
Paris, le mardi 11 janvier 2001 – L’un des feuilletons médico-législatif les plus palpitants (en raison du nombre de rebondissement) de cet automne a connu à la fin du mois de décembre un épilogue inattendu. L’opportunité de lancer en France une véritable expérimentation des maisons de naissance, structures destinées à accueillir les femmes enceintes ne présentant aucune pathologie et aucun risque apparent de complication lors de l’accouchement, a été de nouveau évoquée par le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, peu avant son départ de l’Avenue de Ségur. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, antienne législative déjà prometteuse en elle-même de vifs débats, elle n’a pas hésité à relancer une discussion qui en France est depuis plus d’une décennie l’objet de polémiques. Les commentaires des élus face à la proposition du ministre qui semblait favorable à l’ouverture de telles structures en France, ont démontré que la passion ne s’était pas atténuée. C’est ainsi que l’on entendit le député UMP Guy Lefrand s’irriter à la tribune contre « ces maternités bobo » dont il fustigea « l’inutilité financière » et dont il affirma que sur « le plan scientifique, le rapport bénéfices-risques semble particulièrement défavorable ». D’autres s’interrogèrent sur les groupes sectaires qui selon eux poussaient à l’ouverture de ces maisons de naissance en France. A la lueur de ces emportements, l’article autorisant le lancement de l’expérimentation fut au gré de la navette parlementaire supprimé, réintroduit et de nouveau rejeté. Les partisans de ces structures censées répondre au désir croissant des femmes françaises d’un accouchement moins médicalisé semblaient cependant avoir remporté la partie quand la commission mixte paritaire, instance jouissant du dernier mot, réintroduit in extremis l’article si discuté. Pourtant, l’épilogue appartint au Conseil constitutionnel qui dans son avis relatif à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 décida de supprimer l’article du texte final. Les sages expliquèrent cette censure en soulignant l’absence d’effet de l’article en question « sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ».
Sept millions d’euros d’économie par an
D’autres « sages » sont loin de se ranger derrière leur avis. Dans un communiqué publié au lendemain de la décision du Conseil, le Conseil national de l’Ordre des sages femmes (CNOSF) rappelait que « l’étude d’impact détaillée réalisée dans le PLFSS 2011 chiffrait les économies engendrées par seulement cinq structures expérimentales à 350 000 euros par an. Il avait également été estimé qu’après cette expérimentation, 1,5 % des naissances pourraient être réalisées en maison de naissance, ce qui représentait une économie annuelle de sept millions d’euros ». Au-delà de cette précision, les sages femmes ne cachaient pas leur amertume, aiguisée par plusieurs semaines de débats particulièrement âpres les ayant opposé aux gynécologues.
Des obstétriciens très hostiles…
Car, si les sages femmes ont toujours soutenu cette « évolution majeure du modèle périnatal français », qui s’est déjà imposée dans de nombreux pays et qui selon elles permettrait de mieux respecter le choix des parents, les obstétriciens sont pour leur part majoritairement hostiles à de tels changements. Ils manifestèrent ainsi cet automne avec force leur désaccord face au projet soutenu par Roselyne Bachelot. Dans les colonnes du Figaro, le secrétaire général du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) le Docteur Jean Marty allait jusqu’à se déclarer « consterné », tandis que l’Académie de médecine rappelait son hostilité au dispositif. « La sortie immédiatement dans les heures qui suivent la naissance, peut générer des conséquences très graves tant pour la mère (…) que pour l’enfant » soulignaient notamment les Académiciens.
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… et des professionnels de santé plutôt défavorables
Il semble que dans leur majorité, les professionnels de santé partagent plutôt cette défiance vis-à-vis des maisons de naissance. Interrogés sur le JIM du 22 décembre au 4 janvier, 53 % des professionnels de santé se déclarent opposés à l’expérimentation de ce type de structures, tandis que 44 % s’y révèlent plutôt favorables et que 3 % préfèrent ne pas se prononcer (497 lecteurs du Jim ont participé à ce sondage). Sans doute ces derniers s’interrogent-ils sur les modalités de fonctionnement de ces structures, dont le ministre souhaitait qu’elles puissent être directement reliées à un établissement doté d’un plateau technique.
Ce que femme veut
Qu’en est-il des femmes dont on souhaite à travers les maisons de naissance faire le bonheur et qui selon certains souhaiteraient si ardemment accoucher plus « naturellement » ? Les résultats des sondages sur le sujet sont contradictoires. Une enquête dont les conclusions ont été présentées lors des 34èmes journées du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en décembre révélait ainsi que seul un quart des femmes ont entendu parler des maisons de naissance. Ce sondage soulignait également que 81 % des mères et futures mères plébiscitaient l’hôpital ou la clinique pour accoucher, tandis que 95,3 % estimait rassurante la présence du corps médical. Cependant, il y a quelques jours, 49,1 % des jeunes mères interrogées dans le cadre d’un sondage présenté sur quotidien gratuit 20 minutes déclaraient s’être senties délaissées lors de l’accouchement et 25 % affirmaient souhaiter accoucher ailleurs que dans une maternité classique.
Aurélie Haroche