
Paris, le vendredi 13 janvier 2023 – Un documentaire diffusé sur LCP dénonce les agressions sexuelles commises par des médecins et l’omerta qui règne dans le monde médical.
Cinéma, sport, politique… : depuis le début du mouvement MeToo en 2017, pas un seul milieu n’est épargné par cette déferlante d’accusations d’agressions sexuelles, commises généralement par des hommes abusant de leurs positions de pouvoirs. Malgré une forte féminisation et une profession profondément imprégnée d’humanisme, la médecine n’est malheureusement pas épargnée par ces comportements déplacés voire parfois criminels. Il faut dire que le paternalisme qui a longtemps sied à l’exercice de la médecine n’est pas forcément compatible avec l’esprit de notre temps, sans oublier le corporatisme qui freine la fameuse « libération de la parole ».
Dans le documentaire « MeToo chez les médecins », diffusé ce mercredi sur La Chaine Parlementaire (LCP), les réalisateurs Xavier Deleu et Julie Pichot donnent la parole à des patient(e)s victimes d’agressions sexuelles ou de viols commis par leur médecin. L’occasion de dénoncer l’inaction et la lenteur de la justice mais surtout l’omerta qui règne dans le monde médical, l’Ordre des médecins ayant tendance, selon les deux réalisateurs, à tenter d’étouffer les affaires de violences sexuelles au sein du corps médical.
Un médecin accusé de viol…et l’Ordre sanctionne son accusateur !
L’exemple le plus édifiant présenté par le documentaire est celui du Dr André Hazout, gynécologue. Il aura fallu plus de 20 ans après les premières accusations de patientes au début des années 1990 pour que cet expert de la procréation médicalement assistée soit finalement condamné en 2014 à huit ans d’emprisonnement pour des viols et des agressions sexuelles commises sur cinq de ses patientes, faits qu’il a partiellement reconnus.
Pendant plusieurs années, l’Ordre des Médecins n’avait pas donné suite aux plaintes de patientes contre le Dr Hazout. Pire encore, le conseil de l’Ordre (CNOM) avait infligé un blâme au Dr Richard Poitevin qui avait accusé le Dr Hazout d’avoir violé son épouse. « L’Ordre est parfois plus sévère envers ceux qui dénoncent les violences qu’avec les victimes » commente le documentaire.
Autre exemple troublant, celui du Dr Bernard Henric, gynécologue et endocrinologue qui est accusé de viols et agressions sexuels par plusieurs dizaines de ses patientes depuis plusieurs années. Mis en examen, il s’est vu interdire d’exercer la gynécologie mais pas l’endocrinologie et continue de recevoir des patients : une nouvelle plainte pour viol a été récemment déposée contre lui, pour des faits commis en tant qu’endocrinologue. Il n’a pas été suspendu par le conseil de l’Ordre.
Déjà accusé de complaisance envers les praticiens accusés de violence sexuelle par la Cour des Comptes en 2019, l’Ordre des médecins rejette ces critiques. Tout en reconnaissant que l’Ordre a pu faire preuve d’« inaction à certains moments », le Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente du CNOM, affirme que « dans les faits à connotation sexuelle, nous invitons très fortement les conseils départementaux à porter plainte contre les médecins ».
Pas convaincu par ces dénégations, les deux réalisateurs concluent leur film en affirmant que « non seulement le Conseil de l’Ordre a le plus grand mal à sanctionner, mais il ne signale pas les faits dont il a connaissance à la justice », ce qui permet à des « criminels en blouse blanche d’exercer impunément durant des dizaines d’années ».
Grégoire Griffard