« Qui nous soignera quand les professionnels de santé ne seront plus là ? »

Paris, le mercredi 31 août 2022 – « Tant mieux, parce que nous ça ne va pas du tout ». Jamais un professionnel de santé ne se laisserait aller à une confidence aussi violente. Pourtant chaque jour, beaucoup cachent leur détresse à leurs patients, à leurs collègues, à leurs proches.

Le film du réalisateur français Marc Gibaja met en scène ce moment de bascule, ce moment où la souffrance se révèle enfin, mais où il est trop tard. Trois professionnels de santé dans la chambre d’une patiente âgée qui affirme se sentir beaucoup mieux « grâce à vous docteur » passent soudainement à l’acte : en sautant par la fenêtre, utilisant une arme, se pendant.

Après ces images chocs, un message rappelle qu’il existe des solutions pour éviter ces drames et notamment un réseau de plus de 100 psychologues et un numéro d’écoute.

Une extrapolation imparfaite

Le spot présenté hier par l’Association Soins aux professionnels de Santé (SPS) et qui s’inscrit dans la dynamique créée par le message porté par le chanteur Stromae il y a quelques mois, indique que « trois professionnels de la santé se suicident tous les deux jours ».

Le chiffre est en réalité une extrapolation du nombre total d’autolyses en France : 9000 par an. Cette méthode de calcul même si elle aboutit à un résultat marquant est nécessairement imparfaite.

En effet, il faudrait pouvoir comparer les professionnels de santé à des populations présentant une situation socioprofessionnelle comparable, tandis que l’on sait que le taux de suicide est plus élevé chez les personnes au chômage.

La force du déni

D’une manière générale, les données sont lacunaires en France en ce qui concerne l’influence de la profession sur le risque suicidaire. Cependant, les secteurs s’organisent pour mettre en place des réponses spécifiques. Ainsi est notamment née l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) fondée par le Dr Henry, qui a été lui-même touché personnellement par le suicide d’un proche soignant.

La structure est très sensible au fait que l’une des grandes difficultés de la prise en charge de la détresse des praticiens est la force du déni, le très long délai entre l’apparition des premiers symptômes et l’appel à l’aide ; une longueur qui peut favoriser les passages à l’acte.

Taux de réponse de 100 %

Selon les chiffres parcellaires disponibles, qui résultent d’un certain nombre d’enquêtes, menées en particulier par les syndicats, notamment chez les internes et les jeunes médecins, le risque suicidaire serait « deux fois plus élevé que dans la population générale » chez les médecins.

Si la prévalence des symptômes dépressifs et de burn-out était déjà élevée avant la crise sanitaire, cette dernière a conduit à une augmentation nette de ces tendances.

Dans ce contexte, la campagne choc de « SPS » a pour ambition de faire encore mieux connaître le numéro vert mis en place il y a six ans (0 805 23 23 36) et qui bénéficie d’un taux de réponse de 100 %.

« Depuis sa mise à disposition (…), le numéro vert (…) a reçu plus de 18 000 appels, dont près de 14 000 depuis la crise sanitaire (une plus grande médiatisation du numéro a été faite à la faveur de celle-ci, ndlr). De janvier à juin 2022, la plate-forme a reçu plus de 3 000 appels, soit près de 15 par jour, dont plus de 30 % reçus la nuit et le week-end. Sur l’ensemble des appels recueillis en 6 mois en 2022, plus de la moitié étaient classés de niveau 1 (« anxiété plus ou moins addiction »), mais 4 étaient de niveau 5 « risque de passage à l’acte imminent » et près de 100 de niveau 4 « idéations suicidaires ». Parmi les 4 appels de très grande urgence, 2 émanaient d’étudiants, 2 de professionnels de la santé. Au total sur les deux dernières années, la plateforme a permis de répondre à près de 500 appels de personnes à risque suicidaire (imminence du passage à l’acte ou idées suicidaires) » résume SPS.

Enjeu de santé publique

Mais cette campagne a également pour vocation de porter sur le devant de la scène une question de santé publique. En effet, au-delà des drames, les situations d’épuisement professionnel qui progressent chez les soignants entraînent démissions et départs à la retraite, aggravant encore des pénuries délétères.

Le spot est ainsi intitulé : « Qui nous soignera quand les professionnels de santé ne seront plus là ? ».

L.C.

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