
L’accident vasculaire cérébral (AVC), l’une des principales
causes de décès et d’invalidité dans le monde pourrait être associé
à la consommation l'alcool par de multiples mécanismes, y compris
une augmentation de la pression artérielle, des altérations du
profil lipidique et de la fonction endothéliale, une réduction du
fibrinogène, une modulation de l'inflammation et le déclenchement
d’arythmies cardiaques.
Alors que l’on retrouve un lien entre prise d’alcool
épisodique excessive et augmentation des maladies
cardiovasculaires, une incertitude persiste quant à une potentielle
réduction du risque d’AVC sous l’effet d’une consommation faible à
modérée d’alcool. L’étude cas-témoin INTERSTROKE, la plus grande
étude internationale sur les facteurs de risque d'AVC, a exploré
ces associations.
Cette étude a recruté entre 2007 et 2015 dans 132 centres, 12
913 patients ayant présenté un premier AVC, hospitalisés dans les 3
jours, et un groupe témoin apparié (n = 12 935). L’âge moyen global
était de 61,8 [ET 13,4] ans et 40,5 % (10 458) étaient des femmes.
Les facteurs de risque étaient évalués à l’aide de questionnaires
et de l’examen physique.
La consommation d'alcool autodéclarée a été classée en
verres/semaine comme faible (1-7), modérée (7-14 pour les femmes,
7-21 pour les hommes) ou élevée (> 14 pour les femmes, > 21
pour les hommes). La consommation excessive d'alcool épisodique
(HED) a été définie comme > 5 verres en 1 journée au moins 1
fois / mois. Une régression logistique conditionnelle multivariée a
été utilisée pour déterminer les associations.
La question du vin n’est toujours pas résolue
Parmi tous les participants, 25,0 % (n = 6 449) étaient des
buveurs actuels, 16,7 % (n = 4 318) d'anciens buveurs et 58,3 % (n
= 15 076) n'avaient jamais bu. Les buveurs actuels étaient plus
jeunes, plus souvent des hommes, fumeurs actifs et exerçaient des
professions mieux rémunérées. Après ajustement multivariable, la
consommation d'alcool actuelle était statistiquement associée à
tous les AVC (Odds ratio OR 1,14 ; intervalle de confiance à 95 %
IC à 95 % 1,04-1,26) et à l'hémorragie intracérébrale (HIC) (OR
1,50, IC à 95 % 1,21-1,84) mais pas à l'AVC ischémique (OR 1,06 ;
IC à 95 % 0,95-1,19).
Le schéma HED était associé à tous les AVC (OR 1,39 ; IC à 95
% 1,21-1,59), aux AVC ischémiques (OR 1,29 ; IC à 95 % 1,10-1,51)
et aux HIC (OR 1,76 ; IC à 95 % 1,31-2,36). Un niveau élevé de
consommation d'alcool était systématiquement associé à tous les AVC
(OR 1,57 ; IC à 95 % 1,31-1,89), aux AVC ischémiques (OR 1,55 ; IC
à 95 % 1,26-1,90) et aux HIC (OR 1,59 ; 1,06-2,39). Comparativement
aux non-buveurs, une consommation modérée était associée aux HIC
(OR 1,39, IC à 95 % 1,04-1,86) , mais pas à l'AVC ischémique ni à
tous les AVC.
Une faible consommation d'alcool n'était pas associée à l'AVC
dans l'ensemble, mais des différences régionales sont constatées :
un faible apport était associé à une réduction du risque d'AVC en
Europe de l'Ouest/Amérique du Nord (OR 0,66 ; IC à 95 % 0,45-0,96)
et à un risque accru en Inde (OR 2,18 ; IC à 95 % 1,42-3,36) (p =
0,037).
La consommation de vin était associée à une probabilité
réduite de tous les AVC (OR 0,67 ; IC à 95 % 0,49-0,91) et d’AVC
ischémique (OR 0,69 ; IC à 95 % 0,49-0,97), mais pas d'HIC.
L'ampleur de l'association entre tous les AVC et la consommation
actuelle d'alcool, le HED ou une consommation élevée était la plus
forte chez les non-hypertendus (tous p = 0,001) et les fumeurs
actuels (tous p < 0,001).
Une des limites de cette étude est l’auto déclaration qui peut
être imparfaite, qu’elle soit effectuée par un mandataire, ou
biaisée par la désirabilité sociale qui peut conduire à
sous-estimer sa consommation. L’association directionnellement
différente de la consommation de vin avec l'AVC, par rapport à
d'autres types d'alcool, n’est pas élucidée : se rapporte-t-elle à
une différence spécifique des effets cardiovasculaires d'une
consommation faible à modérée de différents types d'alcool ? Ou à
des différences de contexte social et comportemental des
consommateurs de vin (par exemple, ceux-ci avaient des scores
alimentaires meilleurs et un niveau d'activité physique plus élevé)
?
Malgré tout, dans cette vaste étude internationale, une
consommation élevée et modérée d’alcool était indépendamment
associée à un risque accru d'AVC, tandis qu'une faible consommation
ne l'était pas, sans qu’elle ne soit liée à une réduction de risque
pour autant. Les actions de prévention doivent inclure une
réduction des consommations élevées et excessives d’alcool.
Dr Isabelle Méresse