L’épidémiologie a longtemps suggéré l’intérêt d’une supplémentation en antioxydants et en certaines vitamines pour prévenir les maladies cardiovasculaires (MCV). Des essais cliniques ont été conduits pour tenter de confirmer cette hypothèse mais leurs résultats sont globalement décevants. Une méta-analyse regroupant 50 essais randomisés fournit une vue d’ensemble des données acquises. Les participants (294 478 au total) ont été inclus dans les différentes régions du monde (Amérique, Europe, Asie, Australie). Leurs âges s’échelonnaient entre 49 ans et 82 ans et la supplémentation était administrée pendant une durée de 6 mois à 12 ans. Trente études concernaient des sujets en prévention primaire des MCV (mais éventuellement souffrant de cancers), les vingt autres étaient des essais de prévention secondaire. La plupart étaient contrôlés par un placebo (45 études).
Globalement, la supplémentation en vitamines et/ou en antioxydants ne réduit pas l’incidence des MCV (risque relatif [RR] : 1, intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,98-1,02). Ni les vitamines (dans leur ensemble), ni les antioxydants n’apportent de bénéfice. Une analyse détaillée montre que les résultats ne diffèrent pas quand on isole les études sponsorisées par l’industrie pharmaceutique, celles qui concernent la prévention secondaire ou encore les essais les plus longs (suivi > 5 ans).
D’autres analyses montrent une réduction du risque d’infarctus du myocarde (RR : 0,77, IC : 0,65-0,91) avec la vitamine E, une diminution des événements CV majeurs (RR : 0,91 IC : 0,83-0,99) avec la vitamine B6 mais une augmentation de l’incidence de l’angine de poitrine avec des cocktails d’antioxydants et de vitamines. Toutefois, la significativité de ces derniers résultats disparaît quand seules les études de haute qualité méthodologique sont retenues. De même l’effet bénéfique constaté sur le risque d’infarctus avec la vitamine E est observé uniquement dans les essais financés par l’industrie pharmaceutique, ce qui limite la validité de ce résultat.
Les résultats de cette étude sont concordants avec ceux des précédentes méta-analyses qui ont concerné l’intérêt de la vitamine D, de la vitamine B, de la vitamine E, du β-carotène, de l’acide folique et du sélénium au cours d’essais randomisés. A l’inverse, ils sont contradictoires avec les données issues des études animales et des travaux in vitro qui mettent en évidence un effet antiathérogènes des antioxydants et autres vitamines.
En pratique, il n’est donc pas légitime de recommander une supplémentation en antioxydants ni en une quelconque vitamine pour prévenir les maladies cardiovasculaires, y compris en prévention secondaire. En 2013, nous devons donc en rester à des recommandations nutritionnelles classiques incluant notamment la consommation quotidienne de fruits, de légumes, de céréales complètes et d’huiles végétales pour assurer des apports convenables en fibres, en vitamines et autres micronutriments !
Dr Boris Hansel