
La coqueluche est une infection respiratoire aiguë hautement contagieuse provoquée par la bactérie pathogène Bordetella pertussis. La vaccination obligatoire dans la plupart des pays européens repose sur l’administration initiale de trois doses de vaccin au cours de la première année de vie, des rappels étant effectués au cours de l'enfance et de l’adolescence. Elle réduit le risque de forme sévère de la maladie chez le nourrisson, première victime de cette infection.
La coqueluche à l’ère des vaccins
Les premiers vaccins introduits dans les années 50 qui contenaient des bacilles coquelucheux ont été le plus souvent remplacés par des vaccins acellulaires composés exclusivement d’antigènes immunisants dont l’acceptabilité est meilleure. Cette stratégie a conduit à un déclin continu du nombre de cas de coqueluche, mais la maladie a repris du terrain au cours de ces dernières années, au point qu’en 2012 le nombre de cas déclarés au sein des pays européens a dépassé les 42 000. L’OMS estime que la coqueluche a été à l’origine de 63 000 décès d’enfants de moins de 5 ans en 2013 à l’échelon mondial.
Elle reste un enjeu de santé publique, comme en témoigne l’expérience du Royaume-Uni. En 2012, face à l’augmentation du nombre d’hospitalisations de nourrissons de moins de 3 mois non vaccinés, ce pays a recommandé la vaccination contre la coqueluche chez les femmes enceintes, entre la 28ème et la 32ème semaine de grossesse, sous la forme d’une dose unique de vaccin acellulaire.
Cette fenêtre temporelle correspond à la période pendant laquelle les anticorps maternels franchissent sans peine la barrière placentaire. Cette stratégie a été adoptée par d’autres pays européens tels la Belgique, la République Tchèque, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, la Slovénie et l’Espagne. C’est ainsi que s’est constitué, entre septembre 2015 et janvier 2020, le réseau hospitalier PERTINENT (Pertussis in Infants European Network) afin d’évaluer l’incidence de la coqueluche et l’efficacité vaccinale chez les nourrissons de moins de 1 an.
Cette vaccination pendant la grossesse peut-elle interférer avec la réponse immunitaire du nourrisson qui va bénéficier d’une vaccination contre la coqueluche au 3ème mois de vie ? C’est à cette question que répond une étude de cohorte britannique.
Une étude cas-témoins sur près de 900 cas de coqueluche supposée
Entre décembre 2015 à 2019, ont été inclus tous les nourrissons âgés de moins de 1 an présentant des symptômes évoquant une coqueluche. Le groupe de cas a été constitué des enfants chez lesquels le diagnostic a été confirmé par un test PCR ou par la mise en culture de prélèvements pharyngés. Chez les témoins appariés selon l’âge et le sexe, les investigations sont restées négatives.
Les mères vaccinées sont celles ayant reçu une dose du vaccin au cours de leur grossesse. Les nourrissons vaccinés ont reçu, au titre d’une primo-vaccination, au moins 1 dose du vaccin acellulaire plus de 14 jours avant l'apparition des symptômes. Les critères d’exclusion ont été le statut vaccinal maternel inconnu, le statut vaccinal du nourrisson inconnu, la vaccination maternelle avant ou après la grossesse ou moins de 14 jours avant l’accouchement. L’efficacité vaccinale (EV) a été évaluée en analyse multivariée par comparaison des groupes cas-témoins avec ajustement selon le site de l’étude et l’âge.
Bonnes efficacités vaccinales
Sur 829 nourrissons présentant des symptômes coquelucheux, 336 (41 %) étaient trop jeunes pour être vaccinés. L’efficacité vaccinale pendant la grossesse a été estimée à partir de la comparaison de 75 cas et 201 témoins. La vaccination pendant la grossesse a été enregistrée pour 9 cas (12 %) et 92 témoins (46 %), l'EV ajustée était comprise entre 75 % [IC 95 % : 35-91 %] et 88 % [IC 95 % : 57-96 %].
Parmi les 493 nourrissons éligibles à la primo-vaccination, 123 cas et 253 témoins ont été inclus. Respectivement 31 cas et 98 témoins ont bénéficié à la fois d’une primo-vaccination et d’une vaccination pendant la grossesse, l’EV ajustée étant alors comprises entre 74 % [IC 95 %: 33-90 %] et 95 % [IC 95 % : 69-99 %]. En cas de primo-vaccination exclusive, chez 27 cas et 53 témoins, l’EV a été de respectivement 68 % [IC 95 % : 27-86 %] et 94 % [IC 95 %: 59-99 %].
La vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse semble bien réduire de manière hautement significative l’incidence de la coqueluche chez les nourrissons trop jeunes pour bénéficier d’une vaccination primaire. Chez les nourrissons âgés de 2 à 11 mois, cette dernière combinée à la vaccination pendant la grossesse, semble protéger contre les formes graves de cette maladie infectieuse encore préoccupante, même dans les pays favorisés. La protection apportée par la vaccination primaire exclusive est par ailleurs largement confirmée. La réponse immunitaire du nourrisson n'est apparemment pas affectée par le passage des anticorps maternels durant la grossesse.
Dr Philippe Tellier