Paris, le mercredi 11 décembre 2013 – L’épidémie de rougeole qui sévit en France depuis 2008, qui a touché plus de 23 000 personnes en tuant dix d’entre elles, a mis en lumière les failles importantes de la couverture vaccinale par le ROR. Depuis, plusieurs enquêtes ont confirmé l’insuffisante immunisation des jeunes Français. La dernière en date a été publiée hier par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. L’étude conduite par Agnès Lepoutre (Institut national de veille sanitaire, Invs) a inclus en 2008 et 2009, 1617 enfants âgés de 1 à 6 ans sélectionnés par le biais de 76 hôpitaux et en 2009 et 2010, 5 300 personnes de 6 à 49 ans « recrutées » dans 124 laboratoires.
Les plus de 30 ans exposés aux vrais virus
D’une manière globale, la proportion de sujets de moins de 30 ans « réceptifs » vis-à-vis de la rougeole, les oreillons et la rubéole avoisine les 7 %, soit un taux permettant la survenue d’épidémies. Les plus hauts taux de séronégativité sont retrouvés chez les moins de six ans et concernent d’abord les oreillons (15 %) (ce qui s’explique en grande partie et ce à tout âge par « l’efficacité moindre de la valence oreillons du vaccin trivalent »), la rubéole (11 %) et la rougeole (10 %). Chez les sujets de 6 à 29 ans, 8 % sont réceptifs à la rougeole et à la rubéole et 14 % aux oreillons. Les personnes de plus de 29 ans présentent à contrario une bonne immunisation, avec seulement 1 % de sujets séronégatifs pour la rougeole, 6 % pour les oreillons et 5 % pour la rubéole. La différence nette entre les générations s’explique par le fait que les populations nées avant 1980 ont été exposées « à l’intense circulation des virus à l’ère pré-vaccinale, alors que ceux nés à l’ère vaccinale ont été soumis à une moindre exposition au virus, tout en étant insuffisamment vaccinés » analysent Agnès Lepoutre et coll.
Pas de différences sociales
Outre cette différence générationnelle, l’étude met en évidence quelques autres particularités. Ainsi, la séronégativité des femmes de 20 à 29 ans vis-à-vis de la rougeole et de la rubéole est moins fréquente (6,3 % et 4,3 %) que chez les hommes (11,2 % et 12,9 %). Les auteurs lisent dans ces résultats le bon respect des recommandations vaccinales adressées aux femmes en âge de procréer. On retrouve a contrario peu de disparités régionales à l’exception d’une séronégativité plus fréquente vis-à-vis des oreillons dans le sud de la France. Il n’existe enfin pas de spécificités en fonction du pays de naissances des sujets, de leur niveau d’étude ou de leur catégorie socioprofessionnelle.
Vaccinations obligatoires vs vaccinations recommandées : l’éternel débat
La trop faible immunisation des jeunes Français, qui a permis l’épidémie de rougeole actuelle qui a connu son pic en 2011, a été on le sait à l’origine de campagne de vaccination de rattrapage. Par ailleurs, depuis, plusieurs rapports ont été publiés s’interrogeant sur les solutions à adopter pour renforcer l’adhésion des Français à la vaccination. Dans ce cadre, diverses propositions sur l’opportunité de rendre le ROR obligatoire ont été avancées. C’était par exemple la position de l’Académie de pharmacie en 2011 ou un an plus tard d’un groupe d’étude de l’Assemblée nationale, tandis qu’interrogés sur le JIM, près des trois quart des professionnels de santé se déclaraient favorables à une telle évolution. Pourtant, à contre courant, le Comité technique des vaccinations (CTV) du Haut conseil de la santé publique (HCSP) n’a non seulement pas retenu une telle idée mais estime au contraire dans un avis récent que l’obligation devrait être repensée. Sans prendre position de façon tranchée, il s’interroge néanmoins sur l’efficacité de la contrainte en santé publique. Le risque d’une chute de la couverture vaccinale n’est cependant pas à négliger, dans un pays où, le ROR en est une preuve parfaite, la notion de recommandation incite parfois à considérer la vaccination comme « facultative ». L’absence de différences entre des vaccins « obligatoires » et des vaccins recommandés permettra-t-elle de rehausser la force des recommandations ? Ou au contraire entraînera-t-elle les anciennes vaccinations obligatoires dans le sillage des autres ? Ces interrogations mériteront d’être très précisément étudiées avant de prendre une décision en la matière.
Aurélie Haroche