
Des soutiens actifs, une défense combative
Face à ces accusations et sanctions, Pierre-Michel Roux s’est toujours montré combatif. Au moment de la publication du rapport de l’ARS, il s’indignait : « Refuser d’opérer [certains] malades aurait en effet amélioré les statistiques (…). Mais nous avons fait le choix d’opérer des patients et non des statistiques ». Puis, au moment du choix du CNG, il réprouvait : « La décision du CNG montre que plus aucun médecin de France ne peut prendre une décision thérapeutique, même en urgence, sans l’avis de l’administration ». Le praticien a par ailleurs été rapidement soutenu par de nombreux anciens patients et une partie de ses collègues. L’association Metz a du cœur constituée par un malade opéré par le docteur Roux, Hubert de Chevigny compte ainsi 650 adhérents, tandis que le Comité de défense au Docteur Roux, présidé par le docteur Michel Boursier cardiologue et praticien hospitalier compte 280 membres professionnels de santé. « Dans cette histoire nous sommes en présence d’un dérapage administratif » a toujours défendu le docteur Michel Boursier, cité récemment sur le site La Semaine.fr.Sanction disproportionnée
Très vite, la lourdeur de la sanction a semblé susciter quelques doutes. Outre l’absence de cohésion entre la décision de la direction du CNG et les recommandations du conseil de discipline (qui avait plaidé pour une mutation) le refus du Conseil de l’Ordre de Moselle d’entamer une procédure disciplinaire contre le praticien a sonné comme un indice supplémentaire d’un désaccord avec les sanctions prises. Cependant, pour faire reconnaître cette appréciation, le docteur Roux a dû franchir de nombreuses étapes judiciaires. Après une confirmation de la décision du CNG par le tribunal administratif en première instance, la Cour administrative d’appel de Nancy a annulé la révocation fin 2014. Mais le Conseil d’État a, au début de l’année 2017, invalidé la décision de la cour administrative de Nancy en raison d’un vice de procédure. Le retour devant la cour administrative d’appel de Nancy permet enfin au praticien d’obtenir définitivement gain de cause. Les magistrats ont en effet considéré que les manquements réels existant dans la gestion de l’activité de chirurgie cardiaque de l’hôpital de Metz ne justifiaient cependant pas « la sanction de la révocation qui, en l’espèce, était disproportionnée ».Les juges ont pris acte des données contradictoires présentées par le praticien, relativisant les chiffres catastrophiques de mortalité du service. La cour d’appel a également considéré que l’administration n’avait pas pu apporter la preuve d’un « comportement fautif » et notamment la réalisation de « nombreuses interventions comportant une proportion importante de gestes opératoires complexes et longs ». De même, l’administration n’a pas pu démontrer que le praticien avait réellement méconnu la capacité du centre hospitalier et les conditions de prise en charge du service de réanimation. Cependant, les griefs concernant l’absence de prise « en compte [des] avantages, inconvénients et conséquences des opérations qu’il proposait à ses patients, y compris pour des patients à haut risque du fait de leur âge élevé et des pathologies associées qu’ils présentaient, sans examiner toutes les alternatives thérapeutiques » sont apparus justifiés. Ils pouvaient légitimer une sanction, mais sans doute pas celle prise. C’est une victoire pour le praticien, mais probablement, une victoire bien tardive ; ce qui interroge une nouvelle fois sur la lenteur coupable de la justice et sur les mécanismes de décision du CNG.
Aurélie Haroche