Un quart des professionnels de santé aurait déjà pensé au suicide

Paris, le jeudi 7 décembre 2017 – Depuis deux ans, l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) a entrepris un important travail avec pour objectif d’améliorer l’accompagnement des soignants en situation de souffrances psychologiques. En effet ce phénomène pourrait être en progression et est en tout état de cause mal identifié et mal pris en charge. A l’occasion d’un colloque le 11 décembre prochain, sous le patronage du ministère de la Santé, l’organisation devrait faire le point sur ses différentes actions.

Suicide : un phénomène fréquent, un impact certain 

Cette rencontre permettra de détailler les résultats de deux nouvelles enquêtes ayant impliqué des professionnels de santé ; la première concernant le risque suicidaire et la seconde la qualité du sommeil. Importants car concernant un domaine face auquel les données sont imprécises et difficiles à recueillir, les résultats de la première étude s’appuient sur les réponses de 710 professionnels de santé (dont 472 médecins, 114 pharmaciens et 53 infirmières). On ne peut bien sûr assurer la représentativité de cet échantillon.  La majorité de ces praticiens exercent uniquement en secteur libéral (54 %). Il apparaît tout d’abord que 41 % des soignants interrogés ont déjà eu connaissance d’un professionnel de santé ayant tenté de mettre fin à ses jours (une proportion qui atteint 46 % chez les médecins et descend à 30 % chez les infirmières). Un tel événement est susceptible d’ébranler profondément la confiance des autres professionnels de santé : c’est ce qu’assurent 57 % des soignants interrogés (et 28 % évoquent un impact majeur). Ils sont de même 54 % à indiquer que cela pourrait avoir une influence sur la qualité de leurs soins (dont 23 % de manière majeure). Les professionnels de santé sont également fortement convaincus du risque de "contagion" : 58 % ont le sentiment qu’un suicide peut favoriser d’autres suicides chez les professionnels de santé. Enfin, 25 % des soignants interrogés (et 26 % chez les infirmières) signalent avoir déjà eu des idées suicidaires dont la principale origine était liée à leur vie professionnelle. On remarquera que la majorité des soignants évoquant de telles pensées (58 %) ne se sont confiés à personne lors de cette période douloureuse : un témoignage supplémentaire de la réticence des praticiens à une prise en charge et d’une probable insuffisance de soutien. En outre, parmi ceux qui ont signalé leur souffrance, seuls 37 % se sont adressés à un psychiatre et 16 % à un psychologue, mais 33 % s’en sont ouverts à un confrère.

Pas tout à fait dans les bras de Morphée

La fréquence des idées suicidaires chez les professionnels de santé en lien avec les conditions de travail est la conséquence de multiples facteurs. Parmi les difficultés spécifiques au métier de soignant, figure l’impact sur le sommeil. Les résultats de l’enquête du Réseau Morphée qui concerne 13 000 personnes dont 880 se sont identifiées comme soignants confirment que ces derniers ont des nuits plus courtes (6 heures en moyenne) que le reste des Français (6h45). Par ailleurs, « les soignants sont 60 % à dormir moins de six heures en semaine contre 44,8 % des non soignants » relève SPS. Pour près de la moitié des professionnels de santé, cette réduction de la durée du sommeil est à l’origine de l’impact négatif de leur travail sur leur santé. Outre la brièveté des nuits, on relève que 80 % paraissent présenter un trouble de continuité du sommeil et 62 % souffrent d’un trouble d’endormissement. Enfin, au-delà des répercussions psychologiques certaines de ces altérations fréquentes et importantes du sommeil, un risque d’accidentologie majeur est rapporté : 37 % des soignants signalent s’être déjà endormis au volant !

Tous épuisés ?

Ces différents enseignements confirment un état des lieux inquiétant déjà dressé par plusieurs enquêtes de l’association SPS et complété par d’autres données, parfois particulièrement inquiétantes. Ainsi, l’association 360 medics a récemment présenté les résultats d’une enquête conduite via sa "communauté" de professionnels, affirmant (sur 8 789 réponses) que 100 % des professionnels de santé en exercice et des étudiants en santé « ressentent un épuisement soit moral (22 %), soit physique (13 %), soit les deux (64 %) ». Ces chiffres alarmants pourraient cependant ne pas s'appuyer sur une méthodologie parfaitement rigoureuse !

Écoute et formation

Face à ces sombres données, des réponses se mettent en place. SPS a ainsi ouvert une plateforme d’écoute à la fin 2016, animée par 60 psychologues libéraux, qui a reçu  1 800 appels. Une majorité provient de femmes (75 %) et d’infirmières (32,8 %). La plainte la plus fréquemment évoquée concerne l’épuisement professionnel (26 %), suivi par les conflits avec la hiérarchie (11 %). Outre cette plateforme et la constitution de réseaux de soins, SPS s’attelle à la mise en place de formations, avec notamment en janvier un premier module intitulé Repérage et prise en charge des soignants rendus vulnérables par leur travail .

L’action est en marche !

Aurélie Haroche

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