Surtout un risque de dépression avec les inhibiteurs de la 5α-réductase

Les inhibiteurs de la 5α-réductase (5-ARI), dont le finastéride et le dutastéride, sont très souvent prescrits dans l’hypertrophie bégnine de la prostate et dans l’alopécie androgénique. Ils inhibent la 5α-réductase, bloquant ainsi la conversion de la testostérone en un métabolite androgénique actif, le 5α-dihydrotestostérone (DHT). Plus précisément, le finastéride inhibe le type 2 de l’enzyme alors que le dutastéride bloque les types 1 et 2.

Ces dernières décennies l’attention a été attirée sur les sur-risques potentiels associés aux 5-ARI à type de déclin cognitif, démence, dépression et suicide, attribués à une diminution de synthèse de neurostéroïdes impliqués dans la neuroprotection, la mémoire et l’humeur. Mais les travaux consacrés à ce sujet comportaient souvent des biais méthodologiques et un suivi court, généralement de moins de 2 ans. Une nouvelle étude a donc été menée, au sein d’une population d’ampleur nationale et au long cours, dans le but de préciser l’association entre prise de 5-ARI et différents types de démence, la dépression et les suicides.

Une étude de cohorte prospective sur près de 80 000 hommes

Ce travail repose sur des registres nationaux suédois comprenant 2 236 876 hommes âgés de 50 à 90 ans entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2018, suivis à partir de l’âge de 50 ans ou à partir du 1er juillet 2005, jusqu’au 31 décembre 2018. Parmi eux, 79 227 (3,5 %) ont débuté un traitement par 5-ARI pour hypertrophie bénigne de la prostate pendant la période de suivi, à l’âge moyen de 73 ans (IQR : 66-80 ans), du finastéride dans 3,2 % des cas (n= 70 645), du dutastéride chez 0,4 % de la cohorte (n= 8 774) et une combinaison 5-ARI et α-bloquants pour 5,4 % d’entre eux (n= 121 409). Les sujets traités étaient dans l’ensemble plus souvent hypertendus, diabétiques et sous β-bloquants que les hommes non traités. L’analyse a porté sur la survenue de démences, de dépressions et de suicides pendant le suivi.

Le taux d’incidence de démence toute cause confondue s’établit à 79,3 pour 10 000 personnes-années (intervalle de confiance à 95 % IC : 76,7-82,0) sous finastéride et à 68,5 (IC : 63,0-74,3) pour le dutastéride, alors qu’il était de 22,0 (IC : 21,8-22,2) chez les sujets non exposés et de 35,9 (IC : 24,8-37,1) en cas de prescription d’α-bloquants seuls. Les 5-ARI sont associés à un risque accru de démence, le risque relatif (RR) s’établissant à 1,22 (IC : 1,17-1,28) pour le finastéride et à 1,10 (IC : 1,01-1,20) pour le dutastéride.

S’agissant plus particulièrement de la maladie d’Alzheimer, les RR étaient respectivement de 1,20 (IC : 1,10-1,31) et de 1,28 (IC : 1,09-1,50), pour les démences vasculaires de 1,44 (IC : 1,30-1,58) et 1,31 (IC : 1,08-1,59), et pour la dépression de 1,61 (IC : 1,48-1,75) et 1,68 (IC : 1,43-1,96).

Au fil du temps, le risque de démence toute cause des patients exposés au finastéride, versus non exposées, était plus élevé pendant les 48 premiers mois puis devenait statistiquement non significatif au-delà. L'association entre le dutastéride et la démence toute cause confondue était statistiquement significative uniquement entre 13 et 48 mois après le début du traitement.

Pas d’association avec le suicide, non plus qu’avec la démence

Concernant la dépression, tous les traitements étaient associés à un risque plus élevé par rapport à l'absence de traitement. L'ampleur de l'association était plus élevée pour les α-bloquants que pour les 5-ARI. Pour tous les médicaments, les RR semblaient diminuer avec le temps. Concernant le suicide, aucune association significative n'a été trouvée avec les 5-ARI, tandis que le traitement impliquant des α-bloquants était associé à un risque plus élevé dans les premières périodes.

Cette étude a pu comporter des biais. En particulier, le diagnostic de démence a pu être porté avec plus de soin chez les hommes suivis pour hypertrophie bénigne de la prostate, ce qui expliquerait la disparition avec le temps de l’association initiale entre 5-ARI et démence. Seule l’association avec le risque de dépression est restée significative.

Cette étude de cohorte longitudinale a plusieurs points forts notamment l’utilisation de registres nationaux avec des diagnostics validés et des données sur les prises médicamenteuses ainsi que sa durée prolongée jusqu’à 13 ans. A contrario, des erreurs de classification ont pu se produire, toutes les prescriptions de 5-ARI ont pu ne pas être rapportées. Enfin, le faible taux de suicides au sein de la cohorte a conduit à un manque de puissance statistique.

En conclusion, les 5-ARI ne paraissent pas être associés à un risque accru de démence toutes causes confondues, ni à celui de maladie d’Alzheimer, de démence vasculaire ou de suicide. En revanche, ils semblent associés à un risque majoré de dépression, que le praticien devra surveiller.

Dr Pierre Margent

Référence
Garcia-Argibay M, Hiyoshi A, Fall K, Montgomery S. Association of 5α-Reductase Inhibitors With Dementia, Depression, and Suicide. JAMA Netw Open. 2022 Dec 1;5(12):e2248135. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2022.48135. PMID: 36547981.

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Vos réactions (1)

  • Dutasteride

    Le 04 février 2023

    Compte tenu de cet article: le dutasteride favorise les états dépressifs et aussi et surtout les K de prostate de haut grade, je ne comprends pas que cette molécule ne soit pas retirée du commerce et de la prescription en tout cas, et du remboursement.

    Dr B Courtaigne

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