« Qui devait commander ces foutus masques ? » Une histoire française

Paris, le mercredi 15 avril 2020 - « Etions-nous préparés à cette crise ? A l’évidence, pas assez ». Dans son allocution solennelle du 13 avril 2020, le Président de la République a tenu à reconnaître les insuffisances de l’État et de l’administration dans la gestion de la crise sanitaire, mais aussi leur manque d’anticipation face aux périls.

La pénurie de masques à destination des personnels soignants (hospitaliers ou libéraux), mais aussi du grand public, symboliserait à elle seule le désarmement face au Covid-19.

Et pourtant. Il y a dix ans seulement, la France pouvait compter sur un stock impressionnant de masques. En 2009, notre pays disposait de 723 millions de masques FFP2 et de plus d’1 milliard de masques chirurgicaux.  

Une décennie plus tard, le stock de masques FFP2 avait tout simplement disparu.

Les enquêtes menées par divers médias (The Conversation, l’Opinion s’agissant de la période allant de 2001 à 2020, Mediapart pour les dernières semaines…) permettent de dessiner une chronologie de ce fiasco qui n’est pas simplement une faillite de l’administration, mais bien une faillite collective.

2005 - 2009 : un Etat qui s’arme face au risque épidémique 

Dans le sillage de l’épidémie de SRAS en Chine (2003) et face à la menace que représente la grippe aviaire, la France se prépare à affronter une pandémie sur le territoire national.

En 2005, un « rapport sur le risque épidémique » est co-signé par le député Jean Pierre Door et la sénatrice Marie-Christine Blandin.

A l’époque, le masque est perçu (il est vrai s’agissant d’un virus différent) comme un moyen pour freiner la propagation d’une épidémie. Les parlementaires recommandent que « les personnes en contact avec le public puissent disposer de masques adaptés à la pandémie ».

Comme le souligne Arnaud Mercier, journaliste pour The Conversation, les deux parlementaires avaient alors conscience du coût important que représentait l’acquisition de millions de masques : « La mise à disposition de masques en nombre suffisant aurait certainement un coût très élevé mais, en même temps, aiderait à limiter la paralysie du pays. Vu sous cet angle, il convient de relativiser le coût ».

En conséquence, la France s’équipe massivement en masques FFP2 et chirurgicaux.

2009 : la pandémie qui n’a pas eu lieu

En amont de la crise de la grippe H1N1, la France dispose donc de stocks conséquents.

Un arrêté du 3 décembre 2009, pris sur le fondement de l’article L. 3131-1 du Code de la Santé Publique, prévoit même la possibilité de distribuer une boite de masques à chaque patient infecté par la grippe H1N1 et resté confiné chez lui, afin de limiter le risque de propagation de la maladie au sein de son foyer !

Mais voilà, le 13 janvier 2010, la France annonce officiellement la fin de l’épidémie de grippe H1N1 avec un bilan de 323 morts sur le territoire national.Cette crise va modifier de manière durable la manière dont l’Etat appréhende le risque sanitaire.

D’après un rapport parlementaire, 150 millions d’euros avaient été engagés pour l’achat de masques et les décisions prises par la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot, font l’objet de vives critiques. Ainsi, Marine le Pen avait appelé la Ministre « à tirer les conséquences » de « son manque d’anticipation » : « Gouverner, c’est prévoir. Quand on n’est pas capable de prévoir et qu’on dépense l’argent des contribuables sans raison, car là en l’occurrence, on parle de près de 2 milliards d’euros. Il faut que les Français sachent qu’au-delà du milliard dépensé pour les vaccins, il y a aussi tout le reste : les stocks de Tamiflu qui se périment vite et les masques ».

L’opinion publique également juge très sévèrement l’action de la ministre. Dans son magazine Pièces à conviction, Elise Lucet fait de la gestion des masques un symbole de la « mauvaise gestion de l’Etat ». Les questions adressées à Roselyne Bachelot par la journaliste, dans l’émission Pièces à conviction, diffusée en 2011, appellent la ministre à faire son autocritique : « ceux qui nous gouvernent ont-ils manqué de discernement ? Le matin, quand vous vous regardez dans la glace vous ne vous dites pas à un certain moment, je me suis un peu trompée dans les prises de décision ? ».

La Cour des Comptes a également pu critiquer certains aspects de la gestion de l’épidémie, et notamment l’organisation jugée coûteuse de la campagne de vaccination de la population.

En revanche, point à souligner, la Cour des Comptes avait salué « la pertinence » de la constitution de stocks de masques et d’antiviraux dans son rapport publié le 21 mars 2011 !

On constate même à l’époque que certaines erreurs de logistiques avaient été relevées dans les rapports parlementaires sur la gestion des masques : « les calendriers de livraison font apparaître des réceptions de commandes tardives, ce qui pose la question de l'opportunité de tels achats qui, de toute évidence, allaient arriver trop tard pour la pandémie ».

2011 - Une responsabilité partagée avec les établissements de santé

Le 13 novembre 2010, Roselyne Bachelot est remplacée à son poste de ministre de la Santé par Xavier Bertrand et un changement de doctrine va être acté par l’administration française.

Ainsi, en 2011, une instruction ministérielle bouleverse la gestion des stocks. Une distinction alors est opérée entre deux types de stocks de produits de santé. L’État a pour mission de consolider un stock stratégique de médicaments et de masques qui sera géré par l’Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires (EPRUS). Mais pour éviter les problèmes de logistique en cas d’épidémie, chaque établissement de santé où se trouvent des SAMU et des SMUR est invité à établir un stock tactique de masques, pour permettre une prise en charge rapide des épidémies.

La date de 2011 est donc très importante. A partir d’elle, la responsabilité dans la constitution des stocks était donc partagée entre l’État et les établissements hospitaliers.

Dans cette instruction ministérielle, il est ainsi précisé que l’acquisition des stocks tactiques doit être prise en charge par les établissements de santé : ce qui pose la question suivante, comment chaque établissement de santé a organisé la gestion de son propre stock entre 2011 et 2020 ?

En 2011, la France disposait encore de plus de 600 millions de masques FFP2.

Conséquence de cette distinction entre stock stratégique et tactique, une note du 27 juillet 2011 fait part de la décision « de ne pas renouveler un stock » jugé suffisant, et ceci « dans l’attente du projet de loi de finance pour l’année 2013 ».

2013 - De l’Etat stratège à l’Etat comptable

En 2012, une nouvelle majorité, socialiste, arrive au pouvoir. Et surprise ! En 2013, dans le cadre d’un changement de doctrine sanitaire, il est jugé que le rapport coût / efficacité du masque FFP2 n’est finalement plus si favorable que cela.

Pour l’administration : « le recours systématique aux masques de protection respiratoire de type FFP2 a montré ses limites en termes d’efficacité car la gêne voire la difficulté respiratoire liées à leur port, conduisent à un faible taux d’utilisation ».

Il a donc été estimé par les autorités qu’il n’était plus nécessaire d’assurer le renouvellement du stock de masques FFP2. Tout au plus, il était demandé aux établissements de décider si ils estimaient nécessaire ou non de constituer leurs propres stocks de masques FFP2. Or, la durée de vie d’un masque FFP2 étant limitée (5 ans), le stock a logiquement fondu au point de devenir inexistant.

En parallèle, la production française de masques chirurgicaux n’a fait que diminuer.

Symbole de cette nouvelle gestion, l’EPRUS fait l’objet d’une dissolution en 2016 (et ceci malgré la vague d’attentats qui a frappé la France en 2015-2016). Ses attributions sont alors fusionnées avec celles d'autres organismes au sein de l’Agence nationale de santé publique.

2020 - Trop tard pour agir

Au moment où l’épidémie de Covid-19 débute en France, où en est le fameux « stock stratégique » mis en place en 2011 ?

Le 3 mars dernier, le Ministre de la Santé Olivier Véran fait état d'une réserve de 145 millions de masques chirurgicaux.

Le piège qui se referme (et dont le ministre actuel, arrivé au pouvoir mi-février n’est [pour le coup] pas responsable) est particulièrement diabolique. D’une part, le marché mondial fait face à une très forte demande (les stocks de masques ont également fondu aux Etats-Unis !). D’autre part, la Chine, premier pays producteur de masques et premier pays frappé par l’épidémie, n’est pas en mesure de répondre à une demande soutenue. Comme le révèle Mediapart, lors des premières semaines de mars, la cellule interministérielle dédiée à l’achat des précieuses protections masques n’a pu qu’obtenir de l’Asie que 40 millions de masques.

En urgence, le gouvernement actuel est donc dans l’obligation de décréter la réquisition des masques détenus hors de l’État.

Aussi, de nombreuses entreprises ayant constitué leur propre stock (conformément à la « doctrine » des années 2010 ont dû rétrocéder aux hôpitaux défaillants leurs masques chirurgicaux et FFP2.

Les difficultés criantes d’approvisionnement dès le début de l’épidémie dans notre pays ont renforcé le sentiment de défiance des Français vis-à-vis des autorités (ces mêmes Français qui vilipendaient la politique de prévention de Roselyne Bachelot en 2009, devenue une icône des plateaux télévisés à l’occasion de la pandémie de Covid-19 !).

Il est vrai que « pour ajouter de la confusion à la confusion », la doctrine française sur l’utilité très relative du port du masque, répétée à l’envi par les représentants de l’état jusqu’à une date très récente (alignée sur celle de l’OMS et sur l’avis de nombreuses sociétés savantes), a donné l’impression que le gouvernement cherchait à « masquer une pénurie ».

Passé, présent, avenir ?

Voilà donc comment en quinze ans, les soignants se sont parfois retrouvés désarmés face à une crise sanitaire d’ampleur.

Il existe plusieurs manières de percevoir ce fiasco.

Tout d’abord, on serait tenté de dénoncer la logique budgétaire de l’État. A partir de 2009, les gouvernements successifs ont privilégié les politiques permettant de limiter les dépenses publiques.

Mais ce scandale est-il simplement un scandale d’État ? La gestion des stocks tactiques au cours de cette période devra faire l’objet d’un examen minutieux dans les mois à venir. Le transfert de compétence n’exonérant pas les établissements de santé de leur responsabilité.

Enfin, la dernière interrogation concerne sans doute notre responsabilité collective. En fustigeant la gestion de la crise de la grippe H1N1 par le ministère de Roselyne Bachelot, l’opinion publique n’a-t-elle pas « tétanisé » les gouvernements qui se sont succédé ? En effet, ce sont bien les critiques incessantes (et courtermistes) de l’opinion qui ont poussé à adjoindre au « principe de précaution sanitaire » un « principe de précaution financier ».

Charles Haroche

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Vos réactions (17)

  • Il faudra bien que quelqu'un paie...

    Le 15 avril 2020

    Au delà des recherches de responsabilité, il reste un fait : les professionnels de Santé, libéraux comme hospitaliers, ont été envoyés à la guerre sans arme pour se défendre. Masques, blouses de protection, gants, il n'est qu'à voir le florilege de patrons pour masques en tissus, parfois proposés officiellement par protocole de CHU, les opérations de récupération de sacs poubelles scellés au fer à repasser pour faire des blouses, pour constater tout à la fois le courage et la determination des professionnels de Santé (je n'en connais pas qui ait fait usage de son "droit de réserve" contrairement à certains autres fonctionnaires que je ne citerai pas par miséricorde) et la faillite complète de ces gens suffisants et hautains qui prétendent gouverner l'Hopital Public et la Santé depuis 20 ans.

    Déjà, à Lyon, une plainte est déposée par les syndicats pour mise en danger de la vie d'autrui. La première. Elle sera, j'en suis persuadé, suivie de beaucoup d'autres, tant au niveau national que local.

    Nous le souhaitons, car une telle faillite dans la 7ème puissance mondiale est tout bonnement scandaleuse, et à de quoi inquiéter fortement. En cas d'accident nucléaire dans une centrale en France, il n'y a plus qu'à espérer que l'IRSN soit plus professionnelle que les ARS et les directions d’Hôpitaux, sinon ...

    Dr E Orvain

  • Stock et rentabilité

    Le 15 avril 2020

    L’idée de stocker les masques plus près de leurs utilisateurs n’était pas en soit mauvaise (pour au moins une partie), encore aurait-il fallu l’associer à l’établissement de normes pour en calculer la taille (en fonction des activités du site) et permettre d’éventuels contrôles.

    Et cela d’autant plus qu’on s’est mis en même temps à dénoncer publiquement et de plus en plus fort les hôpitaux dits « déficitaires », dont les directeurs sont privés de « primes »…, d’où une chasse au stocks dormants et une généralisation des flux tendus.

    En rappelant aussi que, dans notre système de financement, pour être « bénéficiaire » il faut surtout faire le plus possible d’actes rentables sans trop tenir compte de leur utilité, tout en essayant d’éviter les actes moins rentables, ce qui constitue une prime de fait au secteur privé (plus libre de choisir…), avec pour objectif commun de coûter cher aux joyeux contribuables…

    Dr Pierre Blanié

  • Critiquer...

    Le 16 avril 2020

    Le français, le plus indiscipliné de toute l'Europe et jugé aussi le plus râleur, aime bien critiquer. Critiquer, critiquer, il en restera toujours quelque chose... la preuve.
    Enseigner, soigner et gouverner...les 3 métiers impossibles de Freud.

    Juste pour le détail en passant : comment critiquer la gestion des stocks des hôpitaux quand ceux-ci n'arrivaient même plus à fonctionner correctement ? C'est comme reprocher au pauvre d'être pauvre, non ? Rendre responsable la victime, c'est un moyen de défense comme un autre (ça peut s’appeler la projection agressive).

    Malhonnête certes mais tant qu'il existe une audience pour le croire... On dissous, on fusionne toujours dans une logique comptable et on oublie de regarder si on n'a pas perdu des billes dans ces actions.

    "En effet, ce sont bien les critiques incessantes (et courtermistes) de l’opinion qui ont poussé à adjoindre au « principe de précaution sanitaire » un « principe de précaution financier »."

    Non c'est le remplacement d'une logique de santé publique par une froide et implacable logique de restriction financière à tout va ! L'administratif a pris le pouvoir sur les autres corps de métier. Sur l'humain et ses besoins (les gilets jaunes, il n'y a pas si longtemps). Il n'y a qu'à constater la disparition de certains aménagement qui avaient été jugés indispensables à une époque plus que révolue, celles des lumières "les sanitaires, les fontaines... les trottoirs". La ville est devenue, pensée fonctionnelle pour le dieu Economie. Elle est de moins en moins faite pour le bien-être des humains.

    Et ce pouvoir économiste a a encore aujourd'hui même du mal à céder sa place alors même qu'il risque de perdre sa force de production : l'humain.

    Si nous ne changeons pas notre paradigme de valeurs, nous périrons, tout simplement. Sous le regard glacé des multimillionnaires qui daignent céder 12 % de leur richesse pour le petit peuple grouillant sous ses bottes.

    On a toujours le choix, surtout quand on croit n'en avoir aucun.
    Diviser pour régner, c'est aussi une façon de gagner pour les détenteurs d'un pouvoir... Morceaux de papier et rondelles de métal, une vie humaine se réduirait-elle à cela ?

    C. Durand

  • Economies sur le matériel plutôt que sur la fonction publique

    Le 16 avril 2020

    Et les gants ? Et les sur blouses ? Et les respirateurs ? Et les tests ? Se périment-ils tous ? Le choix politique n'a-t-il pas porté sur les économies faites sur le matériel, puisqu'il fallait en faire, plutôt que sur le personnel de notre fonction publique ? (l'Allemagne aurait 2 fois plus de respirateurs et 2 fois moins de personnel hospitalier selon l'IFRAP ).

    Dr Lucien Duclaud

  • On aurait du avoir 1 milliard de masques en stock

    Le 16 avril 2020

    Pour les produits en stock il s'agit de stocks tournants. Rien n'est perdu on utilise les produits à un an de péremption et on réapprovisionne.
    On ne détruit rien.
    Il y a un coût mais il est faible.
    Il existe ainsi un stocke de vaccins à Bron (Bioforce) et cela marche très bien alors que les péremptions pour les vaccins sont de un an.
    On aurait du avoir 1 milliard de masques en stock.

    Dr Jean Loup Rey (santé publique)

  • Répartition des tâches

    Le 19 avril 2020

    Puisqu’on se compare toujours à l’Allemagne j’aimerais connaître la répartition des cols blancs et des cols bleus dans le milieu hospitalier. Je crains fort de découvrir une différence colossale. En effet, les 2 pays dépensent la même somme pour leur système de santé. L'Allemagne dispose de lits de réanimation, de tests sérologiques, de respirateurs, de personnel soignant en quantité largement suffisante.
    La France notre beau pays, donneur de leçons à toute la planète est en déficit sur toutes ces questions. Et pourtant ça coûte «un pognon dingue». Alors que fait-on de tout cet argent. Je crois connaître une partie de la réponse, notre système politique Jacobin mélangé à Une décentralisation génératrice de copinage local a provoqué une création de postes administratifs totalement improductifs soucieux de prouver le bien fondé de leur existence (du lundi après-midi au vendredi matin 10h).
    On a ce que l’on mérite, hélas.

    P. Raoult, pharmacien
    Ps : je n’ai rien à voir avec Didier Raoult

  • J'espère que l'on ne se contentera pas de faire sauter un fusible

    Le 19 avril 2020

    Je vous invite à lire l’article fait par l’Opinion sur ce sujet qui a défaut de faire toute la lumière sur la mauvaise gestion des masques depuis 2011 montre très bien que la logique de gestion a été volontairement politique et financière en laissant un organisme de défense du territoire (le SGDSN-Secretariat général de La Défense et de la sécurité nationale) gérer le stock de masques pour palier à une éventuelle attaque bactériologique et délocaliser aux entreprises (publiques ou privées) la responsabilité de gestion de stock de masques pour elles même. Sous le contrôle du Haut Comité de la Santé publique et plus ou moins le ministère de la Santé. Une façon de réduire et de déplacer des budgets mais aussi de minimiser la puissance nécessaire de l’analyse préventive d’une situation de pandémie qu’elle soit volontaire, accidentelle ou conjoncturelle.

    Bien évidemment aucun nom cité dans cet article mais les responsables en poste à ces périodes (2011 -2013 et suivantes...) sont parfaitement identifiables. Ce qui l’est moins c’est le nombre et les noms des hauts fonctionnaires qui ont pour organiser ce fiasco fait moult réunions, commissions et rapports. J’espère que cette fois on ne se contentera pas de faire sauter un fusible mais que tout le tableau électrique sera rénové.

    Dr Michel Bounioux

  • Disparition des masques et péremption

    Le 19 avril 2020

    Il est tout à fait extraordinaire qu'un à deux milliards de masques payés et soigneusement stockés aient disparu car jetés et détruits sur un critère hallucinant : la DATE de PÉREMPTION ! En effet, du papier, plié emballé dans des paquets en carton, eux-mêmes dans de plus gros emballages, ceux-là dans des locaux spécifiquement aménagés pour garantir l'absence d'humidité, cela sous le contrôle régulier d'inspecteurs de la DDASS, perd de façon évidente ses propriétés ! On a entendu à la radio des abrutis d'entreprises diverses affirmer au début de la crise qu'ils venaient de les jeter car ils étaient périmés.

    J'espère qu'avec le surgissement du monde nouveau (sic) qui nous attend quelques-uns dans les "pointures" qui nous administrent vont se pencher sur le problème universel des normes imposées partout en dépit du sens commun. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, mais prendre en compte le contexte d'utilisation des produits.

    Ce qu'on jette neuf dans le secteur sanitaire car ayant dépassé la sacro-sainte date de péremption est débile et ruineux, au plus grand profit des industriels et au prix d'une pollution sans cesse croissante.

    Dr Alain Rosant

  • Accord avec C. Durand

    Le 19 avril 2020

    En plein accord avec votre message. Message qui reprend en quelques lignes la véritable pensée dominante, fort différente de celle qui veut s'imposer.
    Je rejoints volontiers la grande majorité silencieuse qui pense comme vous.

    Dr Roland Plumeau

  • Homicide involontaire

    Le 19 avril 2020

    Merci au rédacteur pour cette synthèse très instructive sur l'historique de la gestion des masques, que l'on peut résumer de calamiteuse.
    Au final ces erreurs auront coûté la vie à plusieurs milliers de personnes (près de 18 000 à ce jour, mais ce n'est pas terminé, auxquelles il faut rajouter les victimes du confinement, seule mesure jugée efficace en l'absence de masques, et de la crise économique qui va immanquablement suivre...).

    Le crime est suffisamment monstrueux pour que les responsables soient traduits en justice, avec soignants et familles de victimes se portant partie civile.
    Peut-être aurait-il fallu ne pas faire l'économie de quelques millions d'euros (prix de revient d'un masque ?) pour ne pas se retrouver avec des centaines de milliards de dettes ?
    Peut-être fallait-il également de pas supprimer des masques périmés dans la mesure où le stock n'était pas renouvelé ? Qui d'entre nous au cabinet aurait l'idée de jeter une seringue d'ANAPEN périmée avant de la remplacer ?

    Dr J.C Vigreux, pédiatre

  • Péremption (Accord avec le Dr Alain Rosant)

    Le 19 avril 2020

    Je partage totalement, jusqu'à la rage, le message du Dr Alain Rosant sur la péremption : j'ai passé toute une vie hospitalière à voir jeter des tombereaux de matériels parfois coûteux pour une péremption complètement théorique et l'exemple des masques en est l'illustration typique.
    Par ailleurs, aucun protocole raisonnable de "restérilisation" de matériels stériles, dont la date de péremption était atteinte n'a été mis en œuvre même pour des matériels très coûteux.

    Pourquoi cette attitude des autorités sanitaires ? Connivence avec les industriels ou médiocrité et fuite des responsabilités ? Je mise malheureusement pour la deuxième hypothèse, qui est incurable.

    Pr Jean-Paul Boiteux

  • Gestionnaires débiles

    Le 20 avril 2020

    Ancien militaire j'ai appris à gérer des stocks de guerre.
    Hospitalier j'ai appris à gérer un stock de sang.
    Que ce soit du matériel ou des médicaments ou du sang, on calcule, on gère, on chiffre, on prévoit...en bon gestionnaire !
    Comme le dit plus haut le Dr Rey, les stocks ça se fait "tourner", on n'attend pas la péremption pour utiliser un masque ou une poche de sang (0.3 à 30 centimes, et 250 €) stocké(ée), et le stock on le maintient à niveau.

    L'armée doit continuer à contrôler ses stocks d'armes, de rations, etc comme je le faisais il y a 30 ans dans les Centres Mobilisateurs, avec quelques exercices de mobilisation pour se remettre à niveau (un peu...), mais surtout pour se sensibiliser. Rien de sorcier là dedans, il faut le faire, c'est tout.

    Et je partage les opinions ci dessus : 20 000 morts (pas plus, j'espère ...) de cette épidémie demandent les têtes des responsables de cette gestion de m...

    Dr F Chassaing

  • "Responsabilité collective" (Réponse à Madame Haroche)

    Le 21 avril 2020

    Chère Madame,

    J'apprécie beaucoup la qualité de vos tribunes et synthèses et celle-ci n'échappe pas à la règle. Néanmoins il me semble utile de remettre en perspective l'une de vos allégations s'agissant de notre responsabilité collective. Vous indiquez "Enfin, la dernière interrogation concerne sans doute notre responsabilité collective. En fustigeant la gestion de la crise de la grippe H1N1 par le ministère de Roselyne Bachelot, l’opinion publique n’a-t-elle pas « tétanisé » les gouvernements qui se sont succédé ? En effet, ce sont bien les critiques incessantes (et courtermistes) de l’opinion qui ont poussé à adjoindre au « principe de précaution sanitaire » un « principe de précaution financier".

    Je ne partage nullement votre analyse si c'est de l'opinion publique et des français en général dont vous parlez !
    Le bon peuple (dont je suis...à l'instar de beaucoup d'autres scientifiques et membres des professions médicales) n'a en aucune façon la capacité à se forger une opinion de manière indépendante sur un sujet de santé publique. En effet, ce sont les communications des autorités (gouvernements, élus, agences,...), des experts (notamment ceux que les autorités mandatent mais pas que car j'y inclus les experts auto-proclamés, les chefs de service, scientifiques ou médecins communicants qui sont régulièrement invités à s'exprimer par les médias, ceux qui animent des tribunes journalistiques, radiophoniques ou télévisées, ou les prix Nobel en mal d'attention médiatique) et les informations relayées par les médias qui la forgent.

    A titre d'exemple, malgré mon doctorat de biologie et mon DE de pharmacien, assortis d'une large expérience professionnelle (assistant, enseignant, chercheur, administrateur scientifique dans une institution de standardisation européenne), j'ai cru comme tout un chacun que le COVID était une "grippette" qui tue 2% des malades tous âgés et affectés de co-morbidité jusqu'à ce que:
    1. les autorités sanitaires et les organismes compétents nous disent que c'était une pandémie, que des malades de toutes les classes d'âge - y compris les bébés et les enfants - pouvaient développer des formes graves voir mortelles et que nos structures sanitaires "usuelles" étaient incapables de faire face à cette menace, qu'il s'agisse de fournir des équipement de protection à tous ou de prodiguer les soins nécessaires aux malades en cas de transmission massive.

    2. les médias relayent des messages de santé publique fiables, complets et sérieux qui illustraient gravité de notre situation sanitaire et qu'un consensus émerge autour de la nécessité d'un confinement (à défaut d'autres approches possibles).

    Je n'ai pas compétence non plus à juger de l'opportunité de l'approche thérapeutique choisie par le Pr. Raoult, qui utilise contre l'avis de certains de ses pairs, un protocole expérimental dont l'efficacité n'est pas établie de manière formelle: on parle ici de méthodologie des essais cliniques, d'éthique biomédicale, de statistiques...
    Que pèse mon opinion - si tant soit est que je puisse en avoir une et que je l'exprime - dans un tel débat ? Rien, zéro... Et en mathématiques 0 x 60 000 000 cela fait toujours zéro !

    Suivre l'avis du plus grand nombre sur des sujets de société clivants en santé publique c'est du populisme! A ma connaissance ce n'est pas le FN qui est aux commandes de notre pays: les Français qui veulent vivre en démocratie ont donné des mandats successifs aux républicains, puis à la gauche et enfin à LRM.

    Donc maintenant, il appartient aux PERSONNES qui nous ont gouverné ces dix dernières années ainsi qu'aux responsables des agences sanitaires, aux hauts fonctionnaires et aux "sages " qui les conseillent et aussi aux médias qui s'emparent de l'information sanitaire de d'assumer leurs responsabilités.

    En son temps, le "responsable mais pas coupable" de Madame Georgina Dufoix n'a convaincu personne et surtout a généré une crise de confiance majeure dans la capacité de notre état à nous protéger.

    Même s'il serait contreproductif à ce stade et même plus tard de chercher à faire tomber des têtes, nous ne ferons pas l'économie d'une remise à plat de nos processus décisionnels et de la création d'un mécanisme de compensation pour les dommages subis par ceux qui ont ou vont tout perdre dans cette crise: la vie, la santé physique et mentale, l'amour d'un proche, une vie de couple, un enfant, les aînés de la famille ou encore leur travail, leur épargne, leur entreprise, leurs perspectives d'avenir...

    Si on ne veut pas que les Français deviennent férocement antidémocratiques et anti-intellectualistes, il appartient à nos élites de se ressaisir et de faire preuve de clairvoyance, de générosité et de se réinventer.

    La solidarité entre les corps sociaux, la remise en route de l'ascenseur social et la réflexion sur la place du citoyen dans l’état et dans l’entreprise.

    Le mode de fonctionnement et la finalité des collectivités, des entreprises et des corps d'état dans notre nation et dans l'Europe à laquelle elle est partie.

    Mais aussi le refus de la brutalité, de l’égocentrisme, de l’entre soi, du mépris des humbles et du sexisme voir de la misogynie qui règnent dans les sphères privées, publiques et professionnelles…

    Voici quelques pistes à explorer d'urgence ! A défaut le retour des gilets jaunes, masqués et gantés en prime ne saurait être exclu.

    Bien cordialement.

    Dr. Marie-Emmanuelle Behr-Gross

  • Chercher l'erreur

    Le 26 avril 2020

    Rey et Chassaing sont dans le vrai. Un stock coute cher à sa constitution. Après c'est une affaire de roulement beaucoup moins onéreux mais nécessitant une bonne vigilance et des circuits bien en place.
    L’état français est passé totalement à coté du problème non pas en constituant des stocks apres H1N1 mais en ne les renouvelant pas pour un cout modique. Pire en "déléguant" ce renouvellement (en s'en débarrassant en fait) à des CHs pour lesquels il avait prévu des coupes budgétaires majeures il a obtenu le résultat que l'on connait: les CHs n'ont pas renouvelé les dits stocks.

    L'administration française est bien loin d’être la meilleure du monde. Elle recrute pourtant les "meilleurs d'entre nous". Cherchez l'erreur.

    Dr Jean-Pierre Massol

  • Mai-juin 1940...

    Le 26 avril 2020

    L'histoire repasse les plats.
    Normal:les grands penseurs qui dirigent le pays sont les héritiers des guignols de 1940!

    Dr Henri Baspeyre

  • Y a qu'à ...

    Le 29 avril 2020

    Superbe illustration, dans la plupart des commentaires, du "Y a qu'à..." et de ses variantes "Y avait qu'à..." ou "Y avait qu'à pas....!".
    Un véritable florilège. Merci à tous les auteurs de ces critiques, sûrement tous très experts.

    Mais merci surtout, plus sérieusement, à l'équipe de rédaction d'avoir donné cet historique bien documenté et nuancé.

    Dr J. Malghem

  • Prix du stock de masques : dérisoire

    Le 10 mai 2020

    Petite précision sur le coût d'un stock d'un milliard de masques: hors coûts de stockage, prix d'achat d'un masque environ 2 centimes d'euros.
    En effet, médecins radiologues, nous avons commandé des masques pour notre usage professionnel (petits gestes) peu avant le confinement. Prix de vente d'une boîte de 50 masques chirurgicaux: 3€ hors taxe. Tarif professionnel (nettement plus élevé que tarif public), livré, soit 6 centimes le masque. J'imagine que le prix sortie d'usine doit avoisiner 1 ou 2 ct €, aussi étonnant que cela puisse paraitre.
    Donc 1 millard de masques à 2 centimes= 2 millions d'euros. Dérisoire !

    Dr Bernard Pellegrin

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