Le Pr J. Porter (Londres) a ouvert ce symposium et passé en revue les aspects diagnostiques, les éléments de surveillance et les objectifs thérapeutiques concernant la surcharge en fer, en mettant d’emblée l’accent sur l’évaluation fondamentale de la surcharge ferrique viscérale, notamment hépatique et cardiaque, car elle menace le pronostic vital.
L’évaluation de la charge en fer, une étape clé, nécessaire au
diagnostic et à la surveillance
Prenant en exemple la thalassémie majeure, le Pr J. Porter a
énuméré les nombreuses atteintes viscérales associées à la
surcharge ferrique post-transfusionnelle en insistant sur
l’atteinte cardiaque, cause de cardiomyopathie et d’insuffisance
cardiaque. En particulier, une étude post-mortem a évalué ce
retentissement avant l’avènement de la chélation et a montré chez
131 adultes, dont 101 transfusés pour leucémies et 30 pour anémies
d’autres causes, que 100 % des patients avaient des dépôts
cardiaques de fer après 201 à 300 unités transfusées. Il a
également rappelé que les autres complications viscérales liées à
la surcharge en fer comprenaient notamment l’atteinte hépatique,
source de fibrose, de cirrhose et de carcinome
hépatocellulaire ainsi que les atteintes endocriniennes, multiples,
avec hypogonadisme hypogonadotrope, hypothyroïdie,
hypoparathyroïdie, et pancréatique, cause de diabète. Cette longue
liste de complications grevant la morbidité et la mortalité,
souligne l’importance d’une détection précoce et d’une prise en
charge adaptée et coordonnée.
Préambule à l’évaluation de la surcharge ferrique, le Pr J. Porter a rappelé qu’une unité de concentré érythrocytaire contient 200 mg de fer et que la charge en fer transfusionnelle varie selon les pathologies motivant la transfusion. La gamme de besoins transfusionnels apparaît ainsi large dans la thalassémie majeure tandis que les besoins transfusionnels moyens sont moindres dans les syndromes myélodysplasiques et élevés dans l’anémie de Blackfan-Diamond.
Cette évaluation de la charge en fer se fonde sur le rythme
transfusionnel et la mesure des marqueurs de la charge corporelle
en fer : ferritinémie, concentration hépatique en fer évaluée par
biopsie (LIC, liver iron concentration) et quantifiée par IRM T2 et
séquence spin écho (T2,R2), charge cardiaque en fer quantifiée par
IRM T2*, T2 pondérée avec évaluation du retentissement sur la
fonction ventriculaire gauche (échocardiographie, IRM T2) afin de
repérer les patients à haut risque et de surveiller la réponse au
traitement.
Concernant la concentration sérique de ferritine, dont les
variations au cours du temps reflètent les changements de
concentration hépatique en fer, J. Porter a précisé qu’une
ferritinémie inférieure à 2 500 µg/l apparaît
significativement corrélée à une survie indemne d’atteinte
cardiaque.
Objectifs du traitement chélateur
Les objectifs du traitement chélateur sont à la fois préventifs et
thérapeutiques. Coté prévention, il s’agit d’ajuster fer transfusé
et fer chélaté et de prévenir les niveaux de fer générateurs
d’atteintes tissulaires. Coté traitement, il s’agit «
d’enlever » l’excès de fer, et d’inverser le dysfonctionnement.
Les effets bénéfiques de la chélation du fer sont considérables.
Une étude portant sur 977 patients atteints de thalassémie majeure,
montre l’amélioration spectaculaire de l’espérance de vie
grâce au traitement chélateur avec une proportion de décès à 20 ans
passant de 5 à 1 % respectivement chez les patients nés entre 1970
et 1974 versus ceux nés entre 1980 et 1984. Cette étude laisse
apparaître aussi, sous traitement chélateur, une réduction de
l’hypogonadisme (64,5 % versus14,3 %), du diabète (15,5 % versus
0,8 %) et de l’hypothyroïdie (17,7 % versus 4,9 %).
La gestion de la chélation du fer impose cependant une surveillance
en raison des risques, de la surcharge en fer et de l’excès de
chélateur, et le Pr J. Porter conclut sur cette gestion de risques
où pèsent, d’un côté, le trop-plein de fer, de l’autre, le
trop-plein de chélateur.
Le premier est générateur de radicaux libres, d’atteintes de nombre
d’organes, de troubles de la croissance, de défaillance viscérale,
et de mort de cause cardiaque.
Le second peut être, selon les chélateurs utilisés, source
d’inhibition des métallo-enzymes, de neurotoxicité, et de toxicité
médullaire, imposant une surveillance serrée.
Dr Julie Perrot