
San Francisco, le lundi 13 août 2018 - Un tribunal de San Francisco a condamné la firme Monsanto, récemment acquise par les laboratoires Bayer, à payer 290 millions de dollars à un jardinier américain de 46 ans qui argue que le Roundup, dont la substance active est le glyphosate, est à l’origine du lymphome non hodgkinien dont il est atteint depuis 2014.
Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec « malveillance » en n’informant pas ses utilisateurs des dangers encourus et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avait « considérablement » contribué à la maladie du demandeur. Le géant de l’industrie chimique a fait appel de cette décision.
Des avis plus que partagés !
Le glyphosate est sur la sellette depuis qu’en mars 2015, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un organisme dépendant de l’OMS, l’a classé comme « agent probablement cancérogène pour l'homme ». Cette décision se fondait sur des études épidémiologiques de type cas-témoins rapportant un excès de lymphome non-hodgkinien lors d’expositions professionnelles à des herbicides à base de glyphosate. Mais, comme le reconnait le CIRC, il s’agit de preuves limitées car cet excès de lymphome non-hodgkinien n’a pas été confirmé par les observations de l’« Agricultural Health Study », une étude de cohorte prospective menée aux USA sur plus de 50 000 agriculteurs.
Ces travaux, n’ont ainsi pas retrouvé d’association entre durée
d’exposition pondérée par l’intensité de l’exposition au glyphosate
et risque total de cancer, ni avec un cancer d’un site particulier
(ORL, colo-rectal, pancréas, poumon, mélanome, prostate, testicule,
vessie, rein), ni avec le risque de cancers hématopoïétiques, ni
avec le risque d'un type particulier de lymphome ou de
myélome.
Bien que non statistiquement significatif, les auteurs ont
néanmoins constaté un risque augmenté de leucémie aiguë myéloïde
parmi les sujets ayant la plus importante durée-intensité
d’exposition comparativement à ceux n’ayant jamais utilisé de
glyphosate.
Aussi, depuis la publication de l’avis du CIRC, pratiquement toutes les agences de sécurité sanitaire dans le monde ont pris le contrepied en déclarant le glyphosate « cancérogène improbable pour l’homme ».
Reste que cette polémique, impossible à trancher à l’heure actuelle, a permis à Bayer de souligner que « l'arrêt de la Cour contredit les conclusions » de centaines d’études scientifiques.
Le début de la guerre contre les pesticides ?
Le ministre de la transition écologique Nicolas Hulot a réagi samedi en annonçant le « début d'une guerre » contre les pesticides.
Pour lui, il n’est pas nécessaire de faire « la démonstration absolue » du danger de ces produits pour les bannir et, faisant fi des nombreuses réticences existantes, il a réaffirmé la volonté gouvernementale de faire voter une loi pour interdire l'herbicide controversé dès 2021, alors que l’Union européenne l’a autorisé, en 2018, pour cinq ans supplémentaires.
Comme on l’a vu en France avec le vaccin anti-hépatite B et la sclérose en plaques : sentence judiciaire ne veut pas toujours dire réalité scientifique et victoire de la raison…
Frédéric Haroche