
Le 7 janvier 2022, était annoncée la réalisation de la première greffe d’un cœur de porc génétiquement modifié chez un patient âgé de 57 ans, parvenu au stade terminal d’une insuffisance cardiaque globale et inéligible à la transplantation cardiaque classique.
Cette évolution inexorable s’inscrivait dans le cadre d’une cardiomyopathie non obstructive gravissime et la survie du patient passait par le recours régulier à une oxygénation par membrane extracorporelle et une contrepulsion par ballonnet intra-aortique, la fraction d’éjection du ventricule gauche étant < 10 %.
L’intervention de la dernière chance pour ce patient a été couronnée de succès, sans le moindre signe de rejet précoce, au prix d’un traitement immunosuppresseur extrêmement lourd, notamment une déplétion en lymphocytes B et T, complétée par les anti-CD40, jusqu’au 49e jour postopératoire où la situation s’est rapidement dégradée. La défaillance du greffon s’est traduite par un dysfonctionnement diastolique majeur du ventricule gauche et un tableau de choc cardiogénique de moins en moins contrôlable qui a conduit au décès au 60e jour de l’évolution.
Pas l’aspect d’un rejet typique
L’épilogue de cette histoire hors du commun qui a défrayé la chronique pendant de longues semaines revient à l’autopsie, les causes de l’échec de cette première xénogreffe devant être au mieux connues pour préparer le terrain à d’autres interventions de ce type. L’examen macroscopique a révélé un greffon œdémateux, dont le poids avait presque doublé en l’espace de deux mois, passant de 328 à 600 grammes.
L’étude histologique, pour sa part, a mis en évidence une nécrose des cardiomyocytes, associée à un œdème interstitiel et à une extravasation des hématies, sans la moindre thrombose au niveau de la microcirculation.
Autant de stigmates histologiques qui n’évoquent pas un rejet typique, ce qui amène à s’interroger sur les mécanismes qui ont conduit au dysfonctionnement fatal du greffon. Le rôle potentiel d’un cytomégalovirus porcin (CMVp) est évoqué, sans que ce dernier puisse être formellement impliqué dans le décès du patient.
La présence plutôt discrète de ce virus était pour le moins inattendue, du fait de toutes les mesures de prévention mises en œuvre à tous les stades du programme, autant chez l’animal donneur qu’au cours de la préparation du greffon et après la greffe. Les modifications génétiques des xénogreffes permettent de réduire au maximum le risque de zoonose, notamment la transmission de rétrovirus endogènes porcins, mais leur efficacité n’avait jamais été testée dans le cadre d’une expérience grandeur nature.
Des signes en faveur d’une infection
Pourtant, si l’on se penche sur les sept jours qui ont précédé la dégradation de l’état clinique, il existait quelques éléments radiographiques, bronchoscopiques et microbiologiques en faveur d’une infection évolutive de nature fongique ou virale, en dépit d’un traitement prophylactique le plus large possible.
L’agent pathogène susceptible d’expliquer le dysfonctionnement tardif de la xénogreffe cardiaque, si tant est qu’il existe, reste à ce jour inconnu et les recherches microbiologiques en cours feront tout pour le débusquer, le rôle du CMVp étant réellement douteux jusqu’à preuve du contraire.
Cette première xénogreffe couronnée d’un succès passager n’est
ni plus ni moins qu’une plongée dans l’inconnu et, à ce titre, les
surprises sont inévitables. Le rejet du greffon obéit apparemment à
des mécanismes probablement spécifiques qui ne sont pas ceux de la
transplantation cardiaque classique reposant sur la greffe d’un
cœur humain. Quoi qu’il en soit, l’échec final de cette xénogreffe
refroidit quelque peu les ardeurs des pionniers dans ce domaine
comme cela avait été le cas avec le cœur artificiel et ses quelques
déboires.
Dr Peter Stratford