Additifs nitrités dans les charcuteries : les industriels ne verront-ils plus le jambon en rose ?

Paris, le mercredi 13 juillet 2022 – L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a rendu public hier un avis sur les risques liés à la présence de nitrites et de nitrates dans notre alimentation. « Les nitrites et les nitrates ingérés via les aliments et l’eau sont connus pour engendrer la formation de composés nitrosés, dont certains sont cancérogènes et génotoxiques pour l’être humain » rappelle l’ANSES.

Si notre exposition alimentaire aux nitrates provient majoritairement des végétaux, celle aux nitrites est principalement liée aux additifs nitrités ajoutés dans les charcuteries (et qui donnent par exemple au jambon sa couleur rose). Or, l’analyse de la littérature disponible sur le sujet permet de confirmer « l’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites et/ou aux nitrates (…). Plus l’exposition à ces composés est élevée, plus le risque de cancer colorectal l’est également dans la population », résume l’ANSES dans son communiqué publié hier.

Elle nuance cependant dans son avis en notant que le nombre d’études suffisamment robustes reste faible.

Risque = danger x exposition

Si un « danger » apparaît cependant démontré, l’évaluation du risque doit également tenir compte de l’exposition. Or, en France, la consommation de charcuterie n’a cessé de diminuer ces dernières années. D’une manière générale, les différentes normes en vigueur permettent que dans notre pays, « toutes sources d’exposition confondues, près de 99 % de la population ne dépassent pas les doses journalières admissibles (DJA) établies par l’Efsa et jugées pertinentes à ce jour pour les nitrates d’une part et les nitrites d’autre part », se félicite l’ANSES.

Le gouvernement ajoute que « l’utilisation des nitrites et nitrates est autorisée par la réglementation européenne qui prévoit des taux d’incorporation maximum de 150 mg par kilo. En France, les filières charcutières sont déjà en-deçà de ces seuils avec un maximum de 120 mg par kilo ».

Attention aux leurres

Néanmoins, tant l’ANSES que le gouvernement considèrent que des efforts supplémentaires pourraient être réalisés pour diminuer encore l’exposition des Français, d’autant plus que la présence de ce type de substances dans l’alimentation (ou au-delà dans l’environnement) est l’objet de préoccupations croissantes au sein de la population.

Aussi, l’ANSES estime qu’une révision de la « valeur toxicologique de référence globale incluant nitrates et nitrites compte-tenu de leur transformation en composés nitrosés » devrait être entreprise. Par ailleurs, les industriels vont être incités à encore davantage réduire leur utilisation, ce qui concerne l’usage de pesticides contenant des nitrates et l’ajout d’additifs nitrités.

Une disparition totale pourrait cependant être contre-productive semble mettre en garde l’ANSES. En effet, les nitrites présents dans les charcuteries ont un objectif de maîtrise du risque de contamination bactérienne (salmonellose, listériose ou botulisme par exemple). Or, certaines alternatives ne sont parfois que des leurres relève l’ANSES : « Certains fabricants utilisent des extraits végétaux ou des bouillons de légumes comme substituts aux additifs nitrités. Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où ils contiennent naturellement des nitrates qui, sous l’effet de bactéries, sont convertis en nitrites. Ces produits dits « sans nitrite ajouté » ou «zéro nitrite » contiennent donc des nitrates et des nitrites cachés » note l’institution.

Aussi, plutôt qu’un objectif « zéro nitrite », d’autres stratégies pourraient être préférés : « Par exemple, pour le jambon cuit, la réduction des nitrites pourrait s’accompagner du raccourcissement de la date limite de consommation. Pour le jambon sec, cela supposerait un contrôle strict du taux de sel et de la température au cours des étapes de salage, de repos et d’affinage du produit », liste l’ANSES. En diminuant par exemple le temps de conservation, on limite en effet le risque de transformation en composés nitrosés.

En s’appuyant sur cet avis de l’ANSES, le gouvernement a annoncé qu’il présenterait un plan d’action à l’Assemblée nationale dès le mois d’octobre.

 

M.P.

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