Transmission de la Covid-19 par les objets inanimés : un risque exagéré ?

L’extrême facilité avec laquelle le SARS-CoV-2 se transmet d’un humain à l’autre interroge. Certes, ce n’est pas l’agent pathogène le plus contagieux, mais au stade de la pandémie avec des millions de sujets infectés à l’échelon planétaire, le problème a gagné en ampleur et les questions restent en suspens. Les gouttelettes émises lors de la toux et des éternuements ou encore les postillons qui accompagnent la parole sont les vecteurs les plus déterminants qui expliquent la propagation extrême du virus en milieu confiné, l’exemple des abattoirs et des discothèques étant particulièrement démonstratif.

Les fomites à l’ordre du jour

Reste le problème de la transmission par les fomites qui, chez les anglophones, désignent les objets contaminés par les agents pathogènes et de facto  susceptibles de propager l’infection. La contagion par les mains sales et ces objets contaminés est soupçonnée de longue date puisque, dès l’Antiquité, lors des épidémies de peste, il était jugé plus prudent de brûler les maisons et les biens des malades. Les épidémiologistes ont démontré sa réalité et la nécessité de se laver les mains pour éviter la transmission des microbes d’un humain à l’autre.

Il n’en reste pas moins que la transmission éventuelle par les fomites, notamment dans le cas de la Covid-19, comporte encore des zones d’ombre. L’OMS a d’ailleurs récemment modifié sa position sur le sujet des aérosols en admettant qu’ils pouvaient contribuer à la transmission du SARS-CoV2, même en dehors des procédures médicales : de quoi inciter à améliorer la ventilation des endroits confinés et à relativiser le rôle respectif des voies d’entrée potentielles du virus.

Hiatus entre les données expérimentales et le monde réel

Dr Emanuel Goldman (New Jersey, USA) est revenu sur les différences entre données expérimentales et la réalité de la transmission du SARS-CoV-2. Il note ainsi que les quelques études qui ont conduit à s’affoler sur la persistance du SARS-CoV-2 au sein des surfaces et des objets inanimés souvent sur des temps longs ont un point commun : le recours à des titres très élevés de particules virales infectantes sur la surface testée. La plus longue durée de vie du virus, de l’ordre de six jours, a été ainsi estimée avec un titre initial de 10⁷ particules. Une autre étude qui a abouti à une survie de 2 jours pour le SARS-CoV et SARS-CoV-2 sur un support matériel et de 3 jours au sein des aérosols produits en laboratoire est partie d’un inoculum de 10⁵–10⁷ particules/ml pour ce qui est de ces derniers et de 10⁴ pour ce qui est des surfaces testées. Si l’on se tourne vers d’autres coronavirus, tels le coronavirus humain 229E sur support matériel, la durée de la survie a été estimée à 5 jours à partie d’une charge virale de  10³ unités formatrices de plage de lyse. Les scénarios adoptés dans ces études semblent bien éloignés de la vie « réelle ».

Combien de particules virales dans les gouttelettes ?

A cet égard, quelles sont les quantités de coronavirus vivants présentes dans les gouttelettes émises par les patients sous forme d’aérosols notamment ? Il est bien difficile de répondre à cette question pourtant fondamentale. Si l’on se réfère aux données sur d’autres virus à ARN tels celui de la grippe, la quantité d’ARN virale semble équivalente à 10-100 particules virales par gouttelette, dont une faible proportion capable de se répliquer sur plaque.

D’autres études ont d’ailleurs conduit à des résultats bien différents quand le virus a été mis au sec sur diverses surfaces inertes qu’il s’agisse de gants chirurgicaux stériles en latex, d’éponges stériles ou encore d’aluminium. Ainsi, dans ces conditions, le coronavirus humain 229E ne survit pas plus de trois heures et son comparse OC43 ne tient, pour sa part, qu’une heure. Une autre étude qui a simulé les conditions du monde réel n’a pas permis de retrouver de SARS-CoV-2 viable sur une surface potentiellement contaminée par un patient…

Le superflu ne doit pas faire oublier l’essentiel

Dr Goldman ne remet pas en question la validité expérimentale des données expérimentales citées précédemment, mais s’interroge à juste titre sur la transposition de leurs résultats à d’autres contextes que celui du laboratoire. Entre les 10⁷, 10⁶, et 10⁴ particules infectantes déposées sur une petite surface par des mains expertes et la quantité de virus dans les gouttelettes émises par les patients infectés, il pourrait bien exister un fossé.

De l’avis de l’auteur, la probabilité de transmission par les surfaces ou les objets inanimés serait très faible à une exception près : si un patient atteint de la Covid-19 tousse ou éternue sur la cible en question déposant ainsi une charge virale a priori élevée. Il faudrait alors que cette cible soit manipulée dans les une à deux heures qui suivent pour que la contamination opère. Cette situation n’est pas impossible, mais n’est pas très probable sauf en milieu hospitalier où le virus est omniprésent en quantités élevées ce qui justifie la désinfection régulière des surfaces, le port des gants et le recours à des équipements de protection individuelle.

En pratique, le principe de précaution aidant, cette vision critique ne devrait en rien modifier les stratégies préventives actuelles dans le monde réel – hors du milieu hospitalier- et les gestes barrières ont tout lieu d’être maintenus sans toutefois tomber dans des errances obsessionnelles qui peuvent s’avérer contreproductives. Le port du masque dans les endroits à risque, le lavage des mains et la distanciation physique semblent donc plus appropriés que le nettoyage des poignées de porte ou des boutons d’ascenseur.

Dr Peter Stratford

Référence
Goldman E. : Exaggerated risk of transmission of COVID-19 by fomites. Lancet Infect Dis 2020 (3 juillet) : publication avancée en ligne. doi.org/10.1016/ S1473-3099(20)30561-2.

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Vos réactions (1)

  • Y a t-il des précautions superflues ?

    Le 16 juillet 2020

    Je n'ai jamais bien cru à la transmission du sars-cov2 par le manuportage, qui n'a jamais été qu'un risque conjectural, mais je me suis toujours décontaminé les mains avec le plus grand soin, toute ma vie, après avoir été en contact avec des objets manipulés par autrui !

    Si cette épidémie pouvait seulement avoir inculqué un peu d'hygiène à nos congénères, elle n'aurait pas été totalement inutile...
    La contagiosité extrême de cette maladie indiquait dès le début à mon sens, que le virus est aéroporté, contrairement à ce qu'on a prétendu au départ. Le problème épidémiologique se résume donc bien à l'évitement de contacts rapprochés, et la distance d'un mètre est sûrement insuffisante, même si cet éloignement est accentué par le port d'un masque (dont c'est la seule fonction).

    Le fait majeur est que la grande majorité des contages est due à des personnes qui ne présentent pas (ou pas encore) de signes. Osons le dire, au risque d'être conspué : pourquoi ces personnes, le plus souvent jeunes et actives prendraient-elles des précautions qu'elles jugent, elles aussi, superflues puisqu'elles ne sont pas menacées par la maladie ? Pour sacrifier leur propre vie à celle d'anciens qui vivent à leurs dépens et dont les retraites menacent leur avenir ?
    Cette épidémie en dit bien plus sur notre civilisation que sur notre santé.

    Dr Pierre Rimbaud

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