Vaccination obligatoire des populations vulnérables : nous y arriverons. Le plus tôt sera le mieux [Tribune]
Paris, le mercredi 9 juin 2021 – Comment faire
progresser la couverture vaccinale contre la Covid pour éviter une
nouvelle vague ? Parmi les réponses à cette question, la piste de
l’obligation a été réouverte récemment par l’Académie de médecine.
Néanmoins, l’hypothèse apparaît encore relativement « taboue »
auprès des autorités sanitaires. Le Dr Martin Blachier, fondateur
de Public Health Expertise, défend depuis le début de l’épidémie
des positions souvent remarquées et en tout cas singulières. Ce
spécialiste de santé publique, non universitaire, a parfois su
éviter certaines prévisions erronées d’autres épidémiologistes.
Aujourd’hui, de façon claire, il explique les raisons simples pour
lesquelles la vaccination obligatoire des plus vulnérables lui
apparaît inéluctable pour éviter cet automne un nouvel engorgement
de nos hôpitaux, qui rendrait inévitable de nouvelles mesures de
suspension de nos activités économiques et sociales. Au-delà de
cette démonstration transparente, il ne revient pas sur les
questions juridiques et éthiques que soulèveraient une telle
obligation. Il est en effet certain qu’une loi serait indispensable
pour instaurer une telle obligation et que se poserait donc les
questions de sa constitutionalité et des sanctions et des contrôles
nécessaires pour la rendre opérationnelle.
Nous y reviendrons prochainement.
Par le Dr Martin Blachier
Nous disposons aujourd’hui de vaccins efficaces en nombre
suffisant pour vacciner la totalité de la population française. La
sortie de la crise est donc théoriquement possible. Entre le
scénario théorique et la vraie vie, il y a la couverture
vaccinale.
Bien que le ministre de la santé répète partout que « si la
vague épidémique n’arrive pas à l’automne, nous aurons gagné la
guerre contre le coronavirus » ; il ne semble pas raisonnable
d’attendre octobre pour savoir ce qu’il en sera. Essayons donc de
nous interroger sur les options dont nous disposons.
Oublier le fantasme de l’immunité collective
La 1ère question qu’il faut se poser est « le virus
va-t-il re-circuler plus à l’automne ? ». Très probablement !
Si l’on combine l’effet du vaccin sur la transmission du virus et
les taux de couvertures vaccinales maximales attendues dans la
population française, le virus va ré-accélérer en octobre. Aucun
pays n’a atteint, à ce jour, une couverture vaccinale permettant la
non-recirculation du virus en période hivernale sans mesures
contraignantes (couvre feux, fermetures, télétravail). Même Israël,
avec ses 75% de couverture vaccinale, n’y est pas. Oublions donc le
fantasme de l’immunité collective un instant pour avancer un peu
plus loin.
Chaque hospitalisation liée à la Covid cet automne est
évitable
Le virus réaccélérera donc en octobre. Ainsi, comment éviter
une vague hospitalière paralysante sans soumettre la population
française à des mesures restrictives dommageables ? La seule
réponse dont nous disposons est la protection vaccinale des
personnes vulnérables. Car s’il est une chose qui est prouvé dans
cet océan de doutes, c’est que la vaccination protège à quasi-100%
des formes graves de la Covid-19. Ainsi, chaque hospitalisation
Covid à l’automne 2021 est évitable. Disons-le autrement, les
vaccinations de cet été déterminent directement l’état des services
hospitaliers à l’automne prochain. Et la marge de manœuvre est très
étroite car il suffit d’une toute petite partie de la population
vulnérable non vaccinée pour saturer nos 5000 lits de réanimation.
Lors de la 1ère vague, c’était moins de 5%.
Nous devons donc vacciner entre 90% et 95% des populations
vulnérables.
Est-ce faisable sans obligation vaccinale ? Ce n’est pas ce
qu’indique l’allure des courbes des vaccinations actuelles. En
effet, le plafond semble bien plus bas que cela avec une asymptote
qui se dessine sous les 80%.
La question n’est donc pas « est-ce que la vaccination doit être
obligatoire pour les populations vulnérables ? » mais «
quand est-ce que cette décision doit être prise ? ». Étant
donné que cette vaccination doit être efficace à la mi-octobre avec
les 2 doses de vaccins espacées de 4 à 6 semaines, il semble
difficile de retarder cette obligation vaccinale au-delà de la
mi-août.
Figure 1: Illustration de la vague
automnale 2021 avec un taux de vaccination de 75% dans la
population vulnérable et 60% dans la population française totale
(dernières estimations d'intentions vaccinales dans COVIPREV).
Figure 2 : Illustration de la vague
automnale 2021 avec un taux de vaccination de 90% dans la
population vulnérable et 75% dans la population française totale
(équivalent obligation vaccinale population vulnérable).
Est-il vraiment possible de rendre obligatoire des vaccins qui sont encore en phase expérimentale, et dont on ne connait ni l'efficacité ni l'innocuité à moyen et long terme ? On fixerait quelles limites : les personnes ayant 4 ou 5 ans d'espérance de vie ? Plus ? En tout cas l'obligation me semble être impossible pour les jeunes, même soignants, faute de recul suffisant.
Pour rappel, le comité d'éthique a trouvé que la décision de vacciner les adolescents avait été prise un peu vite. Quid de la responsabilité des laboratoires si des complications surviennent à long terme ?
Dr Françoise Quin
Cette loi serait difficile à écrire
Le 09 juin 2021
Cette obligation est d'abord anticonstitutionnelle, d'autant que les personnes "vulnérables' ne font pas courir plus de risques que les autres car elles ne sont pas plus contagieuses. Il s'agirait donc uniquement de préserver les économies et la charge de travail des institutions étatiques de santé, ainsi que la bonne conscience des "bien pensant".
Il conviendrait dès lors d'apprécier si ces obligations s'appliqueraient hors de France à ceux qui auraient pu fuir, non pas tant la vaccination que la majorité aura déjà, que l'enfermement qui sera également proposé avec ces mesures. De surcroit il devrait être possible d'y déroger pour conserver sa liberté de vivre ses dernières années librement, en signant une décharge de non prise en charge par la sécurité sociale, voire les hôpitaux publiques, ou même tout établissement de soin en France. Cette loi sera difficile à écrire.
Dr Jean-Jacques Le Moine
Tribune à médiatiser
Le 10 juin 2021
Merci au Dr Blachier pour sa tribune que j'approuve totalement. Dans une précédente tribune publiée le 28/5/2021 dans Jim.fr j'avais écrit :
"Peut-on atteindre cette immunité collective ? Avec la stratégie de vaccination actuelle, ma réponse est négative et cela pour les deux raisons principales suivantes : - Il est illusoire de penser que 100 % de la population des 18 ans et plus se feront vacciner. Selon un sondage Opinionway réalisé en mai, seuls 20 % des Français n'auraient pas l'intention de se faire vacciner, contre 30% il y a trois mois (4). Selon l’Académie de Médecine, environ 30 % de la population seraient hésitants à se faire vacciner ou opposés à la vaccination, soit 20 millions (5). Le pourcentage de sujets opposés à la vaccination a cependant diminué depuis le début de la campagne de masse ; il était en effet de 58 % en janvier 2021. - On estime aujourd’hui que 20 % des sujets de plus de 70 ans pourtant en majorité favorables à la vaccination ne sont pas encore vaccinés ; cela représente environ 1 million de personnes (1,5 % de la population)".
J'espère que la médiatisation des propos du Dr Blachier permettra de faire appliquer cette stratégie de vaccination obligatoire.