Si plusieurs médicaments ont fait plus ou moins récemment la Une du fait de leurs effets secondaires…il ne faudrait pas pour autant oublier qu’il existe aussi dans la nature des produits doués d’une action sur l’organisme et qui pour être « naturels » justement, n’en sont pas moins dangereux. L’histoire qui nous est comptée ce jour par une équipe américaine est là pour nous le rappeler.
Une femme de 43 ans a été vue à deux reprises aux urgences d’un hôpital pour une perte de connaissance avec quelques mouvements cloniques. Par chance pour elle, elle a présenté un nouvel épisode à l’hôpital ce qui a conduit d’une part à l’intuber, d’autre part à pratiquer un électrocardiogramme. Sur ce dernier, la fréquence cardiaque était de 68 par minute et le QTcB de 720 ms. On rappellera qu’un QTc > 500 ms est considéré comme significativement allongé et met le patient concerné à risque de présenter des torsades de pointe. Face à cette constatation, la malade a bénéficié d’un bilan biologique complet ainsi que d’une recherche toxicologique qui sont revenus négatifs. Le QT à la sortie était de 440 ms donc normalisé, l’allongement du QT n’étant par conséquent a priori pas d’origine génétique mais acquise.
L’histoire ne s’arrête pas là. Trois mois plus tard, elle présente à nouveau des symptômes identiques. Le QT est à nouveau allongé (645 ms) et cette fois-ci l’électrocardiogramme révèle la présence des torsades de pointe qui avaient déjà été suspectées comme responsables des syncopes lors du premier épisode. Les explorations biologiques étaient encore une fois normales y compris les tests génétiques à la recherche d’un syndrome du QT long. La patiente a donc subi un interrogatoire poussé qui a révélé que depuis six mois elle consommait 70 cl de caféine et surtout 4 litres de panax ginseng coréen par jour. Après arrêt de la consommation de ginseng tout est rentré dans l’ordre.
Dans cette observation, les médecins reconnaissent leur erreur initiale à savoir de ne pas avoir prêté assez attention au QT long, ce qui a conduit à laisser la patiente exposée à un risque d’arrêt cardiaque. En ce qui concerne l’origine de la prolongation de la repolarisation, des études expérimentales et notamment animales ont montré que le ginseng était susceptible de majorer cette dernière. Chez l’homme, 250 mg de la substance augmente le QTc de 15 ms, majoration statistique mais non significative sur un plan clinique, heureusement pour les consommateurs de cette substance à petite dose. Les plantes ne sont donc pas aussi innocentes que ce que beaucoup de patients voudraient bien penser.
Dr Benoît Tyl