
L’administration concomitante du vaccin antigrippal (VAG) et du vaccin contre la Covid-19 pourrait être une stratégie efficace protégeant les professionnels de santé contre deux infections respiratoires virales majeures. À ce jour, le pouvoir immunisant et les effets secondaires d'une telle procédure ne sont pas clairs. Le Dr Isabelle Wagenhäuser et l’équipe de l'hôpital universitaire de Würzburg (Allemagne) présentent une étude contrôlée non randomisée examinant l'immunogénicité et les effets secondaires liés à la vaccination concomitante contre la Covid-19 à base d'ARN messager (ARNm) et contre la grippe.
Une étude chez plus de 1 000 professionnels de santé
Le protocole a concerné 1 231 travailleurs de santé vaccinés selon leur préférence : soit, dans le cadre d'une procédure nationale organisée pour le personnel de santé, administration de la 3ème dose de vaccin contre la Covid-19 BioNTech Pfizer (BNT, 30 µg ARNm) ou Moderna (MOD, 50 µg ARNm) selon les disponibilités avec administration concomitante dans le bras controlatéral du VAG (groupe traité) ; soit injection seule du vaccin Covid-19, le vaccin antigrippal étant réalisé (ou non) 14 jours plus tard (groupe contrôle).
Un questionnaire d'informations sur les effets secondaires éventuels était rempli. Le dosage des IgG anti SARS-COV-2-Spike (IgG-SARS) a été réalisé 14 à 90 jours après la vaccination, exprimé en binding antibody units (BAU). La population étudiée était principalement féminine (82,5 %). Les sujets convalescents d'une précédente infection Covid-19 ont été exclus.
Un peu moins d’anticorps… et d’effets secondaires
La vaccination concomitante grippe-Covid-19 a été réalisée chez 249/1 230 (20,2 %) sujets (vaccin BNT dans 90,4 % des cas). Le groupe contrôle comprenait 982 participants (79,8 %) qui ont reçu le vaccin BNT dans 78,5 % des cas. On ne connaît pas la proportion de sujets ayant finalement reçu le VAG dans ce groupe. La seule différence démographique significative entre les groupes est en première analyse la prédominance d’hommes (24 %) dans le groupe traité contre 15,7 % dans le groupe contrôle, sans que cette « suprématie » masculine ne résiste à l’application ultérieure de la régression multiple.
Les valeurs médianes d’IgG-SARS (médiane [rapport interquartile]) sont 34 % plus élevées dans le groupe contrôle que dans le groupe co-vacciné (respectivement 2 150 [1 341-3 242] et 1 605 [178-2 505], p < 0,01). La différence était plus nette après utilisation de MOD (+ 43,3 %) que BNT (+ 25,3 %, p = 0,02). Des effets secondaires ont été rapportés chez 81,1 % des sujets co-vaccinés et 87,3 % des sujets du groupe contrôle.
Les principaux effets secondaires étaient respectivement pour le groupe traité et le groupe contrôle : réaction locale (59,8 % versus 72 %), céphalées (37,3 % vs 43,3 %), douleurs musculaires (34,1 % vs 41,8 %). Dans l’ensemble les effets secondaires étaient moins fréquents en cas de co-vaccination sans toutefois de significativité statistique.
Les principaux enseignements tirés de cette étude sont que la co-administration du vaccin Covid-19 et du VAG produit un taux sérique d’IgG-SARS plus faible que la seule la vaccination Covid-19. Cette réponse immunitaire plus faible pourrait expliquer les effets secondaires un peu moins fréquents malgré le stimulus immunitaire plus puissant induit par la co-vaccination. Les auteurs concluent que ce type de procédure de vaccination concomitante reste une alternative possible en matière de santé publique qui ne compromet pas les bénéfices de la vaccination Covid-19, la corrélation entre les taux sérique d'IgG-SARS et les capacités préventives de ce vaccin n’étant pas encore définie, et permet une meilleure couverture vaccinale des professionnels exposés.
Dr Bertrand Herer