
New York, le vendredi 19 août 2022 – Les Etats-Unis concentrent plus d’un tiers des cas de variole du singe dans le monde et le gouvernement essuie des critiques de toute part pour sa gestion de la crise.
L’idée paraissait bonne. Pour multiplier par cinq en un clin d’œil le nombre de doses disponibles de vaccin contre la variole du singe, la FDA (l’agence du médicament américaine) avait proposé le 4 août dernier d’autoriser la vaccination intradermique, ce qui permettrait de n’injecter qu’un cinquième de dose par patient.
Mais l’astuce s’est rapidement retournée contre ses promoteurs. En effet, en proposant cette solution, le gouvernement américain a reconnu qu’il ne disposait pas d’assez de doses pour vacciner l’intégralité de la population à risque (estimée à 1,7 millions d’individus) contrairement à ce qu’il avançait.
Mais surtout, la proposition de la FDA a suscité la colère du laboratoire danois Bavarian Nordic, seul producteur de l’unique vaccin autorisé contre la variole du singe. Evoquant une violation du contrat, la firme danoise a menacé d’annuler toutes les commandes de vaccins en cours avec Washington.
« Les gens recherchent désespérément des doses de vaccin et nous nous sommes mis à dos le seul fabricant » résume un membre de l’administration Biden ayant préféré garder l’anonymat.
Manque de transparence et lourdeur administrative
Cet accrochage entre le gouvernement américain et Bavarian Nordic, révélé par le Washington Post, n’est que le dernier des nombreux ratés et échecs du gouvernement fédéral dans sa gestion de l’épidémie.
Dans un long article paru ce mercredi, le journal revient sur les trois premiers mois de diffusion du virus et sur la manière dont les autorités ont sans doute loupé définitivement l’occasion de tuer dans l’œuf la flambée virale. « Il y a encore une petite chance d’arrêter l’épidémie, mais cela risque d’être très difficile désormais », reconnait Scott Gottlieb, ancien directeur de la FDA.
Dès la survenance du premier cas au Massachussetts le 17 mai dernier, la réponse des autorités a été marquée par un manque total d’anticipation et par d’importantes lourdeurs administratives dénonce le Washington Post.
Le journal critique notamment l’absence de transparence de Raj Panjabi, conseiller en santé publique du président Biden.
En effet, alors que les premiers cas étaient signalés aux Etats-Unis, il n’a cessé de répéter aux médias que le pays détenait assez de doses pour vacciner l’ensemble de la population à risque, alors même qu’il n’y avait initialement que 2 400 doses en stock.
« La pire erreur que la communauté gay a faite dans cette épidémie a été de croire Raj Panjabi sur parole » estime James Krellenstein, fondateur de l’association de lutte contre le VIH PrEP4All.
Plus de 14 000 cas de variole du singe
Autre échec du gouvernement fédéral, celui des tests. Peu après la détection du virus sur le sol américain, les CDC ont pris la décision de ne tester que les personnes présentant des lésions apparentes et chaque dépistage devait faire l’objet d’une autorisation spéciale par un épidémiologiste.
Résultat, début juin, seule une dizaine de tests était réalisée chaque jour à travers le pays et de nombreux contaminés sont passés sous les radars.
Les Etats-Unis ont comptabilisé plus de 14 000 cas de variole du singe depuis le début de l’épidémie, soit plus d’un tiers des cas recensés dans le monde et ce nombre double tous les 10 jours actuellement. Après plusieurs mois d’errements, la stratégie sanitaire du gouvernement fédéral semble enfin sur les bons rails.
Le président Joe Biden a déclaré l’état d’urgence sanitaire et a nommé un comité spécial, dirigé par Robert Fenton, un expert en gestion de crise et le Dr Demetre Daskalis, un spécialiste du VIH et homosexuel.
Les millions de doses de vaccin achetées par les Etats-Unis, jusque là stockées en vrac dans les congélateurs de Bavarian Nordic au Danemark, commencent à traverser l’Atlantique : 1 million de doses ont déjà été livrées à travers le pays, tandis que le gouvernement vient d’annoncer que 50 000 seraient directement distribuées lors de gays prides et évènements similaires.
Et Raj Panjabi a finalement été écarté de la gestion de
l’épidémie.
Nicolas Barbet