu'un épisode, il reste toutes les autres pathologies infectieuses contagieuses), on refusera aux enfants non vaccinés l'entrée en crèche, en maternelle, en primaire?
    Que ces "députaillons" aient pris les patins d'un collègue Guyanais ne m'étonne pas et ne plaide pas beaucoup pour leur sens du discernement, pas plus que pour celui du collègue Guyanais qui semble avoir du mal à distinguer les problèmes de protection posés par une menace pandémique sur une population et les positions idéologiques, si fondées puissent-elles être, contre ce qu'il considère comme une survivance de colonialisme. Ultra-marin moi-même, je trouve que la distinction peut-être vite assimilée.

    H.Tilly, IDE, MKDE

  • La comédie parlementaire

    Le 08 mai 2023

    Le populisme, dont le principe est que toute lubie populaire vaut mieux que la raison élitaire, domine désormais parmi les élus.
    Si l'on comprend bien, ce sont eux qui s'arrogent dorénavant d'édicter les recommandations sanitaires, et de produire à tout moment des lois ad hoc quand c'est utile à leur clientélisme.
    Supprimons donc l'ANSM, la HAS, les Académies... puisque nous disposons de députés capables d'imaginer tous les jours une vérité alternative.

    Dr Pierre Rimbaud

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