Qui va nous soigner quand on sera vieux ?

Paris, le vendredi 3 octobre 2008 - Les syndicats de médecins libéraux et le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) ont (malheureusement) été des cassandres bien inspirées lorsqu’ils dénonçaient ces dernières années le risque d’une diminution du nombre de praticiens en France en raison notamment de la politique drastique du numerus clausus dans les années 80 et 90, trop faiblement ajustée depuis le nouveau millénaire. Jusqu’ici tout allait bien, mais la diminution de la densité des médecins dans notre pays commence en effet aujourd’hui. Dans son « Atlas de la démographie médicale » publiée, il y a quinze jours, le CNOM révèle ainsi qu’elle est passée de 340,4 praticiens pour 100 000 habitants l’année dernière à 322,4/100 000 au 1er janvier 2008. Ce premier avertissement est conforté par de nombreux autres indices énumérés par le CNOM.

Vieux médecins cherchent remplacement au soleil

Ainsi, la seule confrontation entre la proportion de praticiens ayant pris leur retraite en 2007 et la progression des nouveaux inscrits à l’ordre médecins en activité témoigne que les temps pléthoriques sont derrière nous : 3,4 % de départ à la retraite ont été enregistrés, tandis que le nombre de nouveaux inscrits n’augmentait parallèlement que de 1,2 %. Pour rééquilibrer cette balance inquiétante, (après avoir encouragé les départs à la retraite anticipés !), les pouvoirs publics ont adopté un dispositif qui permet aux praticiens retraités de poursuivre leur activité. Ce système devait également permettre de remédier aux disparités territoriales. Las, non seulement continuer à travailler ne séduit que 8,6 % des retraités mais ces derniers jouent prioritairement les prolongations en Ile de France et sur les rives de la méditerranée. Ce phénomène est résumé en une phrase lapidaire par le Conseil de l’Ordre : « Ce n’est pas à la retraite qu’un médecin va aller s’installer ou remplacer à Brinon sur Beuvron ».

Médecins étrangers cherchent cabinet dans le Centre

Au-delà du fait que les lieux de villégiature privilégiés des praticiens seniors ne sont pas ruraux, le Conseil de l’Ordre ne croit guère aux politiques incitatives jusqu’alors mises en place pour attirer les praticiens dans les zones désertifiées. Le bilan est de fait un peu mitigé : dans les zones où des aides à l’installation ou des bonus de 20 % sur le montant de la consultation ont été mis en place, on a assisté au maximum à deux nouvelles installations l’an dernier et souvent à aucune, comme c’est le cas en Bretagne ou en Champagne Ardenne. Les jeunes ne semblent décidément pas prêts à goûter les charmes de la médecine de campagne : « Les cartes nous montrent que [les nouveaux inscrits] restent dans les grandes villes, près des Centres Hospitalo universitaires, qu’ils s’installent de plus en plus tard et que 66 % se dirigent vers une activité salariée alors que seuls 10 % choisissent l’activité libérale exclusive », note l’Ordre. Mais les campagnes françaises pourraient être sauvées de la désertification par des médecins étrangers. Ainsi, dans la région Centre « un nombre important de médecins roumains ou bulgares se sont inscrits pour la première fois, reflet de l’activité d’agences qui recrutent dans ces pays et font miroiter des conditions de travail fabuleuses ». L’analyse de l’Ordre fournit d’autres enseignements sur l’activité des médecins à diplôme européen dans notre pays : 40 % des anesthésistes installés l’an dernier, 20 % des pédiatres et 17 % des chirurgiens ont fait leurs études dans un pays de l’Union européenne !

Et les étudiants cherchent des maîtres de santé en médecine générale

Ce tableau de l’Ordre n’a donc rien de réjouissant, puisqu’il dessine une France où l’attractivité de la région Paca est désormais plus importante que celle d’Ile de France, où les médecins étrangers deviendront bientôt indispensables malgré les difficultés sanitaires de leurs propres pays et où les médecins généralistes seront de plus en plus souvent des remplaçants (et qui plus est en grande majorité des femmes, ce qui n’est pas forcément pour plaire à l’Ordre !). Face à cet avenir, les actions des pouvoirs publics semblent marquées par l’inefficacité et une nouvelle fois le CNOM estime qu’il est impératif d’allouer des moyens supplémentaires afin de « faire connaître la médecine générale » aux jeunes. En écho à cette demande, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) vient de lancer une campagne intitulée « Etudiants cherchent maîtres de stage en médecine générale ».

A.H.

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Vos réactions (1)

  • Quand la politique rentre dans la salle de soins, la santé sort par la fenêtre !

    Le 04 octobre 2008

    J'ai oublié le nom de la personne qui a dit "gouverner c'est prévoir", force est de constater que les "gens" qui nous gouvernent ne prévoient rien, pas plus dans le domaine de la finance que dans celui de la santé. Comment expliquer en effet que chaque année des centaines d'étudiants en PCEM1 se trouvent recalés avec des 15 de moyenne au concours pendant que l'on emploie dans nos hopitaux des médecins étrangers avec des diplômes extra-européens dont le niveau n'est pas reconnu pour exercer de la médecine libérale ?
    J'aimerais bien comprendre.Pour plagier un célèbre avocat, je dirais "quand la politique rentre dans la salle de soins, la santé sort par la fenêtre!".Et nos hommes (et femmes)politiques, ils se font soigner où ?
    Si l'on rajoute à cela l'évolution de la société, je pense que le maillage médical du territoire est moribond et qu'effectivement nous sommes face à un vrai problème...
    Eric Castelli (Marseille)

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