Un mécanisme de multirésistance aux antibiotiques se répand à partir de l’Asie

Le CDC vient de rapporter l’apparition aux Etats Unis du nouveau mécanisme de résistance NDM-1 (New Delhi Metallo-bêta-lactamase) chez 3 souches d’entérobatéries isolées de patients ayant récemment reçu des soins médicaux en Inde (1). Ce mécanisme, décrit pour la première fois en 2009, confère une multirésistance à toutes les bêta-lactamines, excepté l’aztréonam, ainsi qu’aux aminosides et fluoroquinolones. Pour faire suite à cette alerte, un article inquiétant vient d’être publié dans le Lancet Infectious Disease, dont la presse généraliste s’est même largement fait l’écho (2). Il fait le point sur le mécanisme NDM-1 identifié dans 44 isolats à Chennai et Haryana au sud et au Nord de l’Inde, ainsi que dans 73 autres isolats en Inde et au Pakistan et 37 isolats au Royaume Uni. Dix-sept des 29 patients britanniques avait voyagé en Inde ou au Pakistan durant l’année précédente, et 14 y avaient été hospitalisés.
 
Les isolats étaient résistants à l’imipénème et à l’ertapénème, également à l’aztrénam (sauf 4) par un mécanisme additionnel de bêta-lactamase, et aux aminosides et fluoroquinolones à de rares exceptions près. La colistine et la tigécycline restaient actives. L’analyse moléculaire n’a montré aucune communauté entre les souches indiennes et britanniques, ni entre celles du nord et du sud de l’Inde. En revanche, les souches d’Haryanna, toutes de l’espèce Klebsiella pneumoniae, étaient clonales, ce qui suggère une possibilité de diffusion épidémique.
Le gène blaNDM-1 était porté par des plasmides de différentes tailles, mais 4 souches britanniques l’avaient intégré dans leur chromosome. De plus, les plasmides sont transférables comme l’ont montré les expériences de transconjugaison. Cette transmissibilité est un facteur supplémentaire d’inquiétude concernant la diffusion potentielle de ce mécanisme.

La plupart des isolats indiens étaient issus d’infections communautaires, ce qui suggère qu’il est déjà répandu dans l’environnement. Le mésusage très large des antibiotiques en Inde conduit à une pression de sélection importante et peut expliquer cette émergence. Les relations privilégiées du Royaume-Uni avec le sous-continent indien ont certainement favorisé l’arrivée de cette résistance en Europe, notamment via le tourisme médical, mais d’autres pays ont déjà été touchés (Suède, Australie, Canada). Actuellement, peu de nouvelles molécules actives contre les bactéries gram-négatives sont en développement.  Cette émergence pourrait donc devenir rapidement un grave problème de santé publique. Une surveillance mondiale est recommandée et le tourisme médical en Inde est déconseillé.

Dr Muriel Macé

Références
(1)Detection of Enterobacteriacae isolates carrying metallo-betalactamase- United States, 2010.
Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) 25 Juin 2010 ; 59 (24) : 750.
(2)Kumasaramy KK et coll. : Emergence of a new antibiotic resistance mechanism in India, Pakistan, and the UK : a molecular, biological and epidemiology study. The Lancet Infectious Diseases : Publication avancée en ligne le 11 Août 2010.
doi:10.1016/S1473-3099(10)70143-2.

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