Vonoprazan dans le RGO : et si le renouveau des antisécrétoires gastriques venait du Japon
Le traitement du RGO et de ses complications fait communément
appel aux IPP en Europe et aux USA. Le vonoprazan fait partie des
bloqueurs acides compétitifs du potassium (P-BAC) qui inhibent la
pompe à protons en se fixant sur le canal potassique, empêchant
ainsi l’excrétion des ions H+ vers la lumière de l’estomac,
indépendamment du pH acide. Malgré une efficacité un peu plus
élevée que celle des IPP, notamment pour le contrôle de
l’acidité nocturne, le développement initial de cette nouvelle
classe d’antisécrétoires avait été limité par les complications
hépatiques du linaprazan actuellement abandonné. L'efficacité et
l'innocuité d’un nouveau P-BAC appelé venoprazan dans le traitement
des maladies liées à l'acide ont été évaluées par une série
d'études récentes peu divulguées. Il a été approuvé sur le marché
japonais en février 2015 pour le traitement de l'ulcère
gastroduodénal et de l'œsophagite peptique.
L’objectif de cette étude multicentrique de phase 3 en double
aveugle est d’établir la non infériorité de l’efficacité du
vonoprazan (20 mg) par rapport au lansoprazole (30 mg) dans le
traitement de patients asiatiques (Chine, Corée du sud, Taiwan et
Malaisie) atteints d'œsophagite érosive, durant 8 semaines. Le
critère d'évaluation principal était le taux de cicatrisation
endoscopique à 8 semaines. Les critères d'évaluation secondaires
étaient les taux de guérison de l'œsophagite peptique à 2 et 4
semaines.
Dans les bras vonoprazan (n = 238) et lansoprazole (n = 230),
les taux de cicatrisation à 8 semaines étaient respectivement de
92,4 % et 91,3 %. Les taux de cicatrisation endoscopique à 2
semaines étaient de 75,0 % et 67,8 % et à 4 semaines de 85,3 % et
83,5 %. Chez les patients les plus sévères avec une œsophagite de
grade C et D dans la classification de Los Angeles, les taux de
cicatrisation à 2 semaines, 4 semaines et 8 semaines étaient plus
élevés avec vonoprazan versus lansoprazole (2 semaines :
62,2 % vs 51,5 % ; 4 semaines : 73,3 % vs 67,2 % ; et
8 semaines : 84,0 % vs 80,6 %.) Les effets secondaires
étaient similaires 38,1 % dans le groupe vonoprazan et 36,6 % dans
le groupe lansoprazole. Les troubles gastro-intestinaux (diarrhée,
distension abdominale, etc.) avaient une incidence similaire dans
le groupe vonoprazan (18,4 % ; 45/244) et lansoprazole (19,1 %, ;
45/235). Au total, neuf patients ont présenté 10 effets secondaires
qui ont conduit à l'arrêt du médicament : cinq patients (2,0 %)
dans le groupe vonoprazan ont signalé une diarrhée, des calculs
biliaires, une augmentation de l'ALT et une augmentation de l'AST,
un infarctus cérébral et des maux de tête ; quatre patients (1,7 %)
du groupe lansoprazole ont présenté une arythmie, une dilatation
gastrique, une gastro-entérite et des tests hépatiques anormaux. Il
n'y a eu aucun changement cliniquement significatif dans les signes
biologiques, les ECG et les signes vitaux, ni aucun décès pendant
l'étude.
Les P-BAC, une nouvelle classe thérapeutique d’anti-sécrétoires
gastriques aux effets rapides et puissants
Le vonoprazan avait, dans les études japonaises antérieures,
permis un taux de guérison > 95 % pour le RGO et > 90 % pour
les ulcères gastriques ; en outre, il était efficace pour le RGO
résistant aux IPP à 8 semaines, représentant habituellement 30 %
des échecs à ce traitement antisécrétoire. Il a enfin été associé à
des antibiotiques pour l'éradication d'Helicobacter pylori.
Chez les patients présentant un stade C/D, le vonoprazan démontre
un taux de guérison rapide > 60 % à 2 semaines. Dans la
population globale, le taux de guérison de l'œsophagite érosive à 2
semaines était plus élevé avec le vonoprazan qu’avec le
lansoprazole (75,0 % vs 67,8 %), en faveur d’un effet
clinique plus puissant et plus rapide du vonoprazan. Ces résultats
confirment ceux d'une précédente étude de phase III menée au Japon
rapportant également des taux de guérison plus élevés avec le
traitement par vonoprazan 20 mg qu’avec le lansoprazole 30 mg (90,7
% vs 81,9 % à 2 semaines. L'incidence des EI était similaire
entre les bras de traitement.
Ce nouveau traitement antisécrétoire gastrique est
commercialisé par Takeda depuis 2015, tandis que le revaprazan, un
autre inhibiteur acide compétitif du potassium a vu le jour en
Corée du Sud en 2007 avec le laboratoire Yuhan Corporation. Takeda
et Frazier ont annoncé, en mai 2019, une collaboration pour lancer
Phathom Pharmaceuticals, une société biopharmaceutique axée
sur le développement et la commercialisation du vonoprazan en
Europe et aux USA.
En conclusion, l'efficacité du vonoprazan n’est pas inférieure à
celle du lansoprazole pour cicatriser, à 8 semaines, l’œsophagite
peptique d’une population asiatique. Les résultats de sécurité sont
similaires dans les deux bras de traitement. L’extrapolation de ces
résultats à la population européenne nécessite d’autres essais
cliniques de ce médicament qui appartient aux bloqueurs acides
compétitifs du potassium (P-BAC), nouvelle classe thérapeutique
d’anti-sécrétoires gastriques rapides et puissants.
Et la sur morbidité-mortalité au long cours ? Sachant que pour les IPP, qui n’agissent pas que sur l’estomac, de nombreuses études de phases IV, faites dans la vraie vie, montrent une tendance à une sur-morbidité-mortalité vasculaire ou rénale chez les patients sous IPP au long cours par rapport à la Ranitidine, il sera intéressant de rendre obligatoire (règlementairement, dans tous les pays qui le peuvent) des études de suivi prolongé de ces traitements.
A ce titre, quand la ranitidine marche, ou en cas de terrain de risque, commencer par privilégier la ranitidine parait être un bon choix pour traiter puis prévenir une petite œsophagite.
Encore faudrait-il pouvoir le faire, puisque la ranitidine n’est plus fabriquée depuis plusieurs mois (automne 2019) en raison de la découvertes d’impuretés (traces de NDMA, probablement cancérogène) dans la matière première, qui est vraisemblablement importée, comme pour (presque) tous les médicaments devenus génériquables.
La crise du Covid 19 nous aidera peut-être à tenir compte des effets pervers d’une politique d’économies faciles par le moyen d’une baisse déraisonnable du prix des médicaments génériquables, au risque d’aboutir à des manques qualitatifs et/ou quantitatifs, voire à l’arrêt de leur production. Car pour les investisseurs-actionnaires, il est facile de choisir entre 90-95 % de marge et les 5-15 % espérables avec ces produits, puisque même les économies d’échelles ou de dis-qualités ont une limite (contrairement au prix de vente espérés par les fabricants des nouveaux traitements).