Paris, le jeudi 18 avril 2013 – La France a demandé à l’Agence européenne du médicament (EMA) de procéder à une réévaluation du bénéfice/risque des pilules contraceptives de troisième et quatrième génération. Il s'agissait notamment de déterminer si des changements d’indications étaient nécessaires face au risque accru d’accidents thrombo-emboliques. Après avoir initialement fait part de son refus de répondre à une telle requête, l’EMA l’a finalement accepté en application d’une nouvelle procédure récemment mise en place pour améliorer la sécurité des produits de santé.
Vingt-cinq étrangers et un Français
Comme le suggère le premier mouvement de l’EMA, les experts européens ne paraissent pas partager l’inquiétude des autorités françaises concernant les pilules contraceptives. Cette position ne s’arrête pas uniquement aux responsables sanitaires, mais également aux praticiens spécialistes. Ainsi, le Journal of Family planning and reproductive health vient-il de publier la tribune de vingt-six gynécologues exerçant dans plusieurs pays d’Europe (de la Belgique au Portugal en passant par la Suisse ou l’Allemagne) et aux Etats-Unis qui se montrent assez sévères vis-à-vis de la réaction des autorités françaises sur ce dossier. Un médecin français, le docteur David Serfaty auteur entre autres d’un ouvrage sur l’avenir de la contraception, s’est associé à ses confrères étrangers pour signer ce texte.
Mieux vaut prendre la pilule que de faire le tour de France !
Intitulé « Une nouvelle panique à la pilule ? Comment en sommes nous arrivés là et comment y faire face » cette tribune considère que le climat émotionnel et passionnel (voire « idéologique ») qui s’est installé en France rend très difficile l’exercice de toute « pensée critique » et « censée ». Or rappelle-t-il, les données disponibles sur le risque thrombo-embolique associé aux pilules de troisième et quatrième génération sont « incomplètes ou controversés ». En tout état de cause, notent-ils : « Le risque de mort par un accident thrombo-embolique veineux est faible (…) inférieur au risque associé à des activités courantes comme le cyclisme » observent-ils. Ils insistent par ailleurs sur le fait que de « nombreux facteurs peuvent augmenter le risque d’AVC ce qui rend difficile les études épidémiologiques et ce qui peut expliquer les résultats contradictoires ». Dès lors, estiment-ils que plutôt qu’une réaction épidermique, les femmes ont besoin d’un suivi attentif reposant sur la prise en considération au cas par cas de leurs facteurs de risque et qui permette une évaluation pour chacune d’elles du bénéfice/risque de la prescription. A contrario, la position française a entraîné une crise au « détriment de tous, et notamment des femmes » concluent les auteurs.
La voix de l’étranger
Voilà une analyse qui confortera la majorité des professionnels de santé Français qui sur le site JIM ont été 85 % à considérer que la réaction du ministère dans « l’affaire » des pilules de troisième génération avait été disproportionnée. Cette position de ces praticiens étrangers va également dans le sens des commentaires de plusieurs gynécologues français, dont les professeurs Israël Nisand et le docteur Brigitte Letombe qui ont durement regretté le manque de discernement des autorités sur ce dossier. Autant de contestations qui n’ont été nullement prises en compte par les autorités.
Reste à savoir si cet appel venu d’ailleurs aura plus de succès.
Aurélie Haroche