
What's up doc : François Braun et Agnès Firmin le Bodo ont invité les sept ordres des professions de santé à formuler des propositions pour répondre au problème des déserts médicaux, quelles sont celles des infirmiers ?
Albane Cousin
Albane Cousin
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Élevons un peu ce débat qui oppose. Dans l'article on lit : " Nous ne sommes pas en train de déshabiller l’un pour habiller l’autre. Nous sommes dans une offre complémentaire pour des patients qui ne sont pas pris en charge."
Pourquoi pas ?
Mais " l'offre complémentaire " est un terme très ambigu. Même très compétente l'offre infirmière n'est pas celle du médecin. Tout(e) infirmièr(e) tant soit peu honnête le sait.
Revenons au sujet principal : le patient. Sa prise en charge ne relève du monopole ni du médecin, ni de l'infirmier mais d'une prise en charge globale par le plus compétent. Hors, compte tenu du niveau de formation ça reste de celle du médecin. Essentiellement dans le domaine du diagnostic et du traitement (qui ne peut pas être prescrit sans diagnostic).
La proposition: " À ce jour, nous pourrions adapter les posologies, renouveler des ordonnances " n'est pas du domaine infirmier, c'est même méconnaître totalement le b.a. ba de l'acte médical. Un médecin ne renouvelle pas une ordonnance ou ne modifie pas une posologie sans avoir revu ou conforté ou corrigé son diagnostic.
Ce n'est pas du corporatisme, c'est une question de reconnaissance honnête du rôle de chacun et de sa réelle compétence.
La prise en charge infirmière, " l'offre complémentaire ", est toute aussi indispensable mais pas du même niveau et nécessite d' être bien précisée. Chacun doit connaître ses limites, dans le respect de l'autre... et l'intérêt du patient.
Dr C Salmon
Bonjour,
Je n’arrive pas à comprendre que l’on soit encore à ce niveau d’incompréhension de compétences infirmiers ! La coordination nous la faisons déjà avec les médecins mais en libéral aucune reconnaissance pécuniaire.
Les IPA font un nouveau métier mais les médecins sont contre et il me semble que beaucoup de prise en charge sont déjà par les infirmiers de terrain avec compétences ; alors nous obliger à partir pour 2 ans voire 3 en fac est contre productif sans avoir fait un état des lieux sur ce qui est déjà fait en ville (présence en cabinet pour orienter les patients, prise en charge des plaies avec DU non reconnu alors qu’au quotidien les MG nous contactent pour savoir quoi mettre sur les plaies ! Formation éducation thérapeutique non reconnue et réseau ETP fermés !).
Bref reconnaître déjà ce qui est fait par les infirmiers de terrain serait moins coûteux et motiverait les IDE !
M-C Milhau, IDE
C’est vrai qu’ils sont devenus nombreux dans les villes et surtout les villages, les infirmiers ! Ils ont quitté l’hôpital, son salaire médiocre et ses contraintes insupportables : réduction de lits et d’infirmiers, transfert inopiné dans un autre service ou le manque est plus criant, rappel de congé sans arrêt car d’autres sont malades ou en burn-out, destruction des équipes qui font la qualité et la fierté des personnels soignants, et paperasserie chronophage auprès du nouveau chef qu’est l’ordinateur.
Dans un cabinet souvent à plusieurs, ils organisent leur travail, retrouvent des congés et s’arrangent pour les horaires. Bien que la plupart travaillent beaucoup, on ne parle pas des horaires, mais au moins ils ont l’impression de faire un travail utile et y retrouvent le sourire.
Dr A Wilk
Tout à fait d’accord avec les 2 intervenants précédents. Avec MC Milhau car ce serait juste « normal » de reconnaître mon diplôme IDE déjà, et mon ancienneté de 25 ans dans mon métier qui me donne je pense « la » compétence de mon travail… je me forme tous les ans, je ne vis pas dans ma grotte, je travaille tous les jours en collaboration avec d’autres pro de santé… et je n’ai pas besoin d’être IPA pour ça. Egalement d’accord avec Dr Salmon pour qui ce glissement de taches ne nous appartient pas. Moi je n’ai pas fait médecine, alors renouveler des ordonnances non merci, maintenant, comme toute IDE avec un peu de bouteille, je rattrape des oublis et je pense à des choses pour le patient que je connais davantage auxquelles lui n’avait pas pensé. Et là j’aimerais que le médecin m’écoute. C’est souvent ce qu’il manque à la nouvelle génération de médecins d’aujourd’hui… la collaboration- coordination avec l’IDE. Le nouveau médecin d’aujourd’hui, nouvelle génération, prend son mercredi, tout son week-end, reste injoignable si problème, total nos patients finissent aux urgences dès qu’ils pètent de travers, et sont mal orientés aux urgences parce qu’il n’y a pas de coordination, suffisamment de médecins seniors, pour bien les orienter.
J’aimerais par ailleurs savoir ce que Dr Salmon pense des nouvelles missions qui doivent être accordées aux officine : dépistage, frottis du col de l’utérus, prescription de première intention de pilule contraceptive, prise en charge des cystites et des angines (déjà proposé par un certain nombre de pharmacies)…, ils sont formés pour tout ça eux ?
Christelle B., IDEL à Metz
D'accord avec les commentaires précédents. Ce terme d'"offre complémentaire" là où il n'y a pas de médecin me choque. Je ne suis pas un distributeur "d'offre de soins". Toute cette stratégie de calibration problème => action => résultat => évaluation nous réduit à devenir des distributeurs de soins pour répondre à la demande aux besoins, y compris à palier le manque de médecins.
Idem, je n'ai pas fait médecine et renouveler les prescriptions ne m'intéresse pas, ce n'est pas simplement un acte administratif mais le résultat d'une évaluation médicale.
Quant à l'absence d'IDE qui n'existe pas parce que nous sommes 650 000 : dans quel monde vit ce monsieur ? Pas au courant des lits fermés faute de personnel IDE ? Des difficultés de recrutement ? Actuellement les retours que nous avons sont que les IFSI depuis 2020 ne font plus le plein et que des étudiants ne vont pas au bout de leur formation. Donner le nombre d'entrants en IFSI pourquoi pas, mais il faudrait aussi donner le nombre de sortants diplômés. Ensuite combien d'IDE sont réellement en poste ? Combien d'IDE ont jeté l'éponge au bout de quelques années de travail ?
"Les infirmiers sont plus regardants sur leurs conditions de travail", c'est une blague ? Quand il manque 1/4 ou la moitié du personnel, que le travail ne peut pas être fait correctement, ou que finalement il n'y a plus de candidature pour les postes de nuit et que l'on passe tout le monde en 12h jour/nuit, c'est être plus regardant ? Encore un qui plane...
C Bouillot, IDE
Pas de remarque sur l'entretien avec Mr P Chamboredon : inutile de demander au pape si il croit dans le petit Jésus.
Indiquer en introduction que "les déserts médicaux concernent entre 7 et 15 millions de Français" rappelle que la louche et l'approximation sont reines sur un sujet pourtant considéré comme majeur.
Parole de vieux couple IDE hospitalière (57 ans) et PH (62ans), temps pleins depuis toujours et sans la moindre activité libérale. Atypie (?) assurée : candidature au rang A (IDE), très urbains et vaccinés en plus ! Les deux ont suivis de près l'évolution des IFSI ces 30 dernières années, le contraste entre la suppression du concours d'entrée et l' "universitarisation" potentielle offerte par les pratiques avancées. Un souvenir des n opportunités offertes, acceptées ou non, de DU (IDE).
Loin des nostalgies, querelles corporatistes ou luttes des classes revisitées, il suffit à chacun de s'enquérir des formations des uns et des autres, médecins généralistes, spécialistes, IDE, pharmaciens, sages-femmes (non inclusif désolé) pour frémir face à la délégation de taches adaptatives plombant le système en mode dispensaire.
La rémunération n'est pas tout, c'est exact. Patient mais aussi confort de vie, besoin de reconnaissance nombriliste très égocentré sont un point commun à l'ensemble des corporations évoquées. Le prix à payer pour les frustrations effectives ou ressenties des n dernières années.
Sociétal autant que professionnel et pas si près du patient en définitive.
Dr JP Bonnet PH
Chacun voit midi à sa porte.
Travail* longitudinal rétrospectif mené dans 3 hôpitaux londoniens en 2017, 53 services « aigus » (intégrer les différences d’exercice infirmier anglais par rapports aux nôtres, la régionalisation).
L’issue analysée porte sur la mortalité pendant le séjour, un paramètre que l’on pouvait imaginer historique et d’analyse statistique difficile** par rapport à la morbidité .
• Quantitatif : effectif infirmier et mortalité, une influence ? (Oui)
• Qualitatif : infirmier(e) sénior vs moins qualifié(e) sur le poste, une influence ? (Oui)
• Quantitatif et qualitatif : effectif non-médical non-infirmier, une influence ? (Non)
Réponses, détails et chiffres dans ce travail UK*.
* Zaranko B et coll. Nurse staffing and inpatient mortality in the English National Health Service: a retrospective longitudinal study. BMJ Qual Saf. 2022 Sep 27:bmjqs-2022-015291 . doi: 10.1136/bmjqs-2022-015291
**Dimick JB et coll . Surgical mortality as an indicator of hospital quality: the problem with small sample size. JAMA. 2004 Aug 18;292(7):847-51. doi: 10.1001/jama.292.7.847
Dr JP Bonnet
Je me pose la même question que Christelle B, IDEL à Metz à propos des nouvelles missions qui doivent être accordées aux officines pharmaceutiques : dépistage, frottis du col de l'utérus, prescription de pilule contraceptive, prise en charge des cystites et des angines... Ils sont formés pour ça, ces pharmacien(ne)s ?
Un cas isolé ne prouve rien mais peut être révélateur. J'ai connu une pharmacienne qui fumait +++. Quand vers 60 ans elle a commencé à faire des "cystites" à répétition, sans même prendre la peine de faire elle-même un examen par tigette ou de faire faire un examen des urines au labo, elle s'est "soignée" pendant des mois avec de la Furadantine, puis des antibiotiques. L'apparition d'hématuries répétées l'a finalement poussée à consulter un urologue. Il était trop tard, elle avait un cancer vésical très évolué et elle en est morte en quelques mois...
Dr Camille Willem