
Paris, le mardi 11 juillet 2017 – La semaine dernière n’était-elle qu’un songe ? Plusieurs des annonces faites du 3 au 7 juillet par le gouvernement (notamment en matière fiscale) semblent les unes après les autres démenties. Ou faut-il seulement y lire quelques explications de texte après des emballements précipités ? Dans deux interviews, d’abord au Quotidien du médecin puis à RTL, le ministre de la Santé, Agnès Buzyn s’exprimait sur le tiers payant. Rappelant son hostilité aux obligations, le ministre faisait sienne la formule d’Emmanuel Macron pendant sa campagne en indiquant vouloir rendre le dispositif « généralisable » et non « généralisé ». Pour beaucoup, ces déclarations signaient la victoire. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) s’empressa de saluer : « Nous remercions la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, d’avoir entendu l’opposition ferme et résolue des médecins libéraux à un tiers payant généralisé pour tous et pour tout ».
Un impératif
Cependant, tout au long du week-end, Agnès Buzin s’est employée à corriger des interprétations qu'elle devait juger un peu trop rapides. Après plusieurs messages sur Twitter pour rappeler son attachement au principe du tiers payant, Agnès Buzyn a déclaré avec plus de fermeté ce matin sur France Inter. « Il sera généralisé, c’est vraiment une question d’équité et d’accès aux soins puisque beaucoup de Français renoncent à aller se faire soigner parce qu’ils ne veulent pas avancer l’argent chez un médecin, c’est donc impératif d’aller vers un tiers payant généralisé » a-t-elle défendu. Faut-il voir ici un revirement ?
Que veut dire au juste "généralisé" ?
L’ambiguïté tient sans doute dans ce terme de "généralisé", qui puisqu’il a été tellement opposé à "généralisable" dans les déclarations d’Emmanuel Macron sonnait comme "obligatoire". Pourtant, l’idée de contraindre les médecins apparaît absente du projet d’Agnès Buzyn qui a confirmé ce matin : « Aujourd’hui nous regardons la mise en œuvre de ce tiers payant qui pose des problèmes techniques et nous souhaitons que des médecins trouvent une facilité dans ce tiers payant, pas une difficulté supplémentaire, nous avons besoin de leur donner du temps médical, plutôt que du temps administratif ». Ainsi, tout en défendant la nécessité du tiers payant, Agnès Buzyn continue, en même temps, à croire en une possible adhésion des praticiens, dans un esprit assez proche de celui qui l’animait déjà la semaine dernière où elle indiquait vouloir « éviter l’obligation de tiers payant généralisé ».
Un calendrier imprécis ?
Le second point délicat concerne le calendrier. Lors de son interview à RTL, le repoussement du tiers payant obligatoire (sur la part Sécurité sociale) qui devait être effectif à partir du 1er décembre apparaissait comme une conséquence inévitable des propos du ministre de la Santé, et cette dernière avait d’ailleurs d’un sourire acquiescé aux constatations sur ce point de la journaliste Elisabeth Martichoux. Néanmoins, le ministre avait également souligné dans le Quotidien du médecin que les décisions concernant le tempo à adopter seraient prises en septembre.
Aujourd’hui encore, elle indique attendre la rentrée pour agir. On notera cependant qu’il est probable que ce qu’Agnès Buzyn décrit tout de même dans Libération comme une « mise à plat » prendra un peu plus que ces quelques mois.
Déception probable des syndicats
Qu’il s’agisse d’un revirement ou d’une explication de texte légèrement inquiète, il est probable que les syndicats ne cachent pas leur déception, tant tous espéraient que les déclarations du ministre de la semaine dernière aient signé l’enterrement du tiers payant.
Que ces atermoiements soient le signe d'une adaptation trop poussée aux attentes des auditeurs (le discours paraît en effet varier en fonction des orientations du média choisi), de l’indécision ministérielle ou de divergences de vue au sein du gouvernement (le Premier ministre ne devant pas être un partisan farouche du tiers payant) une prise de position claire et définitive du ministère tant sur les principes que sur le calendrier s'impose à l'évidence, à la fois pour les professionnels de santé et pour les patients.
A suivre, encore !
Aurélie Haroche