
Paris, le jeudi 12 janvier 2012 – Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux ne s’en cache pas : « La FHF entre en campagne » a-t-il déclaré hier devant un parterre de journalistes à l’heure de présenter sa « plateforme politique ». Diverses propositions sont ainsi détaillées dans ce programme avec pour objectif commun de rénover et défendre le service public de santé tout en rappelant ses missions fondamentales. Cette entreprise passe par la présentation de mesures chocs et volontairement provocatrices, par la refonte de certains principes établis et par le rejet de dispositifs récemment adoptés, le tout constituant un cocktail assez explosif qui fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre.
Les hospitaliers arrivent en ville
Car derrière des discours quelque peu lénifiant sur « la conception du service public de santé que la FHF entend porter », cette dernière n’hésite pas à bousculer un grand nombre de ses partenaires au premier rang desquels les médecins libéraux. La FHF propose en effet que dans les territoires où des difficultés existent, les hôpitaux puissent être chargés de l’organisation de la permanence des soins. En pratique, la FHF propose que lorsque des cabinets ont été fermés dans des zones désertifiées, les hôpitaux puissent les gérer eux-mêmes, soit grâce à des praticiens hospitaliers soit grâce à des médecins généralistes salariés. « On n’a pas le droit de continuer à vivre avec un système qui dans certains cas se dégrade » a fait valoir le secrétaire général de la FHF, Gérard Vincent. Concernant le financement de ce remplacement des libéraux par les hôpitaux, la FHF propose qu’il soit « assuré forfaitairement par un prélèvement sur l’enveloppe de ville ». On s’en doute, une telle proposition n’a pu faire que bondir les représentants des médecins libéraux qui sont nombreux depuis plusieurs années à dénoncer l’ampleur de l’enveloppe hospitalière en dépit de l’augmentation constante de leurs dépenses. « Ce qu’il faut, c’est diminuer l’enveloppe hospitalière et non l’inverse », s’insurge en guise de réponse, Claude Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français CSMF).
Conventionnement à géométrie variable
Mais tel n’est pas l’unique affront de la FHF à ses confrères libéraux. Toujours dans le cadre de la régulation des déserts médicaux, elle propose tout en réaffirmant son attachement au principe de liberté d’installation, que les médecins choisissant d’ouvrir leur cabinet dans une zone dite « excédentaire ne pourront bénéficier, au mieux que d’un conventionnement en secteur 1 ». Une fois encore, la proposition est loin d’avoir fait mouche auprès du président de la CSMF qui dénonce une « ingérence totalement insupportable et incompréhensible ».
Assouplir la tarification à l’activité
Mais les changements attendus par la FHF ne devraient pas seulement concerner la médecine libérale, mais également l’hôpital lui-même. En la matière, les mesures phares proposées par la FHF s’attaquent au nerf de la guerre : le financement. On le sait, la Fédération s’était montrée très favorable à l’instauration d’une tarification à l’activité (T2A). Aujourd’hui encore, elle considère que cette évolution a été bénéfique. Néanmoins, l’installation du système a également permis d’en observer les effets pervers, tels notamment une instabilité du financement des établissements ou encore une tentation inflationniste. Aussi, la FHF considère que désormais la tarification à l’activité « ne peut plus servir de socle principal de financement ». Elle appelle donc à une « évolution de la T2A (…) qui tout en conservant sa logique qui promeut les établissements dynamiques, permet le financement des actions de prévention, de santé publique et soit assise sur les réalités territoriales ».
Dangereuse convergence tarifaire
Dans cette même lignée, la FHF insiste sur la nécessité de rompre avec l’objectif de convergence tarifaire avec les cliniques privés affiché pour 2018. Elle estime qu’elle est une règle « dangereuse pour le service public ». « La moitié du chiffre d’affaires des cliniques est réalisé avec 17 tarifs (…) les plus rentables sur un total de 2300 » a illustré Gérard Vincent avant de conclure : « On ne peut pas comparer, ce qui n’est pas comparable ». Ce jugement devrait très probablement fortement irriter des cliniques qui multiplient les appels à une application plus rapide de la convergence tarifaire et les déclarations de Gérard Vincent assurant que « l’émulation avec les cliniques privées est saine » ne devrait guère suffire à les rasséréner. D’autant plus que la FHF attend que « le financement de l’Assurance maladie des dépenses de santé soit accordé aux établissements assurant des missions de services publics. Et que les établissements privés lucratifs répondant aux exigences de service public définies dans un cahier des charges opposables (…) soient également financés par l’Assurance maladie », une restriction qui très probablement sera l’objet de très nombreux commentaires. Néanmoins, on observe que la FHF est prête à s’appliquer à elle-même les règles qu’elle entend imposer aux autres. Elle rappelle en effet qu’à son sens « l’évaluation de la pertinence des actes est placée au rang de priorité nationale » avec pour objectif de « mieux contrôler le risque inflationniste de production d’actes injustifiés ».
La santé mentale, grande cause nationale
Enfin, la FHF énonce en matière de santé publique les thèmes qui selon elles devraient être érigés au rang de « grandes causes nationales » : le grand âge, le handicap et la santé mentale. Concernant ce dernier sujet, la FHF revient sur les récentes évolutions apportées par la loi réformant l’hospitalisation d’office. A son sens, « Les patients relevant de soins sans consentement doivent être auditionnés par le juge des libertés dans un lieu de soins et non dans un tribunal ». Il s’agit de fait de l’une des grandes critiques formulées à l’égard du texte entré en vigueur cet été.
Aurélie Haroche