
Paris, le mardi 26 avril 2011 – Déclarée éradiquée dans la Région des Amériques, destinée à disparaître à l’horizon 2010 selon un projet de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la rougeole est depuis quelques années en Europe et aujourd’hui surtout en France, l’objet d’une forte recrudescence de plus en plus inquiétante. Une quarantaine de cas par an étaient ainsi rapportés chaque année au début des années 2000 : 14 500 ont été signalés depuis le 1er janvier 2008. Cette flambée tend en outre à s’intensifier : entre octobre 2010 et mars 2011, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a reçu pas moins de 9 000 fiches de signalisation, dont 3000 pour le seul mois de mars. Cette épidémie frappe en priorité les nourrissons et les jeunes adultes. Pour l’année 2010, l’âge médian était de 14 ans (il serait de quinze ans pour les trois premiers mois de l’année 2011). Cette donnée masque le fait que « le taux d’incidence le plus élevé sur l’année 2010 est observé chez les enfants de moins de un an (51,8/100 000 avec 405 cas) qui représentent 8,3 % des cas déclarés. Parmi eux, 57 % ont moins de neuf mois » précise l’InVS dans son dernier bulletin détaillé concernant la rougeole daté du 22 mars. Dans cette trange d’âge, l’incidence a plus que triplé entre 2009 et 2010. On relève par ailleurs que 34 % des patients étaient âgés de 20 ans ou plus, ce qui représente une multiplication par cinq par rapport à l’année précédente.
Déjà deux décès en 2011
Liée aux classes d’âge concernées, l’autre spécificité de cette épidémie est sa sévérité. Ainsi, en 2010, un tiers des cas déclarés a donné lieu à une hospitalisation, un taux qui se révèle plus important chez les moins de un an (avec 38 % de patients hospitalisés) et les adultes (47 % chez ceux âgés de 20 ans et plus). Pour l’année 2011, selon des chiffres réactualisés le 19 avril : treize complications neurologiques ont déjà été recensées ainsi que deux décès.
Pas de vaccination chez les patients dans plus de 80 % des cas
L’insuffisance de la couverture vaccinale est sans conteste à l’origine de cette situation. Chez les patients recensés en 2010, il est apparu dans 82 % des cas (lorsque le statut vaccinal a pu être déterminé soit pour plus de 80 % des malades) qu’aucune dose de vaccin n’avait été administrée. Seuls 3 % avaient dûment reçus deux doses de vaccin, tandis que 13 % présentaient une vaccination incomplète. Chez les malades âgés de 20 à 29 ans, cette situation s’est retrouvée plus fréquemment : 22 % des patients avaient reçu une dose de vaccin. Les données de l’InVS ne permettent par ailleurs pas de déterminer le statut vaccinal des mères des nourrissons infectés.
La moitié des futurs médecins incorrectement vaccinée
De manière générale, la France présente encore un taux de vaccination contre la rougeole insuffisant : la proportion d’enfants de deux ans vaccinés contre la maladie (avec au moins une dose) ne dépassait pas les 90,1 % en 2007, quand un objectif de 95 % serait nécessaire pour enrayer l’épidémie et espérer une éradication. Les chiffres révèlent par ailleurs que la situation est plus inquiétante encore chez les adolescents et jeunes adultes et ce même lorsque ces derniers paraissent particulièrement concernés. Ainsi, une étude menée chez des étudiants en santé de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris en 2009 révèle que seuls 46,3 % des étudiants en médecine avaient reçu deux doses de vaccin, de même que 66,9 % des futures sages femmes et 55,7 % des infirmières.
Vers une vaccination obligatoire
Aujourd’hui, la situation française invite plus que jamais à battre le rappel. A l’occasion de la semaine de vaccination qui a débuté hier sont renouvelées les recommandations actuelles : outre la vaccination par deux doses des enfants avant l’âge de deux ans, dans le cadre du programme de rattrapage deux doses doivent être administrées aux personnes nées entre 1980 et 1991 au lieu d’une seule. Le bilan inquiétant encouragerait en outre aujourd’hui les autorités à s’interroger sur le bénéfice d’une vaccination obligatoire (pas nécessairement réservée à la rougeole) selon les Echos.
Aurélie Haroche