Vaccination contre les rotavirus dans les PRFI : les promesses d’une modélisation

La diarrhée aiguë est l’une des grandes causes de mortalité dans le monde :  en 2016, 128 500 décès lui ont été imputés. Depuis 2009, quatre vaccins dirigés contre les rotavirus ont vu le jour et tous ont reçu la qualification de l’OMS pour accéder aux programmes de vaccination nationaux. Si leur efficacité est largement établie dans les pays à haut revenu, de l’ordre de 84 % à 90 %, force est de reconnaître qu’elle apparaît moindre dans d’autres pays : de l’ordre de 75 % dans ceux à revenu intermédiaire et de 50 % dans ceux à faible revenu, alors que les conséquences des gastro-entérites aiguës virales (GEAV) en termes de mortalité et de morbidité prédominent largement dans ces derniers.

Quelle pourrait être l’efficacité à long terme de ces vaccins dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI), s’ils étaient intégrés dans des programmes complets et applicables sur le terrain ? La question un peu théorique se heurte à des freins socio-économiques aisément concevables mais mérite d’être posée, tant la mortalité des GEAV est élevée dans ces pays. La prévention des formes sévères de ces infections est accessible à ces vaccins dans le monde réel, même si la transmission dynamique des agents pathogènes à long terme est susceptible de se modifier au fil du temps.

À défaut d’être exacts, les modèles peuvent être utiles pour anticiper la conduite à tenir. L’impact potentiel de la vaccination contre les rotavirus a été évalué dans 112 pays à revenu faible ou intermédiaire, entre 2006 et 2034. Dans quatre pays (Pakistan, Inde, Nigeria et Ethiopie) où la prévalence des GEAV liées aux rotavirus est particulièrement élevée, l’amplitude des effets indirects a été estimée, à partir d’un schéma à une seule dose de vaccin.

Ces pays sont au demeurant prioritaires du point de vue des fondations Gavi et Gates. Toutes les simulations ont été faites dans le cadre du projet VIMC (Vaccine Impact Modeling Consortium) qui vise la prévention des maladies transmissibles par la vaccination et, qui, de ce fait, a besoin d’estimations prédictives robustes.

Possibilité de réduire de presque la moitié les décès dus au rotavirus d’ici 2034


Le modèle utilisé est à la fois déterministe, compartimental et structuré par l’âge du type SIR (Susceptible–Infected–Recovered). Les caractéristiques de la transmission des rotavirus ont été prises en compte et la modélisation a reposé sur les tranches d’âge suivantes : 0–1 mois, 2–3 mois, 4–11 mois, 1-4 ans et > 5 ans. Pour valider le modèle, la réduction prévue de l’incidence des cas graves de rotavirus a été comparée à la réduction de la présence du rotavirus chez les patients hospitalisés pour GEAV grave dans dix pays disposant de données avant et après l'introduction du vaccin. Les particularités de chaque pays ont été prises en considération à tous les niveaux sociaux, économiques, démographiques y compris la mortalité, ce qui ne veut pas dire que le modèle est parfait, loin s’en faut.

Selon cette modélisation, la vaccination réduirait les décès dus au rotavirus de 49,1 % (intervalle de confiance à 95 % IC 95 % : 46,6-54,3 %) d'ici 2034 dans des scénarios de couverture vaccinale réalistes, par rapport à un scénario sans vaccination. La majeure partie de ce bénéfice est due à un effet direct pour les enfants vaccinés (expliquant 69-97 % de l'impact global), mais une protection indirecte semble également renforcer cet impact. Un schéma vaccinal à une dose réduirait le bénéfice qui ne serait que de 57 % par rapport à deux doses, ceci 12 ans après l'introduction du vaccin. Ces projections ont été validées selon le protocole précédemment décrit.

La vaccination contre les rotavirus est susceptible d'avoir un impact substantiel sur le fardeau des GEAV à rotavirus dans les pays à revenu intermédiaire ou faible, pour peu que le schéma vaccinal soit complet. Qu’en sera-t-il dans le monde réel ? Difficile de répondre dans le contexte géopolitique actuel où cette modélisation peut apparaître… comme un exercice de style.

Dr Philippe Tellier

Référence
Kraay ANM et coll. Predicting the long-term impact of rotavirus vaccination in 112 countries from 2006 to 2034: A transmission modeling analysis. Vaccine 2022 : publication avancée en ligne le 6 octobre. doi.org/10.1016/j.vaccine.2022.09.072.

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