
Paris, le vendredi 4 mars 2011 – Il aura fallu attendre 2007 pour que l’Observatoire national de la délinquance (OND) en France s’intéresse non pas seulement à la violence conjugale touchant les femmes, mais également à celle affectant les hommes. D’autres pays ont eu à cœur de s’intéresser à ce phénomène bien avant la France. Ainsi, au Canada, des statistiques sont régulièrement publiées sur les hommes battus depuis 1999. Début février, le Centre canadien de la statistique juridique rendait ainsi public un nouveau rapport sur la violence familiale affirmant que la proportion d’hommes déclarant avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles au sein de leur couple était pratiquement similaire à celle de femmes (6 % vs 6,4 %). Les agressions sexuelles sont cependant trois fois moins fréquemment déclarées par des hommes. Les premiers chiffres n’étonnent guère Normand Brodeur, professeur à l’Ecole de service social de l’Université Laval et membre de l’équipe Masculinités et Société : « L’image qu’on a de la violence conjugale, c’est qu’elle se déroule dans un seul sens. Pourtant, les données sur ce qu’on appelle la « symétrie » de la violence, elles sont connues depuis des dizaines d’années », analysait-il cité par le quotidien québécois, le Soleil.
Une femme au chevet des hommes
Les données disponibles en France ne montrent pas une telle parité mais révèlent que le phénomène n’est pas totalement marginal. Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 100 000 hommes de 18 à 75 ans auraient été victimes en 2009 d’un acte de violence physique ou sexuelle au sein de leur couple, contre 305 000 femmes. Le phénomène concernerait toutes les classes sociales mais prioritairement les plus jeunes (18/25 ans et les plus âgés (les plus de 50 ans), selon Sylvianne Spitzer, psychologue experte en criminologie, fondatrice de l’association SOS Hommes battus, citée par le site Rue 89. Cette organisation, fondée donc par une femme en 2009 et qui a connu des débuts un peu difficiles (une absence totale de soutien des associations de lutte contre les violences faites aux femmes notamment) recevrait quatre appels ou mails par jour en moyenne. Le phénomène pourrait en outre être sous-estimé, tant le tabou est pesant. « Les hommes ont vingt, voire trente ans de retard par rapport à la prévention faite auprès des femmes. Conséquence : ils ne parlent pas. Ils ne déposent pas plainte. Ils ne viennent pas au groupe de parole » détaille Sylvianne Spitzer.
Violences psychologiques
Si les chiffres français et canadiens diffèrent en ce qui concerne l’appréciation générale du phénomène, ils se rejoignent sur la moindre fréquence de la violence sexuelle à l’encontre des hommes. Sur ce sujet, Sylvianne Spitzer indique que l’on entend derrière violence sexuelle subie par la gent masculine « des contraintes de pratiques non désirées. Mais le phénomène est à priori beaucoup plus rare, et dans ce que j’entends, ce n’est pas ce qui préoccupe le plus les hommes » reconnaît-elle également. D’autres différences notables s’observent entre les agressions perpétrées par les hommes et celles commises par les femmes. « La violence féminine traîne beaucoup plus sur le long terme. Il y a d’abord toute une violence psychologique qui va se mettre en place. Le conjoint va passer par une longue phase de dénigrement, d’insultes, d’humiliations… C’est au bout de quelques années que se manifestent alors les premières agressions physiques » explique la présidente de Sos Hommes battus. On retrouve ici la notion de violence psychologique dont la caractérisation suscite certaines interrogations de la part des magistrats et qui fait l’objet d’un sondage actuellement sur notre site. On remarquera enfin que ce phénomène évoqué aujourd’hui à demi mots en France n’est pas ignoré dans les pays du Maghreb, où la violence conjugale est un enjeu de santé publique majeure et où récemment plusieurs articles ont été consacrés aux violences portées contre les hommes.
Aurélie Haroche