
La Commission européenne avait initialement défendu un projet visant à accorder un renouvellement pour dix ans. Mais cette proposition a été rejetée par plusieurs états et a été fortement critiquée par le Parlement européen. Aussi, la Commission a-t-elle dû revoir sa copie et défendait hier à huis clos une autorisation pour cinq ans. Nouvel échec. Aucune majorité qualifiée n’a été obtenue.
Abstention de l’Allemagne
Une majorité de pays (14) ont pourtant appuyé la proposition. Mais ils n’abritent que 37 % de la population européenne, quand la Commission doit réunir 55 % des états représentant 65 % des Européens. Le refus de la France de s’aligner sur le choix de la Commission a été déterminant. Alors que certains pays, dont la Belgique et le Luxembourg, avaient déjà annoncé leur objection, plusieurs états ont été encouragés par l’exemple de la France. Au total, neuf ont opposé leur véto et cinq se sont abstenus. Parmi eux, l’incontournable Allemagne. Les difficultés d’Angela Merkel pour constituer un nouveau gouvernement et ses négociations avec les Verts ont dicté cette position prudente. Désormais, la Commission européenne doit, en appel, soumettre à nouveau le même projet aux états le 28 ou le 29 novembre. En dehors d'une exceptionnelle acceptation (ce qui signifierait l’adhésion de l’Allemagne et le revirement de quelques autres pays), deux issues sont possibles : soit l’absence de majorité qualifiée qui permettrait à la Commission européenne une nouvelle autorisation unilatérale provisoire, soit un rejet à la majorité qualifiée de la proposition qui empêcherait au glyphosate d’obtenir une nouvelle licence.La SNCF livrée aux herbes folles
Cette voie n’est sans doute pas souhaitée par une grande partie de ceux qui hier ont rejeté le texte de la Commission européenne. Une interdiction brutale du glyphosate représenterait en effet une impasse pour un grand nombre d’agriculteurs qu’aucun état membre ne veut se risquer à favoriser. Depuis plusieurs semaines en effet, les manifestations de paysans se sont multipliées pour dénoncer l’absence d’alternative et relativiser la toxicité du glyphosate (qui pourtant pourrait être d’abord néfaste pour les agriculteurs, bien avant de représenter un risque réel pour les consommateurs).Les cultivateurs ne sont par ailleurs pas les seuls à s’inquiéter de la disparition de l’herbicide : en France, la SNCF, qui en est le premier consommateur, redoute une telle mesure. Aussi, plutôt qu’un abandon immédiat du glyphosate, les états qui ont entamé un bras de fer avec la Commission européenne attendent l’adoption d’un plan de sortie. Or, les propositions successives de Bruxelles ne visaient pas un tel objectif, qui pour plusieurs états dont la France et pour le Parlement européen, s’impose. « L’enjeu n’est pas de statuer sur trois, cinq ou dix ans de renouvellement mais bien de recentrer le débat sur la nécessité d’une proposition allant vers une interdiction progressive, accompagnée de mesures restrictives » résume Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Geenpeace France, citée par Libération. Affaire encore et toujours à suivre.
Aurélie Haroche