
Dans un meeting de l'ACR 2019 qui ronronne sur fond de
polyarthrite rhumatoïde, lupus, syndrome de Sjögren,
spondyloarthrite, etc., cette étude sur les cellules sénescentes
dans l'arthrose mérite qu'on s'y arrête. Comme on l'a dit dans
d'autres circonstances, c'est un petit pas pour la recherche mais
peut-être un grand pas pour l'humanité …
À l'origine de l'étude, on retrouve ce constat que les
cellules sénescentes sont très largement impliquées dans
l'arthrose, notamment parce qu'elles sécrètent de nombreux
médiateurs inflammatoires (IL-1, MMP, EGF …) et pro-cataboliques.
Ce lien découle d'un modèle de transplantation de cellules
consistant à prendre des cellules sénescentes et non sénescentes du
cartilage de l'oreille de la souris, et à ensuite les injecter dans
les articulations du genou des rongeurs. Les cellules injectées
sont suivies par 18F-FDG-PET/CT. L'accumulation de cellules
sénescentes autour des articulations du genou entraîne des
symptômes caractéristiques de l'arthrose, dont les douleurs, les
dommages au cartilage et une mobilité réduite. Plus le nombre de
cellules sénescentes est important, plus l'arthrose et
l'inflammation sont sévères. Aucun effet de ce type n'est produit
après injection de cellules non sénescentes. Agir sur cette
sénescence cellulaire serait dès lors un moyen astucieux de
combattre l'inflammation et par voie de conséquence la douleur
inhérente.
Les auteurs ont eu l'idée d'utiliser un inhibiteur de
l'interaction entre MDM2 et p53, baptisé UBX0101, capable d'induire
l'apoptose des cellules sénescentes. L'hypothèse est que éliminer
ces cellules des articulations peut amener un environnement
régénératif et une réduction de la douleur.
Dans la gonarthrose
L'étude (1) est une phase I randomisée versus placebo,
en double aveugle, destinée à évaluer chez 48 patients (âge moyen:
62 ans) avec une gonarthrose, l'effet de doses croissantes (0,1 à 4
mg) d'UBX0101 en intra-articulaire (IA), versus placebo. Les
critères d'éligibilité sont une arthrose du genou selon les
critères ACR, un grade KLG (Kellgren-Lawrence) de 1 à 4 et une
douleur moyenne quotidienne de 4 à 9 sur l'échelle NRS (Numeric
Rating Scale). L'évaluation est basée sur l'évolution des
sous-scores WOMAC douleur et fonctionnalité à 12 semaines, la
raideur articulaire sur base de l'enquête KOOS (Knee Injury and
Osteoarthritis Outcome Score) et l'échelle NRS. Une deuxième
cohorte de 30 patients est randomisée pour recevoir l'UBX0101 4 mg
ou un placebo en IA pour évaluer l'effet sur le liquide synovial,
le phénotype sécrétoire des cellules sénescentes et les
biomarqueurs de l'arthrose.
Une amélioration rapide et durable
L'amélioration constatée sur la douleur et la fonctionnalité
est dépendante de la dose, cliniquement pertinente et durable à 12
semaines pour les doses les plus élevées de 1, 2 et 4 mg, avec un
score WOMAC-douleur qui est de -0,74 sous placebo, -0,49 sous
faibles doses (0,1 – 0,4 mg), et -1,09 sous hautes doses (1 – 4 mg)
de UBX0101. La douleur moyenne quotidienne NRS à 12 semaines est de
-1,96 sous placebo, -2,66 pour les faibles doses et -3,95 pour les
doses élevées. Une plus grande proportion de patients (50% dans le
groupe de hautes doses) ont une diminution de 50% du WOMAC douleur
à la semaine 12 comparé au placebo, et aux faibles doses (36 et 25%
respectivement). Sur le plan de la tolérance, les injections sont
bien tolérées, avec des effets secondaires très légers.
Table : Clinical Outcomes at Week 12
UBX0101 | |||
---|---|---|---|
Endpoint | Placebo
(n=14) |
Low doses,
0.1-0.4 mg (n=16) |
High doses, 1.0-4.0 mg (n=18) |
WOMAC-A Pain |
|||
Baseline, mean |
1.87 | 2.14 | 1.86 |
LSM CFBL Week 12 (95% CI) |
-0.74 (-1.14,
-0.34) |
-0.49 (-0.89, -0.10) | -1.09 (-1.38,-0.80) |
p-value | 0.43 | 0.07 | |
Mean Daily Pain NRS |
|||
Baseline, mean | 6.47 | 6.29 | 6.31 |
LSM CFBL Week 12 (95% CI) |
-1.96 (-3.14,
-0.77) |
-2.66 (-3.78,
-1.55) |
-3.95 (-4.74,
-3.16) |
p-value | 0.42 |
<0.01 |
|
WOMAC-C Function | |||
Baseline, mean | 1.93 | 2.05 |
1.94 |
LSM CFBL Week 12 (95% CI) | -0.72 (-1.12,
-0.31) |
-0.49 (-0.88,
-0.10) |
-1.05 (-1.36,
-0.74) |
p-value | 0.43 | 0.13 |
Des résultats prometteurs
Pour l'auteur, c'est la première fois qu'un agent sénolytique
joue un rôle important dans le soulagement objectif et durable de
la douleur et l'amélioration de la fonctionnalité dans la
gonarthrose au point de constituer peut-être à l'avenir une option
thérapeutique à proposer. Des études de phases II et III sont
maintenant attendues avec impatience.
Dr Claude Biéva