Dans un contexte où la consommation de substances psychoactives augmente dans la population générale, et notamment dans la population en âge d’activité professionnelle, des médecins du travail du département de la Loire ont mené une étude visant à évaluer, sans dosage associé, la prévalence, en milieu professionnel, de la consommation de ces substances et à estimer, via des critères et des questionnaires validés, le risque de dépendance.
L’étude, transversale, menée en 2005, s’est fondée sur les réponses à un questionnaire proposé aux salariés à l’occasion des consultations de médecine du travail et composé de deux parties. L’une, remplie par le médecin du travail, intéressait les données socio-professionnelles. L’autre, remplie par le salarié dans un lieu isolé et placée sous enveloppe fermée, portait sur la consommation de substances psychoactives.
Alcool, médicaments et cannabis
L’enquête a porté sur les réponses à 1 406 questionnaires. La population d’étude, constituée de 56 % d’hommes, était âgée de 37,1 ans en moyenne (extrêmes : 16-65 ans), comptait 46,3 % de salariés mariés et près de 40 % de salariés vivant seuls. Plus des trois quarts des salariés travaillaient en CDI ou étaient titulaires de la fonction publique, 11,6 % étaient en CDD, 7,3 % en intérim, 2,8 % en apprentissage, avec pour principales branches d’activité : la gestion et l’administration, le tourisme et les transports, les services aux particuliers, le bâtiment et les travaux publics.
Sur les 1 391 salariés ayant répondu au questionnaire sur
l’alcool, 81,6 % ont signalé consommer de l’alcool, principalement
le week-end pour près du tiers, au moins un verre à chaque fois
pour 47,1 % et de deux à quatre verres par occasion pour 45 % des
consommateurs. La consommation d’alcool a été plus souvent
rapportée par les hommes (85,7 % des hommes questionnés vs 74,8 %
des femmes), avec un risque de dépendance surtout chez les hommes
(près de 10 % des hommes ayant rempli le questionnaire vs 2,1 % des
femmes), surtout entre 20-29 ans et 40-49 ans.
Interrogés sur le risque de la consommation d’alcool dans le cadre
du travail, les salariés ont estimé à 4,7 en moyenne le risque sur
une échelle allant de 0 (pas d’augmentation du risque) à 10
(risque très augmenté).
L’enquête montre que 16,6 % des 1 314 salariés ayant répondu aux questions intéressant les médicaments rapportent une consommation d’antidépresseurs, d’anxiolytiques ou d’hypnotiques, à plusieurs reprises au cours des 12 derniers mois. Il s’agit surtout de femmes (24,8 % des femmes questionnées vs 9 % des hommes), surtout entre 50 et 59 ans (27 % de consommateurs dans cette tranche d’âge), avec 18,5 % de consommateurs à risque de dépendance (2,9 % des sujets inclus). Le chiffre correspondant pour la consommation rapportée d’antalgiques est de 65,7 % sur 1 378 répondants, avec une consommation surtout féminine (76,5 % des femmes interrogées vs 55,1 % des hommes), une répartition homogène selon l’âge, et 3,4 % de consommateurs à risque de dépendance (2,2 % des sujets inclus).
Sur les 1 366 salariés ayant répondu aux questions sur le cannabis, 10,2 % signalent en avoir consommé dans l’année, moins de 10 fois par an pour 54,1 %, plus de 20 fois par an pour 25,2 % des consommateurs. Cette consommation rapportée est surtout le fait des hommes (un peu plus de 80 %), surtout entre 16 et 29 ans, avec 25,9 % de consommateurs à risque de dépendance.
Profils à risque ?
Selon cette enquête, le consommateur à risque pour l’alcool et/ou le cannabis serait un homme, travaillant par intérim, fumeur, d’autant plus à risque qu’il travaille dans la communication, l’informatique ou l’enseignement. Le consommateur à risque de dépendance, quelle que soit la substance consommée serait un homme, travaillant par intérim et vivant seul. Mais aucune association n’a été mise en évidence entre poste de travail spécifique et dépendance.
Dr Claudine Goldgewicht