Un traitement médicamenteux contre l’apnée du sommeil ?

Les malades appareillés par pression positive continue (PPC) pour syndrome d’apnée du sommeil (SAS) souhaitent souvent voir les contraintes du traitement simplifiées, pourquoi pas en substituant la machine à un traitement médicamenteux ? Une session de l’ERS 2022 a exploré les avancées en matière de pharmacothérapie dans le SAS.

Pour commencer, Elisa Perger (1) a exposé le ciblage potentiel des muscles des VAS (voies aériennes supérieures), principalement le muscle génioglosse lié au nerf grand hypoglosse, afin de corriger le collapsus d’un pharynx fragile. Une bithérapie associant une molécule noradrénergique et une autre à effet antimuscarinique pourrait produire un effet intéressant.

L’atomoxétine et l’oxybutynine ont été principalement étudiées et ont démontré une correction de l’hypercollapsibilité du pharynx. Les études cliniques, sur un faible effectif (16 sujets) et de courte durée (1 semaine), mettent en évidence un effet significatif sur l’index apnée-hypopnées (IAH). Ces données préliminaires nécessitent
d’être confirmées, et ne permettent pas, sans surprise, de recommander ce traitement actuellement dans le SAS.

Jan Hedner (2) a ensuite abordé la pharmacothérapie de la commande ventilatoire. La principale molécule étudiée dans ce cadre est l’anhydrase carbonique (AC) du fait de son rôle clé dans le maintien de l’équilibre acido-basique lors des variations de PaCO2. Ainsi, le sulthiame, puissant inhibiteur de l’AC déjà utilisé dans l’épilepsie de l’enfant, a été étudié dans le SAS. Les résultats sont prometteurs : réduction de 50 % de l’IAH chez 35 % des 59 malades traités (vs 5% pour le placebo) et réduction de 60 % de l’IAH chez 19 % des 59 malades traités (vs 0 % pour le placebo).

En revanche, des effets secondaires sont fréquents (paresthésies, céphalées). Ce médicament pourrait notamment être proposé à des porteurs de SAS très sensibles aux variations acidobasiques responsables de détériorations importantes de l’architecture du sommeil.

Enfin Ludovico Messino (3) a abordé la question de l’utilisation de médicaments diminuant la tendance aux éveils ou micro-éveils qui perturbent la qualité du sommeil du SAS. Le but est ici d’agir sur la commande ventilatoire et retarder le seuil déterminant la réactivation des stimuli conduisant l’appareil respiratoire à « reprendre la main » en cas d’obstruction prolongée et hypoxémiante des VAS.

Les benzodiazépines, les hypnotiques comme le zolpidem ou la zopiclone ont cet effet mais seul un chercheur assez éloigné du quotidien des praticiens en charge du SAS pourrait envisager de les inclure dans sa pharmacopée… Ceci a pourtant été testé, sans effet démontré sur le SAS ni d’ailleurs sur le pharynx malgré l’effet myorelaxant connu des benzodiazépines.

Une piste alternative serait d’agir sur la capacité à l’éveil cortical, peut-être par le biais des médicaments sérotoninergiques. Malheureusement l’effet de ces drogues sur le seuil d’éveil cortical ainsi que sur l’activité musculaire pharyngée n’a pas été confirmé.

En conclusion l’intervenant reconnait que le phénotype d’éveils nocturnes des malades atteints de SAS est difficile à traiter. Peut-être la recherche pourrait s’orienter sur des combinaisons de médicaments (l’un actif sur l’endormissement, l’autre sur l’inhibition des éveils) ? Un cocktail qui semble complexe…

A quel horizon peut-on envisager une pharmacothérapie efficace du SAS ? La prudence remarquable des orateurs à ce sujet laisse penser qu’il faudra être très patient. Les malades atteints de SAS, selon l’auteur de ces lignes, auront dans un avenir proche, bien plus avoir à souffrir des canicules à venir rendant très inconfortable le port du masque de PPC que de le remplacer par un traitement oral efficace…

Dr Bertrand Herer

Références
Pharmacotherapy for sleep disordered breathing. Specific approaches to different pathophysiological traits of obstructive sleep apnea.
(1) E. Perger. Pharmaceutical muscle activation of the upper airways
(2) Jan A. Hedner. Current perspectives in pharmacotherapy targeting brain breathing regulation
(3) L. Messineo. Influence of pharmacotherapy on arousal.
ERS International Congress, Barcelone, 5 septembre 2022.

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