
Créé en juillet 2020 par le Dr Arnaud Chiche pour dénoncer les
insuffisances des accords de Ségur pris à la sortie du premier
confinement, le collectif Santé en danger, qui regroupe
professionnels de santé mais également syndicalistes, présidents
d’associations et hommes politiques, met en avant depuis deux ans
les grandes difficultés du personnel soignant. A travers deux
enquêtes menées début septembre auprès de ses membres et dont les
résultats viennent d’être publiés, le collectif souligne encore un
peu plus la situation de détresse que connaitraient de nombreux
professionnels de santé.
Le premier sondage concerne la souffrance au travail et
l’épuisement professionnel (ou burn-out) et les résultats sont
édifiants : 98,4 % des répondants affirment rencontrer des
difficultés sources de souffrance. Surtout, 77,9 % des
professionnels de santé interrogés disent avoir été diagnostiqués
comme souffrant d’un burn-out, dont 34 % ont dû bénéficier d’un
arrêt de travail et 12,8 % ont finalement changer de voie
professionnelle. Des chiffres qui s’aggravent par rapport à un
sondage identique réalisé par le même collectif en janvier 2021.
Ils sont ainsi 71,3 % à envisager une reconversion professionnelle,
contre 67,1 % en 2021.
98 % des soignants victime de « violences » !
24 % des professionnels de santé ayant répondu à l’enquête
disent être suivi par un médecin pour gérer leur stress et leur
anxiété professionnel et 16,6 % prennent un traitement, 8,8 %
ressentent des idées suicidaires. La santé mentale des soignants ne
semble pas en voie d’amélioration, puisque 98,2 % des répondants
estiment que leur souffrance au travail a augmenté ces deux
dernières années et ce malgré la fin de la crise sanitaire.
L’autre enquête menée par le collectif Soignants en danger
révèle des résultats encore plus inquiétants, puisqu’il en découle
que 97,6 % ont été victimes de violences. Certes, la définition de
violences retenue par les auteurs du sondage est très large,
puisqu’elle comprend les simples provocations. Mais même en s’en
tenant à une conception plus stricte, les données sont éloquentes :
59,5 % des soignants indiquent avoir été insultés par des patients
et 16,1 % menacés de mort.
La violence peut également venir de l’intérieur même de
l’hôpital, puisque 4,4 % des répondants ont été victimes de
violences physiques de la part d’un collègue. Fort heureusement,
les faits graves sont rares : seulement 0,8 % des personnes
interrogées ont subi une violence avec arme et 0,7 % une agression
sexuelle.
Emmanuel Macron reconnait les lacunes du Ségur
Notons tout de même que ces deux enquêtes présentent quelques
biais qui conduisent à prendre ces résultats avec précaution. Tout
d’abord, les répondants ne sont pas parfaitement représentatifs du
personnel soignant, puisque plus de 90 % sont des femmes et plus de
50 % des infirmières. De plus, on peut supposer que les soignants
victimes de violence ou de burn-out sont plus enclins d’adhérer au
collectif et donc de répondre à ces sondages. Il n’empêche que ces
enquêtes montrent à tout le moins que les soignants sont sujets à
de nombreuses causes de stress et d’anxiété.
Dans le sillage de ces deux enquêtes, le collectif Santé en
danger a adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Elisabeth
Borne et François Braun pour leur demander de leur « redonner
confiance et envie de continuer notre métier » et de « transformer
toute l’offre de soins ». Plusieurs pistes y sont évoquées pour
améliorer les conditions de travail des soignants, tels que
l’intégration des primes dans le salaire de base, la réforme de la
gouvernance des hôpitaux ou encore la revalorisation des
consultations pour les médecins de ville.
Lors d’une interview télévisée le 26 octobre dernier, le
Président de la République avait d’ailleurs reconnu que « les
conditions de travail à l’hôpital n’avaient pas assez changé malgré
le Ségur ». Tout le monde semble donc d’accord sur le constat
d’une crise systémique de l’hôpital public et de conditions de
travail éprouvantes.
Reste à se mettre d’accord sur les solutions.
Grégoire Griffard