Acide bempédoïque plus statines égale moins de LDL-cholestérol !

De multiples sociétés savantes recommandent actuellement de prescrire, dans le traitement des hypercholestérolémies, la dose maximale de statines tolérable afin de réduire le risque cardiovasculaire (CV) chez les patients présentant une maladie CV athéromateuse clinique (ASCVD). Le but principal est une réduction, si possible, de 50 %, voire plus, des lipoprotéines de basse densité (LDL-C), en associant au besoin d’autres molécules de familles différentes, quand la cible biologique n’est pas atteinte. Malgré cette stratégie, chez nombre de patients à haut risque CV ou avec une ASCVD clinique et/ou porteurs d’une hypercholestérolémie familiale, il reste impossible de réduire le LDL-C à des taux acceptables.

Parmi les nouvelles options thérapeutiques, on peut alors proposer l’acide bempédoïque. Il s’agit d’une prodrogue active, administrable par voie orale, une fois par jour. Dans le foie, la molécule est activée en bempédoyl-CoA qui inhibe une enzyme en amont de la 3-hydroxy-3 méthylglutaryl -CoA, cible des statines. Cette inhibition a pour effet d’augmenter la clearance des molécules LDL et donc d’abaisser le taux du LDL-C sérique.

Un essai de phase 3 a évalué l’effet de 180 mg/j d’acide bempédoïque per os, en une seule prise quotidienne pendant 12 semaines, vs placebo, sur les variations du taux de LDL-C chez des patients avec ASCVD, hypercholestérolémie familiale hétérozygote ou hypercholestérolémie très élevée malgré un traitement hypolipémiant maximal. Les patients, tous à très haut risque, malgré un traitement intensif, gardaient un LDL-C supérieur à 100 mg/dL (2,6 mmol/L) ou encore à plus de 70 mg/dL (1,8 mmol/L) une semaine avant la randomisation. Etaient exclus les sujets dont le taux de triglycérides à jeun était supérieur à 500 mg/dL (5,6 mmol/L), ceux présentant un indice de masse corporelle excessif, une insuffisance rénale sévère avec un DFG inférieur à 30 ml/min/m2, un accident CV récent ou une maladie chronique pouvant compromettre une bonne participation à l’essai.

CLEAR-Widsow a été mené de façon randomisée, en double aveugle, contre placebo, entre Novembre 2016 et Septembre 2018, dans 86 établissements nord-américains et européens. Après une phase de démarrage, contre placebo, les participants ont été randomisés, de façon centralisée, dans un rapport 2 :1, pour recevoir, soit 180 mg/j d’acide bempédoïque, soit un placebo, per os, durant 52 semaines, après stratification selon la présence éventuelle d’une hypercholestérolémie familiale hétérozygote et de l’intensité du traitement de base par statines. Durant l’essai, les traitements antérieurs étaient maintenus, avec un ajustement possible à la 24esemaine. Des dosages du LDL-C, du HDL-C, du cholestérol non HDL, du cholestérol total et des triglycérides ont été effectués de façon itérative ; la mesure du LDL-C utilisait la formule de Friedwald, sauf en cas de triglycérides au-delà de 400 mg/L ou de LDL-C à moins de 50 mg/dL. Ont également été mesurés les taux d’apolipoprotéine B et de C réactive protéine haute sensibilité. Tous les effets secondaires survenus durant les 52 semaines d’étude ont été notés.

Le paramètre essentiel analysé a été la variation, en pourcentage, du LDL-C à la 12esemaine ; les paramètres secondaires étant les modifications des divers composants lipidiques et des biomarqueurs à la 12e, 24e et 52e semaine du protocole.

Baisse plus marquée du LDL Cholestérol à la 12e semaine

Sur 2 300 patients initiaux, 779 ont été randomisés. Leur âge moyen se situait à 64,3 ans ; 94,4 % des Blancs et 36,3 % des femmes. On comptait 552 participants dans le groupe actif vs 259 sous placebo ;740 (95,0 %) ont suivi l’intégralité de l’essai.

Le LDL-C moyen de départ était de 120,4 (DS : 37,9) mg/dL. L’exposition moyenne aux médicaments a été identique, de 363 jours en ce qui concerne l’acide bempédoïque vs 364 jours sous placebo. La grande majorité des patients (94,5 %) avaient des antécédents d’ASCVD sans hypercholestérolémie familiale ; 30,3 % étaient diabétiques ; 89,6 % avaient reçu préalablement des statines, dont 53,0 % de manière intensive mais l’on doit signaler que 5 % des patients (41/779) ne prenaient, au départ, de façon surprenante, aucun médicament hypolipémiant.

A la 12e semaine, dans le groupe actif, sous acide bempédoïque, le taux de LDL-C a été trouvé significativement plus réduit que sous placebo (-15,1 % vs -2,4 % ; p < 0,001) : il était, respectivement, de 97,6mg/dL face à 122,8 mg/dL. Il était également constaté sous acide bempédoïque, une diminution du cholestérol non HDL (- 10,8 % à 2,3 % ; différence – 13,0 % ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : -16,3 à -9,8 % ; p < 0,001), une baisse du cholestérol total (-9,9 à 1,3 % ; différence : -11,2 % ; IC : -13,6 à -8,8 %). L’apolipoprotéine B a également diminué (-9,3 % à 3,71 ; différence -13,0 % ; IC : -16,1 à -9,9 % ; p< 0,01) ainsi que la C réactive protéine HS (de -18,7 à -9,4 % ; différence – 8,7 % ; IC : -17,2 à – 0,4 % ; p = 0,04).  Diverses analyses de sensibilité pré spécifiées confirment la baisse du LDL-C sous acide bempédoïque ; les analyses per protocoles et post hoc également, sans effet décelable imputable aux sites d’étude.

Le taux d’effets indésirables est de 70,1 % dans le groupe actif vs 70,8 % sous placebo. Ils sont, pour leur grande majorité, de gravité très modestes et classés par les investigateurs comme non en rapport avec le protocole. Il y a eu, respectivement, 10,9 % et 8,6 % d’arrêts en cours de protocole. Il est noté dans 3 % des cas des myalgies et dans 0,4 % une faiblesse musculaire. Les effets secondaires les plus souvent mentionnés sont des nasopharyngites (dans 5,2 et 5,1 % des cas), des infections du tractus urinaire (5,0 vs 1,9 %) et une hyperuricémie (4,2 vs 1,9 %). A signaler également la survenue d’un diabète récent ou son aggravation en cours d’essai chez 7 % des patients de chaque bras.

Ainsi, dans une population à haut risque CV, l’ajout d’acide bempédoïque, à la posologie de 180 mg/j per os, à un traitement hypolipémiant maximal, a pour effet, comparativement à un placebo, une baisse significative du LDL-C. Les résultats de l’essai CLEAR rejoignent ceux de l’essai précédent, CLEAR Harmony, dont la durée avait été de 12 semaines. Plusieurs réserves sont, toutefois, à signaler. L’adhésion au traitement de fond, contrairement à celle du protocole, n’a pas été précisée. Il y a pu avoir, chez certains participants, des variations de prise en cours de protocole. Des essais de plus longue durée restent à venir. Enfin, ce travail n’a pas eu la puissance statistique suffisante pour apprécier un changement éventuel dans le devenir CV des patients.

En conclusion, chez des patients à haut risque cardio-vasculaire recevant la dose maximale de statines tolérable, l’ajout d’acide bempédoïque, vs placebo, au traitement de base amène à une baisse significative du LDL-C à la 12e semaine. Des travaux complémentaires restent indispensables pour préciser la persistance éventuelle du bénéfice et la tolérance à plus long terme.

Dr Pierre Margent

Référence
Goldberg AG et coll. : Effects of Bempedoic Acid vs Placebo Added to Maximally Tolerated Stains on Low-Density Lipoproteine Cholesterol in Patients at High Risk for CV Diseases. The Clear Wisdow Randomized Trial. JAMA, 2019; 322 (18); 1780-1788.*

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article