
Quelle pourrait être l’efficacité à long terme de ces vaccins
dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI), s’ils
étaient intégrés dans des programmes complets et applicables sur le
terrain ? La question un peu théorique se heurte à des freins
socio-économiques aisément concevables mais mérite d’être posée,
tant la mortalité des GEAV est élevée dans ces pays. La prévention
des formes sévères de ces infections est accessible à ces vaccins
dans le monde réel, même si la transmission dynamique des agents
pathogènes à long terme est susceptible de se modifier au fil du
temps.
À défaut d’être exacts, les modèles peuvent être utiles pour
anticiper la conduite à tenir. L’impact potentiel de la vaccination
contre les rotavirus a été évalué dans 112 pays à revenu faible ou
intermédiaire, entre 2006 et 2034. Dans quatre pays (Pakistan,
Inde, Nigeria et Ethiopie) où la prévalence des GEAV liées aux
rotavirus est particulièrement élevée, l’amplitude des effets
indirects a été estimée, à partir d’un schéma à une seule dose de
vaccin.
Ces pays sont au demeurant prioritaires du point de vue des
fondations Gavi et Gates. Toutes les simulations ont été faites
dans le cadre du projet VIMC (Vaccine Impact Modeling
Consortium) qui vise la prévention des maladies transmissibles
par la vaccination et, qui, de ce fait, a besoin d’estimations
prédictives robustes.
Possibilité de réduire de presque la moitié les décès dus au rotavirus d’ici 2034
Le modèle utilisé est à la fois déterministe, compartimental
et structuré par l’âge du type SIR
(Susceptible–Infected–Recovered). Les caractéristiques de la
transmission des rotavirus ont été prises en compte et la
modélisation a reposé sur les tranches d’âge suivantes : 0–1 mois,
2–3 mois, 4–11 mois, 1-4 ans et > 5 ans. Pour valider le modèle,
la réduction prévue de l’incidence des cas graves de rotavirus a
été comparée à la réduction de la présence du rotavirus chez les
patients hospitalisés pour GEAV grave dans dix pays disposant de
données avant et après l'introduction du vaccin. Les particularités
de chaque pays ont été prises en considération à tous les niveaux
sociaux, économiques, démographiques y compris la mortalité, ce qui
ne veut pas dire que le modèle est parfait, loin s’en faut.
Selon cette modélisation, la vaccination réduirait les décès
dus au rotavirus de 49,1 % (intervalle de confiance à 95 % IC 95 %
: 46,6-54,3 %) d'ici 2034 dans des scénarios de couverture
vaccinale réalistes, par rapport à un scénario sans vaccination. La
majeure partie de ce bénéfice est due à un effet direct pour les
enfants vaccinés (expliquant 69-97 % de l'impact global), mais une
protection indirecte semble également renforcer cet impact. Un
schéma vaccinal à une dose réduirait le bénéfice qui ne serait que
de 57 % par rapport à deux doses, ceci 12 ans après l'introduction
du vaccin. Ces projections ont été validées selon le protocole
précédemment décrit.
La vaccination contre les rotavirus est susceptible d'avoir un
impact substantiel sur le fardeau des GEAV à rotavirus dans les
pays à revenu intermédiaire ou faible, pour peu que le schéma
vaccinal soit complet. Qu’en sera-t-il dans le monde réel ?
Difficile de répondre dans le contexte géopolitique actuel où cette
modélisation peut apparaître… comme un exercice de style.
Dr Philippe Tellier