
Paris, le mardi 10 août 2022 – Utilisation de vaccins périmés, secret-défense sur le nombre de doses, espacement des injections : l’orientation de la campagne de vaccination contre la variole du singe ne manque pas d’interroger.
Cela a commencé comme une rumeur sur les réseaux sociaux. Il y a deux semaines, plusieurs personnes ont affirmé sur Twitter avoir été vaccinées contre la variole du singe avec des vaccins périmés.
Affichant une photo d’un lot de vaccins Imvanex, le seul agréé à ce jour contre la variole du singe, les internautes expliquent que le produit qui leur a été injecté était arrivé à péremption en 2017.
Alors qu’on aurait pu croire à une énième « fake-news », l’information a finalement été confirmée par l’association de lutte contre le VIH Act-Up Paris : un lot de vaccins périmés entre 2017 et 2020 a bien été utilisé pour immuniser des patients à Brest.
Après enquête, Act-Up a cependant découvert que le lot de vaccins utilisé avait fait l’objet d’une « extension de péremption » jusqu’en 2024 après avoir été soumis à des tests par l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) en 2020 puis cette année.
Santé Publique France avait d’ailleurs déjà indiqué le 20 juillet dernier avoir l’intention d’utiliser des lots périmés achetés au début des années 2010 alors que la France se préparait à une possible attaque bioterroriste.
La bonne excuse du secret-défense
L’utilisation de doses périmées sans en avertir les patients ravive les accusations lancées régulièrement par les associations homosexuelles selon lesquels le gouvernement ferait preuve d’opacité dans sa communication.
Act-Up a ainsi demandé « au ministère de la Santé une plus grande transparence » tandis que l’Inter-LGBT a exigé « la levée du secret-défense sur les vaccins de 3ème génération de la variole et le volume des commandes et mises à disposition dans les centres de vaccination ».
En effet, le ministre de la Santé François Braun refuse pour le moment d’indiquer combien de doses de vaccins la France dispose, affirmant que cette donnée est protégée par le secret-défense, la variole pouvant être utilisée comme une arme.
Selon le ministre, la France a « largement le nombre de doses suffisant pour la population qui est principalement à risque », à savoir les hommes homosexuels et les transsexuels multipartenaires, population estimée à 250 000 personnes.
Une position d’autant plus étonnante qu’en 2003, le ministère de la Santé se vantait de disposer de 70 millions de doses et de pouvoir vacciner l’intégralité de la population en deux semaines, sans évoquer à l’époque le secret-défense.
D’autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou les Etats-Unis se sont montrés plus transparents et ont reconnu ne pas disposer de suffisamment de doses de vaccins de nouvelle génération pour vacciner toutes les personnes à risque pour le moment.
Lancement de l’expérimentation de la vaccination en pharmacie
Le secret-défense pourrait donc cacher le manque de doses, tout comme la prétendue inutilité des masques servait à dissimuler la pénurie au début de l’épidémie de Covid-19. C’est ce qu’affirme en tout cas le Canard Enchainé, qui explique ce mercredi qu’il n’y aurait que quelques centaines de milliers de doses en stock.
Cela expliquerait pourquoi la campagne de vaccination est relativement lente (seulement 20 000 primo injections en un mois), pourquoi il reste si difficile d’obtenir un rendez-vous de vaccination et pourquoi le ministère de la Santé a récemment décidé de rallonger le délai initialement fixé à 28 jours entre les deux doses de vaccin.
Pour faire traire les critiques, le gouvernement a lancé ce mercredi une expérimentation de 15 jours de la vaccination en officine. Cinq pharmacies ont été habilitées provisoirement à administrer le vaccin contre la variole du singe.
Mais ce mercredi matin, la Fédération des Syndicats
pharmaceutiques de France (FSPF) indiquait que les deux pharmacies
parisiennes agréées n’avaient toujours pas reçu leurs
doses.
Nicolas Barbet