
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a tiré la
sonnette d’alarme il y a environ deux semaines. Dans un communiqué
publié le 23 septembre, l’institution dit avoir été averti « de
fortes tensions d’approvisionnement sur la classe des analogues de
GLP-1 (aGLP-1) », à savoir deux médicaments, l’Ozempic du
laboratoire danois Novo Nordisk et le Trulicity de la firme
américaine Eli Lilly, indiqués dans le traitement du diabète de
type 2 insuffisamment contrôlé. L’ANSM explique ces difficultés
d’approvisionnement par « une augmentation importante de la
demande mondiale ».
En effet, non seulement le nombre de patients atteints de
diabète de type 2 a fortement augmenté ces dernières années
(environ 400 millions aujourd’hui contre 30 millions de patients
estimés en 1985) mais de surcroit le sémaglutide, principe actif de
l’Ozempic, est utilisé dans un autre médicament contre l’obésité
utilisé aux Etats-Unis, le Wegovy. Le laboratoire Eli Liliy a donc
annoncé qu’il allait « engager des actions pour doubler sa
capacité de production d’ici fin 2023 au niveau mondial
».
Privilégier d’autres antidiabétiques en prévention et en primo-prescription
Face à ces difficultés d’approvisionnement, l’ANSM a élaboré
des recommandations à destination des médecins prescripteurs en
collaboration avec la Société francophone du diabète (SFD) et la
Fédération française des diabétiques (FFD).
Pour les patients qui suivent déjà un traitement par aGLP-1,
il est recommandé de ne rien modifier.
En revanche, les médecins doivent de préférence réserver la
primo-prescription de ces deux médicaments aux patients diabétiques
de type 2 présentant une maladie athéromateuse avérée. Pour ces
patients, le médecin pourra, en tenant compte du profil clinique du
patient, prescrire en alternative un inhibiteur du SLGT2 (iSLTGT2),
notamment s’il souffre d’une insuffisance cardiaque ou d’une
maladie rénale chronique.
En prévention, le recours à d’autres classes d’antidiabétiques
(iSLTGT2 ou inhibiteurs de la DPP4) devra être privilégié. Il est
également recommandé aux pharmaciens qui ne peuvent pas honorer une
prescription d’Ozempic ou de Trulicity de conseiller au patient se
se tourner vers son médecin pour éventuellement modifier son
ordonnance. Enfin, l’ANSM demande aux patients de ne pas modifier
leur traitement sans avis médical.
Un système d’approvisionnement « archaïque et très couteux » ?
Cette difficulté d’approvisionnement sur les antidiabétiques
illustre un climat plus généralisé de tensions sur les stocks de
médicaments en France. Selon le groupement d’intérêt économique
(GIE) Gers, qui regroupe la quasi-totalité des entreprises
pharmaceutiques françaises, 12,5 % des références de médicaments
connaissaient des tensions d’approvisionnement à la mi-août,
c’est-à-dire une incapacité à fournir les pharmacies demandeuses
pendant au moins une semaine, contre seulement 6,5 % en janvier
dernier.
Le Gers se montre cependant rassurant : « une même molécule
peut avoir des dizaines de références différentes (en fonction du
conditionnement, de la voie d’administration, du laboratoire…) et
actuellement, les ruptures d’approvisionnement n’affectent aucun
médicament pour plus de la moitié de ses références ». Les
tensions d’approvisionnement ne deviennent véritablement
problématiques que lorsqu’elles touchent un médicament d’importance
thérapeutique majeure, sous brevet et qui a peu de variété de
conditionnements. C’est exactement le cas des deux antidiabétiques
actuellement sous tension.
Pour l’économiste Pascal Perez, ces tensions sont le fruit
d’un système d’approvisionnement des pharmacies « archaïque et
très couteux ». Les officines françaises doivent se fournir
soit chez des grossistes-répartiteurs qui ont l’obligation d’avoir
quinze jours de stock, soit chez des intermédiaires, soit
directement auprès des laboratoires. Depuis l’an dernier, ces
derniers sont obligés d’avoir des stocks de sécurité, mais le
décret ne précise pas que ces stocks doivent être constitués en
France, ce qui rend la mesure « largement inefficace » selon
Pascal Perez.
Quentin Haroche