
Si la variole du singe est endémique dans le bassin du Congo et en Afrique de l’Ouest, elle n’est pas totalement inconnue non plus dans les pays occidentaux. En 2003 en effet, 11 cas ont été décrits aux Etats-Unis, chez des personnes en contact avec des chiens de prairie infectés.
Ces rongeurs avaient été transportés avec un rat géant de Gambie, présumé être la source de l’infection. Depuis 2018, plusieurs cas sporadiques ont été signalés au Royaume Uni, à Singapour, aux Etats-Unis et en Israël.
Cent quatre-vingt-dix-sept cas au Royaume-Uni
Les formes cliniques rapportées actuellement montrent toutefois des différences importantes avec celles décrites dans les rapports historiques. Une équipe londonienne fait le point sur 197 cas de variole du singe, confirmés par PCR, diagnostiqués entre juin et juillet 2022 à Londres.
En premier lieu, les caractéristiques de la cohorte diffèrent de celles des populations concernées dans les régions endémiques, où une grande partie de la population est vaccinée contre la variole. Dans ces régions, les infections surviennent le plus souvent chez les enfants.
Plus récemment toutefois, les séries de cas décrits en Afrique de l’Ouest et dans le bassin du Congo concernaient aussi des adultes, et notamment des hommes. Les cas décrits ici touchent exclusivement des hommes, la majorité (99,5 %) identifiés comme étant gays, bisexuels ou ayant des relations sexuelles avec des hommes. Un seul d’entre eux avait récemment voyagé dans une région endémique.
14 % des observations ne correspondent pas à la définition de « cas probable » donnée par les autorités sanitaires
Plusieurs symptômes sont fréquents dans cette cohorte, qui ne figurent pas dans les messages diffusés au public ni dans les critères de diagnostic à destination des professionnels de santé. Ici, 14 % des cas ne correspondent pas à la définition de l’agence de sécurité sanitaire du Royaume-Uni pour un cas probable.
Rarement décrits dans la littérature, l’œdème pénien et la douleur rectale sont très fréquents dans cette cohorte, et les premières raisons d’hospitalisation. La sévérité des symptômes n’est pas toujours corrélée à des lésions graves ni à des lésions cutanées typiques, égarant parfois le diagnostic.
Des signes cutanéomuqueux avant les signes généraux pour la moitié des patients
La moitié des patients présentent initialement exclusivement des manifestations muqueuses et cutanées ou développent des signes généraux après les signes cutanés, contrairement aux cas typiques où les signes généraux précèdent les signes cutanés.
Cela est aussi en contradiction avec les définitions officielles de cas probables, dans lesquelles les symptômes généraux doivent être associés aux lésions cutanées et au risque épidémiologique.
Dans cette cohorte, les lésions sont apparues le plus souvent dans les zones génitales, périanales, autour de la bouche ou dans la gorge, ce qui, avec la notion d’un contact sexuel récent dans 96 % des cas, suggère que ces lésions se sont constituées au site d’inoculation. Les symptômes généraux et la dissémination des lésions surviennent ensuite.
Certains patients ne présentent qu’une seule lésion.
Des lésions polymorphes dans un tiers des cas, parfois seulement maculopapuleuses
Dans plus d’un tiers de la cohorte, les lésions sont polymorphes (macules, papules, pustules, érosions), correspondant à différents stades, qui pourraient être la conséquence d’une auto-inoculation. Des éruptions maculopapuleuses n’évoluant pas vers des pustules ou des ulcérations sont observées.
Ceci n’est pas en accord avec la présentation classique de la maladie. Les lésions isolées et l’atteinte des amygdales non plus, ce qui laisse penser que certains cas ont pu être ignorés au début de l’épidémie.
Possibilité d’une transmission asymptomatique…
Un tiers de patients testés présentent une co-infection sexuellement transmissible, le plus souvent à N. gonorrhoeae ou C. trachomatis.
Notons que dans cette cohorte, un quart seulement des patients sait avoir été en contact avec une personne infectée. Cela suggère la possibilité d’une transmission asymptomatique ou pauci symptomatique et la nécessité de mettre en place un dépistage des contacts.
Pour les auteurs, la propagation actuelle de la variole du singe
suggère que sa transmission à des populations vulnérables est
possible, particulièrement aux personnes immunodéprimées ou aux
enfants, éventualité dont les conséquences ne sont pas encore
connues.
Dr Roseline Péluchon