
La principale voie de transmission du SARS-CoV-2 jusqu’à
preuve du contraire est respiratoire. L’excrétion du virus se fait
cependant par d’autres voies mais celles-ci ne sont pas
obligatoirement impliquées dans sa transmission. La question se
pose néanmoins concernant la voie conjonctivale et c’est ce qui a
inspiré une petite étude transversale (1). Ses auteurs ont
systématiquement recherché le mARN du SARS‐CoV‐2 dans les larmes et
les sécrétions conjonctivales de 30 patients atteints d’un Covid-19
avéré. Deux échantillons ont été prélevés dans tous les cas à 2 ou
3 jours d’intervalle. Vingt-neuf des participants n’avaient aucun
signe oculaire et, dans ce cas, tous les prélèvements sont revenus
négatifs.
Pour le seul malade qui présentait tous les signes cliniques
d’une conjonctive le mARN viral a été retrouvé dans les deux
prélèvements portant aussi bien sur les larmes que sur les
sécrétions conjonctivales. Les auteurs ont alors évoqué la
possibilité d’une transmission du virus par voie conjonctivale tout
en soulignant qu’un tel risque leur paraissait extrêmement faible
mais ne pouvait être écarté formellement.
Peng et coll rétorquent, dans une lettre à l’éditeur, que
l’hypothèse précédente peut être ramenée à des proportions encore
plus réduites sur la base d’arguments recevables.
Incapacité du virus à se répliquer dans l’épithélium conjonctival
Rien ne prouve en premier lieu que le SARS-CoV-2 soit capable
de se répliquer à son aise dans la conjonctive. Dans le cas du
patient évoqué, il semble que la conjonctivite soit en rapport avec
une virémie concomitante de la phase aiguë du Covid-19 (2). Le mARN
viral a été alors retrouvé dans l’exsudat conjonctival mais en
quantité insuffisante pour être transmissible.
Par ailleurs, les recherches se sont avérées négatives chez
les 29 autres patients et les signes ou symptômes oculaires
inauguraux sont très rares au cours du Covid-19 si l’on se réfère
aux descriptions de 55 924 cas confirmés de la maladie (3) : une
congestion conjonctivale n’est signalée que dans 0,8 % des
observations : rien n’indique qu’il s’agisse là d’un signe
inaugural.
Enfin, pour que le SARS-CoV-2 puisse être transmis par voie
conjonctivale, encore faut-il que le virus puisse se répliquer dans
l’épithélium de la conjonctive. Or, il s’avère que ce dernier a
besoin d’un récepteur cellulaire- celui de l’ACE2
(angiotensin‐converting enzyme 2)- pour accéder au milieu
intracellulaire. Ce récepteur n’est a priori exprimé ni par la
conjonctive ni par l’épithélium des voies respiratoires
supérieures.
De quoi rassurer les ophtalmologistes qui lorsqu’ils pratiquent un fond d’œil sont en contact oculaire des plus étroits avec leurs patients
Dr Philippe Tellier