
Se concentrer d’abord sur les deux premières doses avant de penser à la 3ème ?
Et en France ? A l’occasion d’un point presse hier, le ministère de la Santé a indiqué que la Haute autorité de Santé (HAS) présenterait le 23 août ses conclusions sur la question. Même si Olivier Véran a la semaine dernière affirmé que cinq million de personnes pourraient être concernées lors de la première phase de la campagne, donnant le sentiment que certaines décisions sont déjà actées (comme le montrent des déclarations du Président de la République le 6 aout dernier), la controverse scientifique demeure en France. Dernier acte en date ce mardi 17 août avec la publication par l’Académie de médecine d’un communiqué émettant des réserves concernant la pertinence d’une troisième dose généralisée. « Le rappel reste entouré d'un certain nombre d'incertitudes liées à la méconnaissance des corrélats immunitaires de protection contre la Covid-19 et contre l'infection par le SARS-CoV-2. (…) Peu de données sont aujourd'hui disponibles pour démontrer la nécessité de généraliser un rappel vaccinal après les 2 premières doses de vaccin » estiment ainsi les sages. Aussi, même s’ils concèdent que l’on « pourrait être amené à proposer le rappel aux personnes âgées de plus de 65 ans ou atteintes de comorbidité » et s’ils invitent à s’interroger sur la pertinence d’une immunisation hétérologue (d’autant plus depuis que des travaux suggèrent une protection contre le risque d’infection par le variant Delta plus élevée avec le vaccin Moderna), les sages insistent : « L'instauration de rappels dans le calendrier vaccinal (…) ne doit pas susciter d'inquiétude quant à l'efficacité des vaccins contre le SARS-CoV-2, variant Delta inclus. Elle ne doit pas détourner la campagne de vaccination de son objectif principal visant à atteindre une immunité collective le plus rapidement possible ».La vaccination des plus âgés encore à la peine en France
Cependant, face au variant Delta, cet eldorado de l’immunité collective grâce à la vaccination apparaît de plus en plus un leurre. Le professeur Alain Fischer en convenait lui-même dans une interview accordée au Journal du Dimanche ce week-end. « Si l'immunité de groupe peut être atteinte ou non, je ne sais pas, c'est devenu un challenge très ambitieux que je ne trancherai pas » a-t-il admis ajoutant encore « La vision que l'on peut avoir de l'immunité de groupe aujourd'hui n'est malheureusement pas celle d'il y a dix-huit ou même six mois ».Cependant, faute de pouvoir espérer une immunité collective, la vaccination la plus large demeure néanmoins l’objectif. Or, en la matière, il est vrai que la France connaît encore quelques lacunes. Ainsi, la comparaison de la proportion d’Israéliens les plus âgés ayant reçu une troisième dose avec le taux de vaccination (deux doses) des plus de 80 ans en France est édifiante. Ce dernier ne dépassait en effet pas 79,1 % le 10 août. Pour les gériatres, cette situation impose un changement de stratégie. « On voit là une limite de notre système de soins primaires fondé sur un modèle libéral. Les pays qui ont réussi à avoir une stratégie efficace sont ceux où la structure de soins primaires est territoriale : le médecin généraliste a en charge un morceau de territoire (un pâté de maisons, une zone rurale…) avec tout le monde dedans. Ce n’est pas le système français où le patient choisit son médecin et le médecin choisit son patient, ce qui laisse de côté tous ceux qui sont le plus éloignés du soin par la précarité et par toutes sortes de vulnérabilités. Il faut aller à la porte et les vacciner chez eux, ce qui nécessite de les identifier et d’avoir l’organisation adaptée. C’est un enjeu clé si on veut éviter la saturation hospitalière et, pour les personnes concernées, d’avoir des formes graves » estime dans les colonnes de Ouest-France le professeur Olivier Guérin, président de la Société française de gériatrie et gérontologie.
Accent sur les plus jeunes
Pourtant, ces considérations ne sont toujours pas au centre des propos des membres du gouvernement. Lors de son point hebdomadaire, aujourd’hui, Gabriel Attal a en effet une nouvelle fois concentré son discours sur les objectifs globaux, voulant croire malgré le ralentissement très net du rythme de vaccination, que le but de 50 millions de personnes ayant reçu au moins une dose d’ici la fin août pourrait être atteint. Difficile d’y croire quand on sait qu’il faudrait vacciner 3,5 million de personnes en quinze jours, alors que seules 1,5 million de doses ont été administrées la semaine dernière. Gabriel Attal y croit-il lui-même qui admet espérer que la rentrée permettra de relancer la campagne ? Le gouvernement s’y attellera en mettant en place des opérations dans les établissements scolaires, tandis qu’il propose même d’organiser des sorties scolaires en centre de vaccination ! Cependant, concernant les moins de 12 ans, le ministère de la Santé considère qu’il ne devrait pas y avoir de préconisation les concernant avant la fin de l’année, avant d’ajouter dans la même phrase que le calendrier pouvait évoluer « dans un sens ou dans un autre » à tout moment. Il n’est finalement que sur une seule chose qu’il n’y a pas d’incertitudes en ce qui concerne la campagne vaccinale française : la satisfaction des autorités. Au cours de son point hier, le ministère de la Santé a ainsi assuré : « On a un taux de couverture vaccinale en primo-vaccination qui est désormais supérieur à celui de plusieurs grands pays industrialisés, notamment l’Italie et Israël que nous avons dépassés en fin de semaine dernière ». CQFD.Aurélie Haroche