Paris, le mercredi 8 mars 2023 – Un journal britannique a publié des milliers de conversations privées entre Boris Johnson et Matt Hancock, ancien ministre de la Santé, révélant la manière parfois très politique de gérer la pandémie outre-Manche.
Les « Lockdown files » : c’est ainsi que le « Daily Telegraph », le quotidien britannique à l’origine de ces fuites, les a nommées. Il s’agit de milliers de messages WhatsApp échangés notamment entre Boris Johnson, ex-Premier ministre conservateur, et les membres de son gouvernement, à commencer par Matt Hancock, ministre de la Santé jusqu’en juin 2021.
Une fuite de plus de 100 000 messages
C'est la journaliste Isabel Oakeshott, du « Sunday Times », qui est à l'origine de ces révélations. Pour la rédaction de ses mémoires sur la pandémie, Matt Hancock lui avait confié pas moins de 100 000 conversations WhatsApp privées, à la condition qu'elle respecte un accord de confidentialité. Celle-ci a néanmoins décidé de tout transmettre au Daily Telegraph, qui a ensuite publié les éléments les plus intéressants. « L’enquête publique ne rendra pas ses conclusions avant une décennie ou plus. Nous pourrions avoir une nouvelle pandémie le mois prochain, l’année prochaine. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre dix ans pour avoir ces réponses », explique Isabel Oakeshott.
Ces conversations révèlent de nombreux éléments particulièrement troublants sur la gestion de la pandémie outre-Manche, et montrent que le gouvernement britannique a parfois été plus animé par des considérations politiques que sanitaires ou médicales.
Des motivations qui interrogent
L’élément le plus compromettant pour l’ancien ministre de la Santé Matt Hancock est sans doute son refus de tester systématiquement les entrées en maison de retraite — une décision qui a provoqué la diffusion importante du Covid-19 chez les personnes âgées, et qui est responsable de la haute mortalité qu’a connue le Royaume-Uni au début de la pandémie. L’ancien ministre de la Santé a également négocié assez brutalement avec un député conservateur pour que celui-ci montre son soutien en faveur de nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie. Matt Hancock a même menacé de bloquer le financement d’un centre pour enfants handicapés afin de forcer la main au député en question.
De même, ces « Lockdown Files » révèlent que le gouvernement anglais a décidé d’imposer le masque dans les couloirs des collèges et des lycées uniquement pour éviter une controverse avec le gouvernement écossais. Boris Johnson aurait également proposé à Chris Whitty, conseiller médical en chef pour le Royaume-Uni, de confiner seulement les plus de 65 ans après avoir lu un article de presse sur le sujet.
« Quand est-ce qu’on déploie le nouveau variant ? »
Enfin, ces conversations montrent comment le gouvernement britannique a tenté, de façon assez cynique, de jouer sur les peurs. « Quand est-ce qu’on déploie le nouveau variant ? », s’interroge Matt Hancock dans une conversation avec son conseiller média, Damon Poole. Le ministre de la Santé semble avoir voulu profiter de la souche Alpha du Covid — qui venait à l’époque d’être découverte — pour sa propre communication politique.
Matt Hancock est un habitué des faits, même s’il a plutôt utilisé ces techniques de communication pour que la population adopte et respecte les gestes barrières. En 2020, il avait ainsi affirmé que les médias devraient s’intéresser davantage à une étude publiée par l’université de Cambridge démontrant un taux de transmission élevé en Grande-Bretagne.
Ces révélations interrogent évidemment de nouveau sur la gestion de la pandémie au Royaume-Uni, qui a déjà été énormément critiquée ce qui a entraîné notamment la démission de Boris Johnson. La commission d’enquête publique, qui a débuté ses travaux au printemps 2022, n’est pourtant pas prête de rendre ses résultats, même si certains appellent déjà ses membres à tout faire pour qu'ils terminent avant la fin de l’année.
Raphaël Lichten